Bachar al-Assad, nouveau Che Guevara !

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La Russie, avec les États-Unis et l’UE, est en train de mettre sur pied la Conférence de Genève 2 consacrée au problème syrien. Mais derrière le rideau des palabres diplomatiques, on sent un creux cosmique de contenu, car la soi-disant opposition syrienne non seulement se fait de moins en moins représentative, mais qui plus est, perd sur tous les fronts militaires de cette guerre subversive concoctée par les Américains selon la formule d’un Laurence d’Arabie. Essence éphémère et hautement éthérée, la résistance énigmatique au sein d’un pays solidaire avec son président, apparaît de plus en plus comme un scion occidental enté sur l’ancien olivier syrien. Cette pousse n’est qu’une vulgaire envie rejetée par le tronc et se mourant à petit feu. L’opposition a vécu et l’initiative belliqueuse des incendiaires de la planète fit long feu.

Thierry Meyssan, la figure de proue de la résistance médiatique française, se trouve sur le terrain et pour une énième fois nous donne sa vision pour que l’on puisse avoir une analyse complète de la situation en amont et en aval.

 La Voix de la Russie. Est-ce que la Conférence Genève 2 apporterait un effet positif ?

Thierry Meyssan. Quand on parle de l’opposition syrienne, on parle de personnages fantoches qui interviennent au nom des puissances extérieures qui sont aujourd’hui onze et qui se sont réunies sous le nom des « Amis de la Syrie ». Ensuite la Conférence de Genève vise à établir la paix en Syrie. Elle est basée sur un accord préalable passé entre la Russie et les États-Unis, il y a déjà un an et demi, mais qu’il s’est avéré impossible de mettre en œuvre jusqu’à présent.

Alors est-ce que ça va fonctionner cette fois-ci pour cette Conférence de Genève 2 ? Tout laisse à penser que oui, mais ce n’est pas certain. Et les États-Unis se réservent encore la possibilité de saboter cette Conférence s’ils n’arrivent pas à imposer cette solution à leurs alliés ! C’est une situation assez compliquée : les États-Unis sont les donneurs d’ordres dans cette guerre… Je vous rappelle qu’ils ont déclaré la guerre à la Syrie en votant le Syrian Accountability Act en 2003. Depuis ce temps-là, ils ont essayé un grand nombre de fois d’entrer en guerre jusqu’aux événements que nous connaissons aujourd’hui et qui représentent une guerre par proxi, c’est-à-dire par puissances interposées. Les États-Unis ont délégué leur pouvoir de guerre d’abord à la France et à la Grande-Bretagne et aux puissances régionales qui se trouvent là, à savoir : la Turquie, la Jordanie et puis successivement le Qatar et l’Arabie Saoudite.

Quand on a envoyé les autres à la guerre, il est difficile de leur dire : « Maintenant c’est fini ! Vous rentrez à la maison parce que l’on a perdu ! » C’est cette situation qu’ils doivent gérer aujourd’hui. Je disais qu’ils peuvent toujours saboter la Conférence puisque dans 2 jours il va y avoir la première séance du Tribunal spécial pour le Liban. Alors s’ils veulent saboter la Conférence, il leur suffit d’accuser à nouveau la Syrie de l’assassinat de Rafik Hariri en se basant sur n’importe quel faux témoin qui sera désavoué dans quelques mois. Mais cela permettrait d’interrompre le processus des négociations.

 En parlant justement de l’opposition syrienne, de qui s’agit-il en fait ?

 Il n’y a pas d’opposition structurée et cela a été voulu dès le départ par les États-Unis qui ont souhaité livrer à la Syrie non pas une guerre classique, front contre front, mais ce qu’ils appellent une guerre de quatrième génération où on manipule la population en lui faisant croire que c’est le désastre général et que la chute du gouvernement est imminente. Et c’est comme ça que l’on amène les gens à anticiper les événements. Dans cette guerre de quatrième génération, on avait décidé de financer quelques groupes épars, distincts les uns des autres pour donner l’impression d’un mouvement général. Il n’y a pas de coordination entre ces différents groupes et ils se sont livrés à des actes de terrorisme ici ou là pour convaincre la population que ce qu’elle regardait sur Al-Jazzera et Al-Arabiya, c’était vrai !

