Le problème de Koné Séydou alias Alpha Blondy est qu’il confond un peu la philosophie reggae et l’argent. Si j’ai encore bonne mémoire, un reggeaman jamaïcain que j’ai connu lors de la coupe du monde 1998 au cours de laquelle la Jamaïque était présente, me lançât au visage quand je lui demandai s’il connaissait la star Reggae ivoirienne Alpha Blondy. « C’est qui vous appelez Alpha Blondy ? ». Une minute, dix minutes, cigarette au bec, cheveux rasta jusqu’au dos, mon désormais ami de me dire le seul rasta africain qu’ils vénéraient et en qui on croyait en Jamaïque était bien Lucky Dube le sud-africain et de sa lutte pour la fin de l’apartheid. Au café « Maison Blanche » sise à la gare du Nord à Paris, nous nous transportâmes dans un autre lieu où les rastas s’étaient réunis. Qui pour fumer un peu du chanvre, qui pour baratiner ses jolies françaises. Quand j’approchai un rasta sénégalais pour me plaindre que Alpha Blondy n’était point connu des Jamaïcains, c’est avec un sourire moqueur qu’il m’expliquât que l’homme que moi j’aimais n’avais rien d’un reggeaman. À la question de savoir pourquoi on en voulait à l’homme? On me répondit que ce ne sont pas les « dreads lock » qui font de quelqu’un un bon rasta. Plus loin, on me fit savoir que seuls Hailé Sélassié, Marcus Garvey restent et seront les derniers patriarches qu’un reggeaman peut honorer. On me fit savoir que Aplha Blondy, pour l’argent, était devenu presque un sous-fifre pour Félix Houpheit-Boigny. La philosophie raggae ne met pas l’argent au devant selon ses adeptes. On me fit savoir que Alpha Blondy n’avait pas les valeurs qui puissent l’élever et faire de lui un reggeaman. Je l’apprendrai à mes dépends. Quand la crise éclate avec la rébellion du nord en 2002, Alpha Blondy est le premier à prendre le large. Qu’avait-il à se reprocher? Quand à son confrère Tiken Jah Fakoly, il rejoint le Mali d’où il est originaire mais n’a cessé de « gifler » par médias interposés le pouvoir de Laurent Gbagbo comme il pouvait. Quand Apha se décide de rentrer en Côte d’Ivoire, une crise oppose les deux reggeamen. Alpha dira que Jah Fakoly est mal éduqué. Tiken dira qu’il sait pourquoi il est rentré. Très affairiste, on sait les cafés qu’il a dans la capitale ivoirienne, ce qui est normal. Il faut vivre à la sueur de son travail. Mais quand Alpha se lance pour avoir sa propre maison de disques, l’initiative est un échec total. Il dira simplement : « On ne me reprochera pas d’avoir essayé ». Vient la période de vaches maigres. L’argent fait défaut. Pour lancer un album, Alpha est incapable de réunir les fonds nécessaires. Quand Youssouf Ndour l’envoie de l’argent pour les festivités pour la lutte contre le Sida à Dakar, Alpha dira lui même. « J’ai déjà bouffé l’argent ». Quand Laurent Gbagbo apprend que la star a des difficultés financières, c’est un chèque de 50 millions de la part de Gbagbo qui lui est remis, car ce dernier ne veut pas que sa star s’efface de la scène. Ce n’est pas du Lynx ces révélations mais de Alpha lui-même. Humble, il reconnait que Gbagbo l’est. Un soir alors qu’il était autour de Cocody, lieu où Alpha Blondy détient un café, Gbagbo s’arrête et vient dire bonsoir à son ami. De ce lien, Alpha nommé auparavant Ambassadeur de la paix de la CEDEAO, fera les couloirs de la présidence sans être confronté au protocole.
Alpha Tourne dos à Gbagbo
Quand la rébellion éclate, les seigneurs de guerre ont surfé sur l’Ivoirité, genre « Le Nordiste n’est pas tellement ivoirien et autres… avant de terminer la perfidie par la religion musulmane qui serait combattue par le sud chrétien». Sentant que la mayonnaise ne prenait pas parce que le premier ministre de Gbagbo, Pascal Affy Nguessan est de père burkinabè et les grands tenors du Front Populaire Ivoirien (FPI) sont du nord, tout le monde rectifie le tir. Alpha Blondy va s’accommoder de Gbagbo tout en surfant sur son origine Dioula [ndlr,nordiste]. Quand l’ONUCI de Choi et les ambassadeurs français et américains débarquent Youssif Bakayoko président de la commission électorale CEI pour lire « leurs résultats » au Golf Hôtel, alors que le camp Gbagbo semblait flotter, Alpha Blondy comprend que le vent va ou peut changer. Très malin, il dit avoir voté pour Gbagbo mais c’est Wattara qui a gagné. Dieu seul sait le bulletin qu’il a mis dans l’isoloir! Il sait qu’être artiste en Afrique n’est pas une assurance pour faire vivre sa famille et soi-même. De Félix Houpheit-Boigny, il est tombé sur Gbagbo et est en passe d’avoir les services de Wattara au cas où celui-ci arrivait à s’installer contre le gré des Ivoiriens. Tiken Jah Fakoli lui au moins est resté « garçon ». Il avait ses idées. Il défendait un idéal. Mais quand on s’appelle Alpha Blondy, on pense derrière ses longs cheveux être plus malin que ceux qui ont les têtes rasées. Et ceci ne serait être une manière d’aider l’Afrique, en l’enfonçant quand on veut se faire un peu de sous. Hier, lors de son concert à Dakar chez l’ennemi juré de Gbagbo il se faisait encore l’apôtre de la paix et de la guerre. « Ne tuez pas Gbagbo, il est bon… ». Comme si Gbagbo avait jamais tué quelqu’un pour avoir peur de mourir au nom de la souveraineté de la République de Côte d’Ivoire. Allez-y comprendre les jérémiades de celui qui derrière ses longs cheveux s’est transformé en un véritable râtelier en RCI….
Camus Ali Lynx.info