Arsène DOGBA parle des deux FPI : « Laurent Gbagbo doit être en train de penser à l’avenir de cette lutte pour la démocratisation de son pays qui lui a pris toute sa vie »

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Signant la pétition pour la libération de Gbagbo samedi dernier, Affi N’guessan a appelé à un cessez-le-feu au FPI et invité le président Gbagbo à agir. Comment avez vous accueilli son discours ?

Arsène DOGBA: Nous avons accueilli cette nouvelle avec plaisir. C’est un signe important de décrispation qui suscite l’espoir de retrouver un parti politique réunifié et plus fort. Nous sommes content et confiant parce que malgré tout cet appel finira par être attendu à cause de la circonstance dans laquelle il a été lancé. On se souvient que c’est à l’occasion de la signature de la pétition internationale pour la libération du Président Gbagbo que Affi a rendu publique sa volonté d’aller à la paix. Une initiative du doyen Bernard Dadié et du premier ministre Joseph Koffigoh fortement soutenue par le camp Sangaré. A mon avis, la crise au FPI se résume en deux grands points: le premier point est relatif à la question de la solidarité des militants vis-à-vis du président Gbagbo. Faut-il maintenir entièrement le soutien à Gbagbo et, par conséquent, subir la répression du régime en place ou le lui retirer pour obtenir des faveurs politiques de la part du pouvoir? C’est autour de ces deux options que tourne ce premier point. Le deuxième point, quant à lui, se résume à la gestion de l’héritage du père-fondateur du FPI. C’est à ce deuxième point que s’attache la question tout aussi importante de l’avenir politique de Laurent Gbagbo après sa libération.
Malgré tout, après l’évènement de samedi dernier, on peut affirmer que les deux camps peuvent s’accorder sur ces deux points majeurs qui ont été à la base de la scission. En organisant cette cérémonie, Affi a probablement voulu démontrer que le point relatif à la solidarité des militants vis-à-vis du président Laurent Gbagbo, est définitivement réglé ou, tout au moins, est sur la voie de l’être. Pour moi, ce lancement de la pétition par le camp Affi marque ainsi le début du rapprochement des deux clans sur ce point précis. Les négociations ne sont pas encore ouvertes que les deux camps se sont déjà accordés sur la nécessité des militants d’exprimer et de maintenir leur solidarité au président Gbagbo. C’est une bonne chose. La façon de défendre l’héritage du chef reste donc le dernier point important sur lequel nous avons espoir que les héritiers de Gbagbo s’accorderont quand le dialogue sera ouvert.

Réponse du berger à la bergère, Koné Boubakar du camp Sangaré a opposé une fin de non-recevoir à ce discours. Ne pensez-vous pas que le combat de la réunification est vain ?

A. DOGBA: Je trouve légitimes les réactions du camp Sangaré suite à l’appel d’Affi NGuessan. Pour celui qui connait l’histoire de la crise, la réaction du camp Sangaré ressemble à celle d’une personne qui s’est sentie profondément blessée par l’attitude de quelqu’un qu’elle a longtemps considéré comme un ami, un confident, comme un fidèle compagnon en qui la personne a investi un énorme capital de confiance. Vous savez, quand une telle amitié vous tourne dos, c’est insupportable. En pareille situation, la réconciliation devient pénible, quelque fois difficile à obtenir mais pas toujours impossible. Pénible, parce qu’il suffit qu’on invoque le nom de la personne qui a tourné dos et l’on commence à ressasser les douloureux souvenirs. C’est donc tout à fait naturel que Sangaré et ses camarades qui se sont sentis blessé par l’attitude d’Affi, le frère, le camarade et compagnon de lutte réagissent ainsi. Mais, j’ai espoir que l’amertume finira par s’estomper progressivement pour faire renaitre l’amour sur la base duquel sera construite une nouvelle confiance entre les deux camps. Par contre, ce qui nous aurait désarmé un peu dans notre recherche de l’unité, ce serait une indifférence totale de la part du doyen Sangaré à l’appel au cessez-le-feu unilatéral d’Affi.

Dès le départ de cette crise, vous vous étiez affiché dans le camp Sangaré. Qu’est-ce qui justifie votre revirement en vous positionnant à équidistance des deux camps pour prôner l’unité des deux clans rivaux ?

Dans votre question se trouve ma réponse. De nature, je ne me renie jamais. Pour moi, toute personne qui aspire à diriger ou à parler au nom des autres doit rendre sacré le principe de responsabilité. En politique, il est important d’assumer les actes qu’on pose. Oui, au début de la crise je me suis affiché dans le camp Sangaré, mais ma position actuelle de réconciliateur ne me permet plus d’affirmer ma position initiale. On ne peut pas vouloir réconcilier deux camps et prendre partie. Je veux l’unité au sein du FPI parce que ce parti est le seul capable de créer l’alternance et sauver les ivoiriens. Je veux que la Cote d’Ivoire soit libérée. J’ai donc mis l’intérêt de mon peuple au-dessus de mes nombreuses raisons de bouder Affi et ses camarades. C’est tout.

