Atsutsè Agbobli réveille-toi, tes amis ont baissé les bras et Babylone est toujours debout [Chronique de Kodjo Epou]

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Agbobli rêvait d’un Togo où les dirigeants ne sont pas des loups pour leurs administrés.

Le 15 août 2008, le cadavre de l’illustre historien Kokouvi Joachim Atsutsè Agbobli a été retrouvé à la plage. En ce jour anniversaire de son assassinat vraisemblablement exécuté par des professionnels, ses paroles interpellatrices sont toujours actuelles, pressantes. Plus que quiconque, Mr Agbobli savait qu’au Togo, la corruption et la pauvreté ont toujours cheminé main dans la main, se nourrissant l’une de l’autre, et les deux du mutisme coupable d’autorités autoproclamées. D’où le procès permanent de ce patriote, de son vivant, contre le pouvoir RPT fait de coquets et de coquins, mais aussi contre les officines de la Françafrique qui les soutiennent.

Atsutsè Agbobli affrontait les mensonges principaux du RPT et du clan qu’il n’hésitait pas à vilipender avec des raisonnements sophistiqués et une verve oratoire raisonnable. Lorsqu’il disait que “le régime RPT est un régime militaire habillé en tenue civile, lorsqu’il rapportait que la posture au Togo est si avilissante que les vivants envient les morts”, le défenseur de l’Afrique des peuples anticipait le Togo et parlait directement aux politiciens du sommet trop enclins à tant d’avidité pour le pouvoir, le gain et la domination, à tant de perversité et d’intolérance visant à faire passer contre vents et marées leurs intérêts personnels devant l’intérêt général. Homme simple et clairvoyant, farouche adepte des droits de l’homme, Agbobli rêvait d’un Togo où les dirigeants ne sont pas des loups pour leurs administrés. Ironie du sort…

Sept ans après sa disparition, que valent encore les messages du président du MODENA pour le Togo? Si l’intellectuel enragé revenait en vie pour inspecter son pays, qu’aurait-il vu ou appris ? Naturellement, la même série de mauvaises nouvelles: il verrait que UNIR qui a été créé à la place du RPT a conservé les mêmes hommes, les mêmes réflexes, les mêmes pratiques. Le martyr ressuscité allait constater qu’une pauvreté encore plus sévère emporte les plus démunis dont la plupart vont à l’hôpital pour y mourir au milieu des cafards. Que les Loméens font toujours leurs courses à la nage ou en pirogue en saison pluvieuse, que les accords politiques et programmes de réconciliation nationale sont toujours en souffrance dans les tiroirs et que l’assemblée nationale légifère peu et mal pour ne pas dire seulement sur des broutilles. Atsutsè aurait appris que les soldats et miliciens du RPT qui avaient, trois ans avant sa mort, massacré près de mille Togolais n’ont jamais été questionnés devant aucune jurisdiction, ne serait-ce que pour effectuer une simulation.

S’il pouvait se réveiller, Atsutsè aurait été témoin d’un Togo dans lequel un colonel détient le pouvoir de jeter en prison un journaliste sous prétexte que des propos offensants ont été écrits à l’encontre de sa fille alors qu’un autre officier, lui, s’est arrogé le droit de construire sa villa privée à l’intérieur même du camp militaire. Joachim se croirait au milieu du siècle précédent lorsqu’il se verra abreuvé de la célébration des évala et l’anniversaire du décès de Mama N’Danida avec les moyens de l’Etat. Sans oublier que des marchés entiers ont été incendiés et d’innocents élèves mortellement fauchés par balle sans que la justice soit capable de montrer les coupables.

Face à des faits aussi malséants qu’invraisemblables, l’écrivain et politologue aurait simplement perdu son latin et avalé sa rage. Possiblement, il allait chercher à élargir son public, ne pouvant pas pour longtemps, seul, être le porte-parole d’un peuple togolais ruiné par 25 ans d’une démocratie qui s’est révélée “tétraplégique”, régie par “une constitution manchote” sous un “régime affairiste”.

Mais, à l’instar de ceux qui avant lui ont terminé leurs vies dans l’atlantique à cause de leurs opinions, Atsutsè est dans le trou de l’oubli. Sa parole est restée définitivement tue, la plupart de ses amis et parents ayant, faute de le venger ou d’honorer la mémoire de l’illustre disparu, rejoint sans états d’âme ses assassins autour de la mangeoire pense du Togo qu’il aimait avec fougue et passion? Ce Togo, va-t-il devenir un jour une terre affranchie et émancipée, celle qu’il désirait de toutes ses forces? Oui! Mais tout porte à croire que sous le RPT/UNIR, cela relève plutôt du domaine des impossibles, qu’avec ce parti et la horde d’infâmes rapaces y adjacents, ce sera une vaine aspiration et la terre de nos aieux demeurera une habitation de démons, un repaire d’esprits impurs, d’oiseaux odieux de tout poil. La mâne de Kokouvi convie les Togolais à se relever de leurs lieux de chûte et continuer la lutte jusqu’à ce que Babylone tombe.

Kodjo Epou
Washington DC

 

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