Cela a fonctionné un certain temps. Finalement les États-Unis ont considéré que cela ne marchait pas. Il y a eu la Conférence de Genève 1 pour terminer cette guerre. Mais quelques mois après Israël, la France, le Qatar d’abord, puis l’Arabie Saoudite, ont relancé la guerre en faisant venir des jihadistes en masse du reste du monde.

Mais comme on avait donné l’instruction que les différents groupes devaient rester différents les uns des autres, on n’a jamais pu construire une armée homogène. Comme cela aurait été exigé par le changement de stratégie militaire.

C’est la raison d’ailleurs pour laquelle ils ont clairement perdu sur le terrain. Et c’est également la raison pour laquelle ils ne parviennent pas à avoir une représentation cohérente à cette Conférence de Genève 2. Par représentation cohérente je veux dire des leaders politiques qui viendraient parler au nom de ces groupes étrangers infiltrés en Syrie.

Dernière question : d’après vous, le gouvernement de Bachar tient-il la route ou faut-il penser au départ du Président syrien avec création d’un gouvernement de transition ?

Thierry Meyssan. Tout d’abord, d’après des ennemis de la Syrie, je veux dire, l’OTAN et la Turquie, le soutien populaire à Bachar al-Assad actuellement est selon les estimations entre 60 et 88 % de population ! On doit comparer : en France actuellement le soutien populaire du président de la République est de l’ordre de 15 % ! Alors si quelqu’un doit quitter le pouvoir ce n’est certainement pas Bachar al-Assad !

Ensuite quand on regarde la technique militaire qui a été employée, oui ! Cela a été très long pour arriver à la victoire. On parle bien d’une victoire aujourd’hui puisque la ville d’Alep est en train d’être libérée et que la banlieue de Damas est en train d’être entièrement nettoyée ! Il a fallu 3 ans pour ça ! Et pendant ces 3 ans les puissances étrangères n’ont pas arrêté d’envoyer des combattants ici. On ne connaît pas leur nombre exactement : là encore il y a des estimations très variables ! Entre 40 000 et 160 000 combattants étranger que l’on a envoyés ici ! Probablement 120 000 combattants étrangers sont encore actuellement présents sur le territoire syrien !

Il a fallu du temps mais el-Assad a réussi à gagner malgré cette coalition extérieure… Et d’autre part, à l’intérieur du pays, l’État fonctionne toujours au bout de 3 ans ! J’habite à Damas… Il ne manque rien ici ! Absolument rien ! Vous pouvez trouver tous les produits dont vous avez besoin pour la vie courante ; Bien sûr il n’y a pas un énorme choix : quand vous allez chercher une boîte de thon il n’y aura qu’une seule marque… Et vous pouvez trouver ainsi tous les produits dont vous avez besoin. C’est également le cas dans toute la Côte méditerranéenne où non seulement vous trouverez de tout mais où par-dessus le marché, il n’y a visiblement plus d’action militaire.

Par contre il y a les zones dans le pays où l’État ne fonctionne plus. Ce sont les zones que l’on dit « libérées » par cette opposition armée. Mais quand on dit que l’État n’y est plus, cela veut juste dire que certains services ne sont pas rendus. Mais d’autres le sont toujours ! Par exemple, les hôpitaux ! Ou encore les écoles qui fonctionnent ! Ce sont des écoles, même dans les territoires occupés par ces bandes armées, les écoles sont bien financées mais pas par les bandes armées ou leurs sponsors étrangers ! Oui, la politique de Bachar al-Assad s’avère être un succès et ça va certainement être très largement étudié par toutes les Académies militaires maintenant dans le monde. Parce que c’est la première fois que l’on assiste à ce type de guerre. Jusqu’à présent les guerres de quatrième génération étaient menées dans un autre contexte : c’était la fin de la Guerre de Vietnam ou alors c’était le Hezbollah résistant à Israël… Mais cela n’était pas du tout la situation d’un État attaqué de l’extérieur par les bandes armées !

Alexandre Artamonov

La Voix de la Russie

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