Croyez-vous que de là où il est Gbagbo, il peut apporter une résolution à cette crise ?

Je pose la question de la façon suivante: Le président Gbagbo est-il la personne indiquée pour résoudre cette crise? Je dis oui et non à la fois. Oui, parce que au-delà de la question de positionnement qui oppose les camps et Sangaré, le charisme et le leadership du président Gbagbo ne sont contestés par aucun d’entre eux. Du moins ouvertement. Tous indiquent le fondateur du FPI comme leur symbole même si la façon dont chaque partie le démontre les oppose. Le président Gbagbo a la connaissance et la sagesse qu’il faut pour régler un tel conflit. En plus, il s’agit ici d’un retour à la paix dans le parti qu’il a lui-même créé. Dans la douleur et dans le sang. Gbagbo est donc plus apte à faire des concessions plus douloureuses pour sauver son œuvre en vue d’éterniser son héritage que quiconque.

Non, Laurent Gbagbo n’est pas la personne indiquée pour ressouder ce parti. Un 11 Avril 2011, il l’a laissé affaibli, mais pas déchiré. Il ne nous parait pas sage de l’inviter dans ce débat parce que Gbagbo est la principale victime de cette crise au FPI. Par nos actes et notre incapacité à régler nos problèmes en interne, nous avons augmenté sa souffrance, multiplié ses humiliations, et autres dénigrements. A mon avis qu’un camp ait raison sur un autre, il n’y a pas de fierté à en tirer. Parce qu’après tout nous sommes tous responsables des souffrances supplémentaires que lui donne chaque jour notre division. C’est donc nous, militants du FPI, qui devons aller vers lui après avoir ramené la paix et la cohésion en notre sein pour lui présenter toutes nos excuses.
A La Haye, en recevant un camp et pas l’autre, c’est juste un choix fait entre deux maux.
La sagesse africaine me dit que le président Gbagbo n’est pas content de nous tous pour n’avoir pas, à son absence, trouvé les moyens de régler nos différends en interne. Ce qu’il est donc nécessaire de faire pour soulager sa peine et lui redonner espoir de revoir son parti, uni et plus fort que jamais, c’est de réussir la paix des braves entre nos deux camps. Ensuite, la main dans la main, nos leaders iront vers lui pour lui présenter des excuses, au nom de tous les militants du FPI, pour tout le tort que nos erreurs lui ont causé. Dans nos villages africains, quand un vieillard voit ses jours finir, l’assurance qu’il recherche avant tout, c’est de savoir si ses héritiers seront capables de gérer son héritage quand il sera parti. Ici, sans que Gbagbo n’ait encore laissé notre combat, en homme politique averti, il doit certainement être en train de penser à l’avenir de cette lutte pour la démocratisation de son pays qui lui a pris toute sa vie.

Au moment où nous parlons, il est triste de constater que le témoignage que donne la présente crise n’est pas de nature à le rassurer relativement à la gestion de son héritage. Il y a donc nécessité que les héritiers de Gbagbo se ressaisissent. Et le plus tôt serait le mieux. De son lieu de détention, seule notre solidarité dans et autour de son combat donnera à Laurent Gbagbo davantage d’espoir et de réconfort nécessaires pour tenir le coup.

Ne pensez-vous pas que dans un camp comme dans l’autre on est allé trop loin pour parler le langage d’unité à présent ?

C’est justement parce que chaque camp est allé un peu trop loin que nous parlons de réconciliation actuellement. Au FPI, on sait régler les problèmes en interne. Si celui-ci était si simple, on n’en serait donc pas là. Nous sommes sur cette place publique en train d’en parler et essayer de le résoudre parce qu’il est gros. Mais, nous avons foi qu’une issue heureuse lui sera trouvée. Au nom de combat de Laurent Gbagbo et au nom de la Cote d’Ivoire.

Comme vous, un pro-Sangaré, Claude Koudou en l’occurrence mène le combat de la réunification. Qu’est-ce que vous proposez concrètement là où des initiatives d’Affi et de bien d’autres personnalités comme le doyen Dadié Bernard ont échoué ?

Laurent Gbagbo lui-même l’a si bien dit  » le temps est l’autre nom de Dieu ». Les initiatives d’hier et celles d’aujourd’hui ne sont pas prises dans le même temps. C’est la première différence. La deuxième différence se situe au niveau des propositions qui seront faites au Comité de réconciliation qui sera mis sur pied pour conduire effectivement le dialogue. A ce niveau, nous ferons connaitre notre plan le moment venu.

Comment voyez-vous le Fpi en 2020 ? Un parti uni ou un parti déchiré par les intérêts partisans ?

Nous travaillons à l’unité du FPI. C’est Dieu seul qui sait le résultat de notre démarche actuelle et ce que sera du FPI en 2020. Notre souhait est que l’unité revienne vite au FPI pour créer l’alternance et sauver la Côte d’Ivoire et les ivoiriens.

Réalisée par M. Sylvain Guédé Débailly

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