Bernard Dadier : « Donnons-nous la main et oublions le passé » chante la radio

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Quelles mains ? Les mains ensanglantées ? Ces mains qui assassinent des frères ? Pour obéir à n’importe quel individu ? Sur ordre de Paris ?Mains.

Nous avons vu des mains pareilles pousser les portes des cellules dans les prisons, et les ouvrir le matin en laissant tomber deux ou trois cadavres. Terreur. N’est-ce-pas la même période que nous vivons sous l’égide des colons blancs de leurs hommes ? Ne serions-nous pas en rapport avec la France depuis 1365 selon Moreau ? Les tanks, les avions, tous les appareils de mort se reposent en attendant le mot d’ordre du maître de la danse mortelle. A bien réfléchir, le Non serait-il un homme pour le Blanc ? On raconte que la jeune Saartjee Baartman d’Afrique du Sud en 1810, domestique chez un certain Calzar, ayant des formes différentes de celles des femmes occidentales, devient la Vénus Hottentote qu’on exposa ici et là avant que d’éminents chercheurs ne s’occupent d’elle. Son corps et ses parties intimes furent exposés en public. Elle connut le séjour au Musée d’Histoire naturelle de Paris où travaillaient d’éminents professeurs scientifiques. Ont-ils donné leur verdict ?

On peut dire que depuis 1810, des Blancs se demandent si le Negro est un homme, le frère que leur annonçait la Bible.

Israël fut la terre choisie pour la grande scène. Le gibet nous le porterons pour l’ère nouvelle qui ne veut pas de nègre mendiant sur sa propre terre. Nous voilà garrotés par tous les grands maîtres associés du monde. Ils oublient que les esclaves les plus désarmés comme nous peuvent se révolter. Ici, la faim et la peur triomphent, et empêchent enfants et vieillards de dormir. A qui ces enfants et vieillards apeurés doivent-ils donner la main ? Pour la concorde. La concorde qui atteint un signe pour prendre son envol et nous détruire ? Un peuple n’est pas un troupeau de moutons qu’on mène à sa guise. Et liberté, égalité, fraternité n’ont jamais été importés en Afrique chez des peuples à couleur de nuit.

Lors de la traite, on jetait les enfants dans des sacs, on mettait un bâillon aux femmes et aux hommes pour étouffer leurs cris ; deux vaisseaux de guerre venaient sur les côtes d’Afrique pour protéger les négriers ; deux vaisseaux sont en rade en attendant que les avions et les chars se mettent en mouvement ; code noir là-bas, indigenat ici ; travail à vil prix et travail forcé ici ; contrats faramineux et salaire de misère ; des dettes des dettes, des hôtels de Paris refusent des chambres à des Nègres. Après la guerre nous avons parlé de liberté et nombreux ont été les morts, les mercenaires, les Alaouites amenés de partout ont accompli du bon travail et nous portons encore les coups de crosse et de bottes portés à des bêtes sauvages. C’est Toussaint Louverture qu’on fait mourir en France ; Kwamé N’Krumah qu’on chasse pour avoir parié avec un homme de Paris, Sékou Touré qui a osé dire Non à un référendum et les ampoules ont été emportées pour plonger la Guinée dans les ténèbres, et c’est Gbagbo qu’on envoie à la Haye après avoir tout détruit chez lui. Paris. Nous ne cesserons de parler de liberté et de dignité. Les biens d’un pays se partagent, mais ne s’accaparent pas.

Et nous refuserons toujours d’être des mendiants chez nous, et nous n’oublierons pas la belle leçon de Thiaroye : des prisonniers qu’on tue pour refus de payer des primes. Linas-Marcoussis qui chassa un Président élu du pouvoir, et c’est la démocratie parisienne du golf hôtel qui mit le feu dans notre pays et en chassa le Président. N’y aurait-il pas d’évolution hors de la France ? Je salue encore tous ceux qui sont morts pour nous et ceux qui combattent avec nous.

A Libreville, à l’aéroport devant le Ministre de l’Intérieur, une Haïtienne déchira un chèque que lui avait remis le Président en disant « je n’étais pas venue pour çà ! ». Une Noire de Haïti. Merci. A cette rencontre houleuse où les décisions présidentielles ne passèrent pas, le Ministre Cote en Côte d’Ivoire, à haute voix me dit « à Libreville, c’est vous qui aviez raison ». C’est ce Ministre de l’Air qui déposera des Africains à Bamako pour des réunions politiques. Des Blancs, des Français d’une autre classe qu’on dit de « gauche » qui prirent le pouvoir en 1936 et que la guerre empêcha de travailler.

Oublier le passé ? Lequel ? Abidjan, Grand-Bassam, Krinjabo, Bouaflé, Séguéla, Dimbokro ? Dans ces régions où dorment des Nègres pour avoir parlé de liberté pour leurs descendants ? Ces luttes qui vous permettent aujourd’hui de chanter et de danser ? Et faire la cour aux maîtres de l’heure ? Paris a-t-elle oublié Constantinople, Poitiers, Charles Martel, Vercingétorix, oublier le passé ! Paris a-t-elle oublié la Révolution qui donna à la France sa devise et les couleurs de son drapeau ? Oublier ? Ces morts, ces blessés encasernés appauvris ? Que pensez-vous de ces hommes qui entendent se coucher avec le soleil pour leur sécurité ? Sécurité, quelles conditions pour se donner la main et quelles précautions prendre pour ne pas être enchaîné ? Oublier le passé ? Notre richesse Jamais. Vierge Noire : que nos adversaires comprennent que nous sommes des hommes embarqués par Noé lors du Grand déluge. Et que vive l’Afrique !

14 Juillet, respect à tous ces morts noirs des guerres françaises.

Paris, la guerre de 39-45 avait divisé la France- Pour la réconciliation combien de français avait-on envoyé en prison ou au poteau ? Thiaroye m’avait confirmé que Paris n’abandonnerait pas ses colonies. Côte d’Ivoire-Paris arrondissement. Le parti socialiste avait-il un tel programme dans ses valises ? Broyer du noir.

PDCI, parti principal aux morts innombrables qu’en dites-vous ? Parti progressiste, Kacou Aoulou, tu parlais du manque de confiance en certains de nos responsables. Le temps l’a prouvé et un jeune homme pour avoir parlé de mirage a trouvé la mort.

Et vous RDR du temps ancien, pensez-vous que le fondateur peut dormir ? La Côte d’Ivoire occupée !

Teilhard de Chardin à sa mort programme : « l’Afrique est le berceau de l’Humanité et de la civilisation ».

La colère monta et ils sont venus

Civilisation

Bible sous le bras

Fusils en mains.

Les morts se sont entassés.

L’on a pleuré.

Et le tam-tam s’est tu.

Silence profond comme la mort.

Et depuis l’Afrique lutte.

BERNARD BINLIN-DADIE

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