Tout ce que la personne qui a été infidèle fera pour restaurer le sentiment de sécurité au sein du couple aidera la personne trompée à accéder au pardon.
Face à l’incartade de l’un ou l’autre des conjoints, le couple plonge dans la tourmente.
Le psychiatre Christophe Fauré décrypte les sept axes sur lesquels travailler pour restaurer la confiance entre conjoints.
Un SMS découvert fortuitement sur le portable de son conjoint, un mail qu’on n’aurait jamais du lire… et tout bascule. Il a une maîtresse, elle a un amant. La découverte d’une relation extraconjugale jette le couple dans la tourmente. Certains ne s’en relèvent pas et se séparent; d’autres parviennent à traverser la tempête et essaient de reconstruire leur couple. Le chemin est cependant loin d’être facile.
Chaque situation est unique et spécifique et il est impossible d’offrir des recettes infaillibles qui garantirait une restauration harmonieuse du couple. Néanmoins, il existe des pistes qu’il est utile de mener de front si l’on veut se donner toutes les chances de réussite. Ce « travail » se décline sur 7 axes :
Comprendre ce qu’il s’est passé
Comme l’a dit W. Churchill: « Ceux qui échouent à apprendre de l’Histoire se condamnent à la répéter ». Tenter, pour les deux conjoints, de comprendre pourquoi et comment cette relation a pu s’instaurer est un indispensable premier pas: quelles sont les responsabilités de chacun? Quelles attitudes, comportements, négligences mutuelles, perte d’illusions, déceptions d’un côté ou de l’autre ont jeté les bases de cette infidélité?
Il est essentiel de souligner que la relation extraconjugale ne signe pas obligatoirement une perte du lien d’amour. Il existe en effet des circonstances personnelles qui font qu’on ne parvient pas à trouver dans son couple les réponses que l’on cherche, sans pour autant que l’on cesse d’aimer son conjoint: doutes et insécurité caractéristiques de la transition du milieu de la vie*, périodes de chômage, de deuil, de difficultés personnelles etc.
Réapprendre le quotidien
Depuis la découverte de la relation extraconjugale, on vit toujours ensemble et on se sent très mal à l’aise l’un vis-à-vis de l’autre. Les routines et rituels du quotidien peuvent parfois sembler totalement insupportables, mais ils constituent également des garde-fous offrant un cadre permettant de canaliser les émotions et de traverser les premiers mois d’incertitude.
Continuer de vivre ensemble peut être contraignant, mais ces contraintes rendent aussi possible des moments de légèreté où la graine du changement commence à prendre racine. Si on prend la décision de rester ensemble, on conserve l’acquis de son réseau amical et familial et, se servant délibérément de ce cadre connu et sécurisé, on peut petit à petit réapprendre à trouver le plaisir de faire des choses ensemble: aller au cinéma, au théâtre, recevoir des amis, faire des activités avec les enfants… Incidemment, montrer à l’autre que l’on met du sien au cours de telle ou telle activité (alors que l’autre sait pertinemment que le coeur n’y est pas à 100%!) démontre la volonté de faire un effort pour se reconstruire. C’est autant de points gagnés pour la restauration du couple.
Restaurer la communication
Lors des premiers échanges, il est important de sortir du mystère qui entoure la relation extraconjugale car l’imagination conduit à élaborer les scénarios qui sont toujours pires que la réalité. Chacun évaluera ce qu’il/elle souhaite révéler, mais il est vrai que poser clairement les faits démystifie la relation: qui est cette personne? Où l’as tu rencontré? Dans quelles circonstances? etc. Il est important d’explorer les faits. Si la personne trompée demande des détails, son conjoint « devrait », dans le meilleur des cas, accepter de répondre à ses questions en racontant les éléments les plus significatifs. Il est clair néanmoins que cela n’est pas toujours possible car la personne ayant été infidèle peut ne pas souhaiter parler de sa relation.
Dans sa quête de réponses, la personne trompée doit être prudente, surtout quand elle veut aborder les détails d’ordre sexuel. Trop de détails peuvent en effet lui faire du mal et les réponses de son conjoint peuvent la marquer à son insu. Hormis les détails trop sexuels, on constate que la personne trompée a très souvent besoin de ce type de conversations, non pas pour s’auto flageller mais pour s’approprier les éléments manquants lui permettant de tout mettre « bout à bout ».
