L’un des facteurs fondamentaux de la crise togolaise est qu’on ne s’aperçoit pas encore que le leadership politique de tout bord est pris en otage par les radicaux ; les voix des modérés et des centristes sont quasiment submergées faute d’un véritable leadership efficace, sans soupçon, pouvant harmoniser les différents points de vue de la multitude de partis politiques et de la société civile.
L’histoire cependant, nous enseigne que les sociétés en crise ont toujours fait appel au leadership intellectuel qui, a priori, définit et défend les valeurs de société et, assiste le leadership politique dans la réalisation de son ambition et son programme de société. Le contexte togolais parait bien indiqué pour un recours au leadership intellectuel comme ultime moyen de sortie de crise.
Le présent exposé vient enrichir le débat en cours en proposant pour réflexion et considération, une issue de sortie de crise en trois points :
Primo : Assainissement de l’arène politique
La multitude des partis politiques au Togo a le mérite de donner plusieurs options sur le même thème et met en évidence la liberté d’association et d’expression. Il apparaît cependant qu’une dizaine de partis politiques pour un électorat inscrit approximatif de trois millions de personnes comporte de nombreux inconvénients :
– Représentation nationale : même sans statistique fiable d’adhésion, il est facile de déduire que seule une poignée de partis peut prétendre disposer d’une assise nationale.
– Responsabilité diffuse : trop d’options et d’approches divergentes ; il est tout à fait normal que les partis se rejettent mutuellement les responsabilités.
– Leadership efficace : il est difficile de dégager un leadership qui écoute, se fait entendre, et capable de s’adapter aux forces politiques du temps.
Soulignons que chaque mouvement politique ou social comporte trois types de courants : les radicaux, les centristes et les modérés. Ce phénomène pose sans doute le problème épineux d’harmonisation au sein d’un même parti. Fort heureusement, dans le cas spécifique du Togo, on constate ces derniers temps un réalignement des tendances politiques en trois mouvements distincts : Arc-En Ciel, Collectif Sauvons le Togo, RPT/UNIR/UFC et alliés.
Approche de solution : Adoption d’une démocratie à trois partis politiques au Togo.
Avantages
• Assainir l’arène politique,
• Faciliter le processus de prise de décisions.
• Faire des économies en ressources humaines, financières et logistiques.
• Assurer une représentation nationale.
Secundo : Une Commission Constitutionnelle
Les circonstances font du Togo un éternel stade de changement de constitutions. Depuis l’indépendance, le Togo a expérimenté une douzaine de constitutions et d’arrangements politiques (accords, décrets, ordonnances etc..). Les frictions sont généralement focalisées sur les constitutions et les institutions ; en particulier, le processus de sélection, le mandat des postes, les prérogatives des institutions (l’armée, l’assemblée etc.) et surtout sur l’Etat de droit et la bonne gouvernance. Ce handicap n’est pas insurmontable.
Approche de solution : Créer une Commission Constitutionnelle.
• Termes de référence : revoir toutes les constitutions du Togo et autres arrangements politiques relatifs à la gouvernance et proposer un projet de constitution qui sera soumis à un référendum national.
• Membres : la commission pourrait être composée de quinze (15) à vingt et un (21) personnages togolais ayant une bonne expérience professionnelle, notamment en droit, en science politique, en sociologie, en psychologie et en histoire.
• Contributions : la société civile, les partis politiques, et autres groupes d’intérêts spécifiques serviront de personnes ressources et soumettront des propositions à la commission par voie orale ou par memoranda.
Tertio : Une Commission Electorale Professionnelle
Dans un contexte politique, seules les élections servent d’indice pour mesurer le consentement/acceptation ou le rejet d’un parti, son programme et son leadership. In fine, le gagnant est converti en autorité et assume les prérogatives que les institutions lui confèrent.
Ce qui rend la rivalité et la dispute vives et plus ou moins féroces. Les dispositions et le système électoral doivent, par conséquent, être aussi équitables et contraignants que possible. Alors ne serait-on pas plus prudent en écartant les personnages politiquement partisans du système d’arbitrage afin de s’assurer de la neutralité de cet organe ?
Approche de solution : Créer une Commission Electorale Professionnelle
• Termes de référence : unique institution à agréer les partis politiques ; à organiser les élections et referenda au Togo ; à élaborer un code électoral crédible et impartial ; à redessiner les districts électoraux.
• Membres : togolais de bonne moralité ayant fait leurs preuves comme suit :
Président (Juriste, 20 ans d’expérience) ;
1er Vice-président (Démographe, 15 ans d’expérience) ;
2ème Vice-président (Logisticien 15 ans d’expérience) ;
Secrétaire Général/Administration (12-15 ans d’expérience) ;
Un Conseiller Juridique (10-12 ans d’expérience) ;
Un Conseiller Politique (10-12 ans d’expérience).
• Recrutement : ouvert au grand public ; sélection compétitive et par mérite.
• Contribution : les autorités traditionnelles, les partis politiques et la société civile peuvent saisir la Commission par memoranda.
Reste aux leaderships politiques de favoriser l’émergence d’une scène politique moins antagoniste et moins crispée ; et aux autorités dirigeantes de promouvoir une société togolaise réconciliée avec elle-même.
Kofi MABLE