Le Sommet 2011 de l’Union Africaine s’achève dans quelques heures. Ceci est probablement mon dernier message d’Addis-Abeba car depuis quelques heures je ne peux plus utiliser mon téléphone.
Je viens de passer plusieurs heures d’interrogatoire (courtois mais interrogatoire quand même) par les services secrets Ethiopiens qui veulent subitement tout savoir du Gabon. J’ai été par la suite informé par une « autorité » de ce beau pays que le Président de la Commission avait personnellement écrit aux services de sécurité d’ici pour que je sois effectivement éloigné du sommet et plus ou moins consigné. Cette autorité m’a confirmé que je figurais sur une liste noire de 2 ou 3 personnes que le Président « Gabonais » de la Commission a établie sur des bases mystérieuses.
En tant que Gabonais pacifiste, je suis surpris de ce traitement aussi humiliant par un autre compatriote, fut-il à la tête du Continent Africain. Ces quelques heures d’interrogatoire que je viens de passer ont été un « cap psychologique ». Les Ethiopiens m’ont dit que c’est qu’ils ont du respect pour le « jeune homme » que je suis qu’ils se sont montrés courtois. Voilà une Armée qui a du discernement ! En aucune façon, m’ont dit les officiers, l’Ethiopie ne veut se mêler d’une « dispute gabonaise ». J’en ai pris acte !
1. DES GABONAIS DE SECONDE CLASSE ?
Je profite de ces quelques heures pour méditer à nouveau sur mon pays : Comment se fait-il que des responsables politiques choisissent d’exclure une catégorie de Gabonais de la communauté nationale ? C’est d’ailleurs un des défauts de la « réforme » constitutionnelle du 28 décembre 2010 : On exclue, on verrouille, on humilie et on fait peur. Jusqu’à quand ? Après avoir dit tout le mal que je pensais de cette « réforme » dangereuse pour le Gabon, à la suite de l’Union Nationale,j’ai précisé ce que j’avais affirmé pendant les Présidentielles de 2009 : il ne faut pas ouvrir la boîte de Pandore d’où peuvent sortir tous les démons du Gabon. J’ai rajouté début 2011 que notre pays allait vers des « jours sombres ». Je suppose que mon Peuple n’écoute pas ces avertissements et ces « paroles prémonitoires » parce que j’ai trop l’air d’un agneau (paraît-il) ou d’un rêveur. C’est selon !
J’ai écrit une Lettre ouverte intuitive en décembre 2008, dix mois avant la mort d’Omar Bongo, appelé la France au Trocadéro à une nouvelle vision de l’Afrique, organisé le Forum de Reims un mois avantla mort d’Omar Bongo, alerté sur le coup d’état à venir, fait une grève de la faim pendant quinze jours devant l’Assemblée Nationale(avant le problème des Législatives à venir) pour demander la suspension d’un processus électoral trop dangereux pour notre pays et l’ouverture d’un débat national … A mon retour en France, j’ai parlé devant TOTAL, BOLLORE, la Présidence Française etc. au risque de me faire injustement ostraciser ! On dirait bien que l’opinion ne m’a pas compris ! Nul n’est prophète dans son pays ! C’est peut-être vrai en définitive !
2. UNE NECESSAIRE LUCIDITE S’IMPOSE
Mais enfin ! M. Jean Ping …. Quand vous étiez dans les Gouvernements d’Omar Bongo avec messieurs Mba Obame, Zacharie Myboto, Casimir Oyé Mba, Jean Eyéghé Ndong etc., … que savais-je des réalités gabonaises? Pardon, mais est-ce à moi de venir vous supplier en Ethiopie de faire attention à votre Gabon natal ? Vous qui êtes prêts à ramener la paix partout (sauf au Gabon ?) … Monsieur le Président de la Commission, je ne connais pas M. Ali Bongo comme vous … Je me suis juste payé « le luxe » de refuser les avances du Gabon Emergent là où bien des Gabonais seraient allés chercher postes et argent.
M. jean Ping … Je vous laisse ! Souvenez-vous seulement quand ilsera trop tard (les réactions encore une fois négatives) du camp PDG-Bongo face au Gouvernement en exil au PNUD de Libreville ne sont pas pour rassurer). Et pourtant ce sont bien vos anciens camarades qui sont assiégés ! Vous êtes pourtant mieux placé que moi pour favoriser une évolution positive du Gabon. Vous vous asseyez à la table des Grands de ce monde !
Je suis venu vers vous en paix comme un petit frère venant voir son aîné et vous avez alerté la « soldatesque étrangère » contre un de vos compatriotes qui ne ferait pas de mal à un insecte. Je m’en vais et je vous laisse entre « Grands ». Finalement, en vous croisant dans la lagune du Fernan Vaz en 2006, je vous aurai vu pour la dernière fois peut-être. Mais souvenez-vous qu’un jour je me suis exprimé à Addis-Abeba, comme aux jours de la Lettre Ouverte à Omar Bongo, comme pendant les Présidentielles, comme pendant le Forum de Reims …
Pour l’Honneur et pour l’Histoire, la Vérité nous rendra libres.
Bruno Ben MOUBAMBA
Ministre des Affaires Etrangères du Gabon
Addis Abeba 30/1/2010