Au delà des faits concrets, il existe un deuxième niveau de communication, là où on aborde les questions de fond sur les raisons profondes de l’infidélité et sur l’état du couple. Il est difficile de s’y soustraire si on veut avancer mais il faut reconnaître qu’elles ne sont pas absolument indispensables pour la reconstruction du couple. Il est vrai que tous les couples n’ont pas la maturité nécessaire pour faire face aux questions trop profondes ou trop implicantes. Il est donc inutile de se mettre en danger: trop « psychologiser » les choses peut avoir un effet paradoxalement négatif et il est sage parfois de ne pas aller trop loin dans l’introspection!
Par souci d’ouverture et de sincérité, faut-il pour autant tout se dire? La réponse est claire: non! La personne qui a été infidèle ne doit pas tout à son/sa partenaire. Il y a des composantes de ce qu’elle a vécu dans la relation extraconjugale qui appartiennent à son jardin secret et elle a le droit de les taire. Cette idée peut bien évidemment être insupportable pour la personne qui a été trompée, mais il faut se rappeler que ce jardin secret chez son conjoint existait même en l’absence de toute infidélité. On sait d’ailleurs que le fait d’avoir un espace secret où son conjoint n’a pas accès est un facteur de stabilité dans toute relation, quelle qu’elle soit.
Enfin, si le dialogue est impossible, il est utile de se tourner vers un thérapeute de couple ou un médiateur conjugal pour aider à rétablir un dialogue constructif.
Restaurer la confiance
Qui dit infidélité dit perte de confiance, c’est inévitable. De là, la restauration de la confiance est un autre pilier de la reconstruction du couple. Cette tâche incombe en premier lieu à la personne qui a été infidèle, mais il faut savoir que la personne trompée peut, par son attitude, favoriser ou au contraire freiner cette démarche – par un excès de méfiance ou un harcèlement trop marqué.
« Restaurer la confiance » signifie principalement « restaurer la sécurité au sein du couple « : sans sécurité relationnelle, il n’y a pas de confiance possible. Mais il faut être lucide (et patient…): le retour à la sécurité relationnelle peut prendre des mois, voire même des années. Il passe par une multitude d’actes concrets et symboliques qui affirment, jour après jour, le désir de s’investir dans la relation.
Cela se fait notamment sur deux axes :
– Etablir avec son/sa partenaire un dialogue honnête et sincère sur la relation extraconjugale: nous venons d’en parler.
– Renoncer à la relation avec l’autre personne: C’est la meilleure situation. Dans la réalité, les choses sont beaucoup moins simples: il y avait évidemment du bon dans la relation extraconjugale et la personne infidèle a évidemment du mal à y renoncer. Tout en étant d’accord sur la nécessité d’un éloignement intime, elle a, au début, beaucoup de difficultés à lâcher prise sur la dimension émotionnelle.
Malheureusement, aux yeux de la personne trompée, c’est la poursuite de ce type de lien qui est le plus menaçant ; il jette le doute sur les sentiments que son conjoint continue à éprouver pour l’autre personne. Cela peut fragiliser la confiance qu’elle essaie de reconstruire. Il en va de même quand la personne qui a été infidèle continue à entretenir un lien avec l’amant ou la maîtresse, sans qu’il y ait pour autant de relations sexuelles.
Dans certains cas, la mise à distance radicale de l’autre personne est impossible: c’est un(e) voisin(e), un collègue de travail ou quelqu’un que la personne ayant été infidèle croise régulièrement. Comment faire? Au travail, il est recommandé d’éviter au maximum les conversations personnelles sur sa vie, ses sentiments, son couple, les enfants… en fait, tout ce qui relève de l’intime et qui comporte une tonalité trop émotionnelle. Comme des rencontres fortuites risquent de se produire, il peut être convenu d’en faire part à son conjoint le cas échéant. Il est même recommandé de le faire avant que son/sa partenaire ne le demande. L’expérience montre qu’en agissant ainsi, les personnes « gagnent des points de confiance » auprès de leur conjoint.
Apprendre à pardonner
Avec la restauration de la confiance, le pardon est au coeur de la reconstruction du couple après l’infidélité. Pardonner, ce n’est pas oublier ou faire comme si rien ne s’était passé ; ce n’est pas étouffer en soi la colère, le ressentiment, la peine, la perte de confiance en soi et en l’autre ; ce n’est pas « passer à autre chose » sans qu’aucun changement significatif ne soit mis en oeuvre ; ce n’est pas fermer les yeux ou minimiser l’impact de ce qui s’est passé, en laissant à l’autre la possibilité d’une autre aventure ; ce n’est pas accepter les actes de la personne qui a offensé, sans qu’il y ait des conséquences pour elle.
