Mais nous sommes bien ici en politique. Et en politique, rien ne se fait au hasard. Il nous faut saisir – au-delà de cette machination opaque, le message « subliminal » qu’il nous renvoi.
Alassane Ouattara parle alors qu’on attend de lui des actes concrets. Il parle, répond aux questions des journalistes pendant que le chômage, la vie chère la pauvreté et leurs pénibles corolaires traquent les ivoiriens jusque dans leurs derniers retranchements. Il parle pendant que ces derniers crient leur misère sans savoir – finalement – à quel saint se vouer.
Il ne fait que parler, alors que ses seigneurs de guerre – en toute impunité – s’adonnent – au vu et au su de tous – à des pratiques mafieuses, à ce que l’on a appelé « des activités économiques prédatrices » dans les zones qu’ils occupent depuis la rébellion de 2002.
Il ne fait que parler. Et ses paroles sont loin d’apaiser les cœurs et les esprits. Car que vaut la parole d’un homme qui a fini par habituer l’opinion nationale – et même internationale – à des promesses non tenues ? Absolument rien.
Parler pour flatter
L’adage dit : « tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute ». L’homme fort du régime d’Abidjan en est conscient. C’est pourquoi il se donne à fond, dans ce triste jeu de verbiage, monté de toute pièce.
Il lui faut sauver le semblant d’honorabilité qui reste à son régime. Il lui faut colmater les brèches, boucher les fissures qui apparaissent de plus en plus au grand jour. Il faut à monsieur Ouattara, rassurer ses partisans, montrer qu’il a encore toutes les cartes en main et que – sous son règne – demain sera radieux. En l’écoutant, on est tout de suite séduit, tant il manie à merveille promesses, chiffres virtuels sur la croissance économique et optimisme béat. Mais il est loin, bien loin de « transformer les discours en réalité », constatait – il y a peu – Human Rights Watch.
Pourquoi donc s’évertuer à vouloir convaincre – comme le malicieux renard – par des discours vains – un peuple affamé qui n’a d’ailleurs point d’oreilles et qui attend beaucoup de lui sur le terrain si ce n’est pas entre autre pour… ?
Gagner du temps
Pour les dossiers aussi brûlants que ceux du seigneur de guerre Amadé Ourémi qui sévit dans le mont Péko, la cherté de la vie et l’impunité érigée en programme de gouvernance, Ouattara préconise la patience aux ivoiriens. Il déclare : « (…) les dossiers sont en cours » ou encore « (…) on ne peut pas nous demander des résultat après un ou deux ans ».
Ici, le discours n’est pas que creux ou inutilement vain, il est mesuré, calculé d’avance. Il poursuit un but. Il vise à faire gagner du temps à celui qui le tient. Il vise à préparer les esprits à une éventuelle perpétuation de son règne à la tête de ce pays.
En 1990, Alassane Ouattara promettait 100 jours pour redresser l’économie de la Côte d’Ivoire. 100 jours plus tard, il demandait une rallonge. Pendant la campagne présidentielle de 2010, il sollicite 5 ans auprès des ivoiriens, prétendant être « la solution » à leurs problèmes. Deux ans après, soit à mi-parcours de son mandat, le ton du discours est plus modéré et l’ambition est revue à la baisse: « (…) à priori, je ne pense pas qu’il soit possible de redresser la Côte d’Ivoire comme je le voudrais dans les trois ans à venir ». Conclusion : Ouattara est candidat à sa propre succession pour 2015.
Après deux ans de règne à la tête de la Côte d’Ivoire, nous en sommes encore là avec monsieur Ouattara, à nous gaver de « solutions », à nous entre-dévorer comme des chiens affamés que l’on veut distraire en leur jetant des miettes afin d’avoir toute la latitude de commettre son forfait. Bref, après deux ans, nous en sommes encore à assister monsieur Ouattara amuser la galerie. Nous en sommes encore à nous contenter des discours creux et vains alors que les problèmes essentiels, ceux qui touchent à l’avenir de ce pays font l’objet de petites spéculations politiques au profit d’un clan qui entend perpétuer son règne, fut-ce au prix d’une dictature sans égale.
Mais encore et comme toujours, l’on s’accordera à dire que le dernier mot appartient aux seuls ivoiriens. Mais là encore, l’on ne saurait ne pas se demander : sauront-ils taire leurs petites querelles pour déjouer cette supercherie en préparation ?
Marc Micael La Riposte