Attentat à Ouaga [Par Boubacar Sanso Barry]

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Une nouvelle fois, le vendredi 2 mars 2018, Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso, a essuyé un attentat terroriste. Avec ceux contre les restaurants Capucchino et Splendid en janvier 2016, puis l’Aziz Istanbul, en août 2017, on en est déjà à trois grands coups réussis par les terroristes dans une ville jadis tranquille et à l’abri de ces scènes horribles. A ceux-ci, il faut ajouter pourtant tous les autres attentats de moindre envergure dont les forces de sécurité ou d’innocents citoyens sont victimes notamment dans la partie septentrionale du pays, à la frontière avec le Mali. En septembre dernier, le gouvernement burkinabè faisait état d’un total de 80 attentats contre le pays depuis seulement 2015, pour un nombre de victimes estimé à l’époque à 133 morts. Voilà qui commence à peser dans la balance au titre du bilan de Roch Marc Christian Kaboré. D’autant qu’au-delà du bilan, avec l’attaque de vendredi dernier, c’est le caractère hautement symbolique des cibles qui décuple l’inquiétude. En effet, quand des terroristes se paient l’audace de s’en prendre au siège même de l’Etat-major général des armées, c’est révélateur de failles dans le dispositif de sécurité du pays en question. Et c’est là une vulnérabilité que rien ne saurait justifier.

Blaise et le DEAL

Il ne faut pas se gêner de l’avouer. Jusqu’ici, la ligne de démarcation la plus nette entre le régime de Roch Marc Christian Kaboré et celui de son prédécesseur, Blaise Compaoré, c’est bien la récurrence des attentats que connait le Burkina Faso. Le beau Blaise avait certes toutes les caractéristiques d’un dictateur. Mais durant son magistère, aucune édition du Tour du Faso ou du très renommé Fespaco n’avait été annulée du fait d’une menace terroriste. Bien entendu, on s’en rend compte aujourd’hui, cette exception sécuritaire ne tenait nullement à l’efficacité du dispositif que l’ancien président aurait pu mettre en place. Sur ce point au moins, il n’est pas nécessairement différent de Roch Marc Christian Kaboré, en ce sens qu’en tant que telle, il n’avait aucune stratégie anti-terroriste. Le bouclier qui protégeait le Burkina ne tient qu’à un seul mot : DEAL. Négociateur sous-régional attitré et homme de réseaux, Blaise Compaoré avait conclu un pacte tacite avec les fauteurs de trouble de cette vaste bande sahélienne. Pacte en vertu duquel il devait laisser les terroristes agir à leur guise dans la région et leur accorder gîte et couvert, quand cela devenait nécessaire. En contrepartie, ces derniers avaient l’obligation de laisser le Burkina et ses touristes occidentaux tranquilles.

L’héritage piégé de Blaise

Ce pacte avec le diable est donc ce qui, pendant de nombreuses années, a évité au Burkina Faso le sort que vivaient le Mali, le Niger et le Nigéria. Seulement, en jouant aux amis des terroristes, Blaise Compaoré semble avoir plutôt exposé le Burkina Faso sur le long terme. En effet, on imagine que dans le cadre de ce pacte, les contacts somme toute ordinaires avec les terroristes ont permis à ces derniers de nouer des relations et d’accéder à des informations et renseignements dont ils se servent aujourd’hui pour faire payer aux nouvelles autorités le fait d’avoir rompu le contrat. Car, des informations de première main et une complicité très haut placée, il faut en avoir pour pouvoir s’attaquer à une cible aussi névralgique que le siège d’un Etat-major général des armées. Une telle audace ne relève pas que de la seule témérité. A la limite, on comprend bien que le Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans (GSIM), pour se venger des revers à lui infligés, ait voulu frapper un grand coup. Mais de là à viser la réunion du G5 Sahel qui était programmée dans l’enceinte de l’Etat-major général des armées, il y a un grand fossé qui accrédite l’hypothèse des complices et des précieux renseignements qu’ils semblent avoir fournis. Encore que de potentiels complices, ce n’est pas ce qui manque aujourd’hui, avec tous les sympathisants de l’ancien président qui, à tort ou à raison, crient à l’exclusion.

La responsabilité Kaboré

Ainsi donc, le Burkina Faso serait en train de récolter les conséquences de l’attitude peu responsable que Blaise Compaoré semble avoir eue avec les terroristes. Sauf qu’il n’y a pas que l’ancien président qu’il convient de blâmer en pareilles circonstances. Roch Kaboré et ses collaborateurs ont aussi leur part de responsabilité dans les assauts répétés que subit le pays. Certes, de leur part, c’était hautement louable d’avoir rompu le pacte inique avec les bandes de voyous et de criminels qui sèment la terreur dans la zone sahélienne. Seulement, ils semblent n’avoir pas réalisé que la rupture de ce deal était en soi un défi. Dans la mesure où des représailles étaient prévisibles, il revenait au nouveau régime de se préparer en conséquence. Cela supposait que les forces de sécurité soient réorganisées de manière à faire face à la nouvelle situation. Que des ressources soient mises à disposition en vue de la formation et de l’équipement. Que des efforts soient mobilisés sur le front du renseignement, point nodal de la lutte contre le terroriste. Mais en lieu et place, le nouveau président burkinabè, imputant sans doute la tranquillité que connaissait son pays à une certaine baraka, n’a pratiquement rien entrepris. Aussi, désormais, son pays, devenu un maillon faible, est dans l’œil du cyclone. Hélas !

Boubacar Sanso Barry

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