Le pardon et le retour de la confiance évoluent en parallèle. Tout ce que la personne qui a été infidèle fera pour restaurer le sentiment de sécurité au sein du couple aidera la personne trompée à accéder au pardon. En effet, pardonner, c’est accepter d’abandonner progressivement la colère et le ressentiment que l’on ressent à l’égard de son conjoint. Tant que persiste en soi l’amertume et le désir de faire mal, le pardon n’est pas possible. De même, comme derrière la colère se trouve toujours de la souffrance, pardonner revient aussi, pour la personne trompée, à apaiser sa propre souffrance et à restaurer son sentiment de sécurité intérieure: on ne souffre plus de l’infidélité quand on n’est plus en colère ; et ne plus être en colère résulte aussi du fait de se sentir en sécurité.
Réinvestir la sexualité
Peu après la découverte de la relation extraconjugale, l’intimité sexuelle est la dernière chose dont on ait envie, tant pour la personne trompée que pour la personne infidèle. On a trop mal ; on est trop troublé ; on est trop insécurisé.
De lourdes questions se posent également: le désir est-il définitivement mort? Peut-il être ranimé? Et comment? Ces questions sont parfois au premier plan quand chacun envisage de réinvestir la relation. Il est extrêmement difficile de définir des règles précises quand on considère le renouveau du désir après l’infidélité.
Dans tous les cas, retrouver une intimité sexuelle après l’infidélité est un vrai challenge. En parler ouvertement est incontournable dans la démarche de reconstruction mais c’est un terrain extrêmement délicat. D’ailleurs, certains couples n’y parviennent pas et ont besoin d’une aide professionnelle (un sexologue par exemple) pour tenter de réactiver le désir. Très souvent, l’intimité sexuelle suit de près le retour de l’intimité émotionnelle, celle-ci étant directement reliée au sentiment de sécurité ; le retour de la sexualité va donc de paire avec la restauration de la confiance.
Réinvestir le couple, se réinvestir soi-même
Comprendre ce qui s’est passé, réapprendre le quotidien, restaurer la communication, restaurer la confiance, apprendre à pardonner sont des étapes essentielles à la reconstruction, mais ce n’est pas encore suffisant: il faut restaurer ce que Steven Solomon Lorie Teagno (Reconstruire son couple après l’infidélité c’est possible! – éditions Béliveau – 2011) appelle « l’intimité émotionnelle ». « L’intimité émotionnelle, c’est ce qui permet au couple de continuer à croître après la phase initiale (et éphémère) de la fusion amoureuse. Sans cette intimité, l’amour s’érode, le lien d’amour s’affaiblit et la relation se dégrade progressivement. »
Ainsi, après l’infidélité, l’enjeu principal est de restaurer cette intimité émotionnelle. En réalité, cette intimité est double: il faut oeuvrer à retrouver une intimité de coeur dans la relation mais il est tout aussi indispensable de retrouver une intimité avec soi-même. Les deux doivent être menés de front, faute de quoi la reconstruction reste partielle et fragile.
Prendre soin de la relation, c’est :
– Être le plus fiable et le plus honnête possible l’un envers l’autre
– Exprimer sans attendre la colère, la peine, la frustration ou le ressentiment
– Se projeter ensemble dans l’avenir
– Réapprendre à penser en termes de « nous »
– Rééquilibrer les jeux de pouvoir dans la relation
– Montrer et nommer explicitement son amour pour l’autre
L’infidélité pointe que l’on s’est peut être un peu trop oublié dans le couple, au point de perdre le lien avec soi même et avec ce qui compte pour soi – ceci est valable pour les deux partenaires, infidèle ou ayant été trompé. On a peut être trop vécu de façon fusionnelle, en oubliant que la fusion appauvrit plutôt qu’elle n’enrichit, même si elle est très exaltante au début de la relation amoureuse. Ainsi, comme l’écrit le poète Kalil Gibran dans Le Prophète: « Et tenez vous ensemble, mais pas trop proches non plus: car les piliers du temple s’érigent à distance et le chêne et le cyprès ne croissent pas dans l’ombre l’un de l’autre. »
Le Dr Christophe Fauré est psychiatre – psychothérapeute en pratique libérale à Paris. Il est auteur de nombreux ouvrages chez Albin Michel, dont Est-ce que tu m’aimes encore? – Se reconstruire après l’infidélité, et Maintenant ou jamais – La transition du milieu de la vie.
Lynx.info Santé