Au Togo, le condom est plus cher que la jeune fille

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Quand je fis ma valise pour le Togo, j’appelai mon ami et rédacteur en chef de Lynx.info. L’idée, sinon mon idée était de lui demander ce qu’il voulait comme cadeau de moi au Togo. Mon étonnement fut grand, quand il me fit savoir que je devrais plutôt revenir avec un travail d’enquête, un reportage et des photos bien détaillés. Selon les termes du journaliste, la jeune fille togolaise était humiliée. Si j’ai encore bonne mémoire, je devrais lui ramener aussi des tiges de cure dents. Dans sa voiture, l’homme vous tendait à chaque deux cent kilomètres volontiers ces petits bâtons qui maintiennent vos dents propres. Je me mis à me demander quelle philosophie tout le journal Lynx véhiculait à vouloir tous les détails et au millimètre près sur la vie de la jeune fille togolaise (comment elle vit, si elle est scolarisée, si elle travaille, si il y a un suivi des autorités…)

Ma première initiative avait consisté à me chercher un autre appareil photographique plus performant. Je quittai l’Allemagne avec une température de -2 degré pour atterrir à Lomé avec une canicule de 32 degré. Poussière, saletés, nids de poule sur les routes menant vers les quartiers, c’était le premier visage du Togo. Une pause de deux jours, et je devrais honorer ma promesse donnée au Lynx. Je pris sur moi de partir dans les milieux qu’un ami qui connaissait coin et recoin de Lomé m’avait conseillé. Les coins les plus prisés de la prostitution infantile, où la jeune fille, se vendait sous les regards approbateurs de détraqués sexuels, de pédophiles patentés et de marchands de sexe des temps modernes se trouvaient curieusement sous la colombe de la paix. De ces hauts milieux où le plus vieux métier du monde se focalisait, le premier milieu, était curieusement au nez et à la barbe du camp militaire RIT, donc à la bonne merci des militaires Togolais. Entre le Lycée de Tokoin et la Colombe de la Paix, une meute de jeunes filles pouvait capter le premier passant moyennant 200 à 500 CFA. Dans un petit bar, où j’invitai en présence d’un ami, une mineure qui n’avait eu de gêne à nous donner son nom, son prénom et son âge, elle nous disait travailler depuis près de trois ans dans le milieu. D’un geste de la tête elle nous indiquait les proxénètes qui couvraient le réseau et ne trouvait pas autre chose à faire selon elle dans un Togo où rien ne pouvait faire vivre la jeune fille. « Mes deux sœurs ont appris des métiers mais depuis, elles sont toutes aussi à la maison »renchérit-elle. Quand je lui fis comprendre que je voulais avoir une photo avec elle, je vis deux costauds faire le mouvement vers nous. Je me ravisai et nous quittâmes les lieux pour le quartier populaire Dékon en plein cœur de Lomé.

Dékon : Entre proxénétisme professionnel et crimes contre l’humanité.

« Dekon by night« , c’est le nom que l’on puisse donner au bouillant coin qu’on découvre à première vue. Les bars de Lomé et le petit commerce s’entassent ici. Les klaxons de taxis et les bruits des Zémidjans (motos-taxis) rendent votre voix inaudible. Nous sommes aux alentours de 22 heures au soir. J’arrive avec mon ami de circonstance. Une jeune fille souriante s’approche de nous et nous salue en Mina [ndlr, langue parlée au sud du Togo]. Elle nous demande si elle pouvait nous tenir compagnie. J’accepte ! En deux minutes, elle me fit comprendre que je ne vivais pas au Togo et que mon ami lui n’avait pas quitté le pays. Magicienne ou fakir ? Comment pouvait-elle savoir qui vit à Lomé et qui dans un autre pays ? Mon ami, me fit comprendre que « C’est la règle à Lomé. On connait qui vient d’Europe et qui vit à Lomé ». Je l’appris à mes dépends quand elle me fit savoir qu’elle se donnait à ceux qui vivaient au Togo pour 500 FCFA dont 300 pour le condom. Ceux venus d’Europe, pouvaient donner s’ils le voulaient jusqu’à 1000 FCFA y compris le condom pour les orgies sexuels.

Quelques questions pour mieux connaître le calvaire subit par la jeune fille togolaise, et un foudroyant aveu d’impuissance vous envahit au visage. Quand elle remarqua que je sortais ma caméra pour immortaliser la soirée, elle me conseilla de ne pas le faire. Dans chaque coin se tenait des « gros bras » qui, selon ses dires étaient recrutés par les proxénètes pour la surveillance de tous leurs mouvements.  Quand rentrez-vous à la maison lui posai-je comme question ? « Le vrai boulot commence autour de deux heures du matin  jusqu’à  5 heures» raconte-elle. « Les hommes riches, les avocats, les directeurs, le monde politique, les affairistes, c’est tard dans la nuit que les proxénètes viennent nous chercher pour eux ». On tombe des nues quand une fille de 16 ou 17 ans vous raconte, « qu’elle préfère continuer  dans la prostitution jusqu’à trouver son « groto » qui l’achèterait une RAV4 que d’aller faire un métier de boniche pour 5000FCFA ». Pis, elle continue son histoire en balayant d’un revers de la main tous les risques liés au métier. « Toutes les filles qui roulent dans de belles voitures ici à Lomé ont commencé comme nous à Dékon, puis se sont retrouvées  aux hôtels Sarakawa, 2 Février …et c’est le début de la chance ». A ma question de savoir si elle avait peur ? La fille me fit comprendre que « Plusieurs de ses amies s’étaient vu devenir donneuses de sang et de reins en plein sommeil. Les banques de sang comme de reins, les proxénètes font le commerce vers des pays étrangers ». C’était sa seule peur. Je quittai mon illustre invitée sans avoir pu lui dire de rentrer dans la vie normale. Ce serait contre-productif. Aucune structure étatique ne vient en aide à la jeune fille, moins à la femme togolaise. Je quittai Dékon avec un carnet d’adresses d’une capitale polluée de prostituées, de proxénètes professionnels et de crimes de viols et abus sur filles mineures. Les photos pour le Journal Lynx, je ne réussis non plus à les faire…. Trop dangereux !

Abass Kalampaye  Lynxionaute

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