Souvent, Ouattara n’a pas besoin de faire des démonstrations pour convaincre. Avant même qu’il n’ouvre la bouche, ses grands amis éparpillés au sommet des pouvoirs du monde applaudissent le démocrate. D’ailleurs ces messieurs ont bien participé à la confection de cette image de démocrate que promène Ouattara. Qui ne se souvient pas des envolées lyriques d’un certain Gauthier Rybinski, grand affabulateur ? Ce super spécialiste qualifiait Laurent Gbagbo de « dictateur tortionnaire » par opposition à un Ouattara enivré de valeurs démocratiques. Qui a oublié les grands spécialistes des questions africaines dont l’unique mission était de polir l’image d’Alassane Ouattara ? Bien entendu, ces messieurs travaillaient pour le pouvoir politique français. Même en Afrique, nous avons entendu le célèbre écrivain Henry Lopez (Ambassadeur du Congo en France) vanter les mérites démocratiques de Ouattara. Alassane Ouattara est « un grand démocrate qui pense à l’Afrique » disait en substance l’auteur de Tribaliques. Ces discours élogieux qui nous rappellent les chants des griots du manding, ne pouvaient que renforcer Ouattara dans sa posture. C’est pourquoi, lors de sa récente visite au nord, il n’a pas hésité à avouer : « …Alassane Ouattara est un vrai démocrate».
Mais tous ces éloges demeurent de viles incantations tant qu’on se trouve au niveau de la théorie. La logique voudrait que le statut de démocrate soit conféré à un sujet par les actes que pose ce dernier. C’est en tentant de confronter la théorie à la pratique que surgit le duel entre Ouattara le démocrate et Ouattara le dictateur. On quitte ainsi le jardin des proclamations hypocrites pour se plonger dans une réalité plus effroyable. Ouattara le démocrate se trouve curieusement malmené par Ouattara le dictateur. Face à Ouattara le dictateur, le statut de démocrate prend des soufflets inimaginables. Figurez-vous que ce Ouattara dont on dit qu’il s’abreuve à la source de la démocratie, a dans ses geôles, plus de 700 prisonniers politiques. Plus de deux cent mille exilés et réfugiés politiques. Le nombre donne froid dans le dos. Toutes les victimes de Ouattara ne sont pas dans des lieux de détention conventionnelle et leur arrestations n’obéissent pas aux règles requises en la matière. Elles sont le plus souvent enlevées, torturées, séquestrées, enfermées dans des conteneurs. Mais cela ne pétrifie pas les flagorneurs du pouvoir Ouattara. On note qu’au moment où Ouattara faisait bruire ses compétences démocratiques au nord, à quelques petits kilomètres, des centaines de prisonniers politiques ployaient sous le poids de la maltraitance. Toutefois, pour tenter de vaincre Ouattara le dictateur, le démocrate affirme qu’il n’existe pas en Côte d’Ivoire des prisonniers politiques. Mais curieusement, tous les prisonniers sont accusés d’être des pro-Gbagbo. Or un pro-Gbagbo est lui-même une opinion politique. Le démocrate ne connait pas l’étiage des arguments. Ces prisonniers, selon lui, ont commis le crime de « non reconnaissance de sa victoire ». Vous avez dit nouveau crime du démocrate législateur-juge !
Sous le regard de ces encenseurs, le démocrate Ouattara est obligé de lire le tableau que lui présente le dictateur Ouattara. On peut y lire : assassin des libertés individuelles et collectives, chef absolu des médias publics, protecteurs des criminels du pouvoir, détenteur exclusif des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, promotion d’un Etat tribal, exclusion etc. On cherche en vain sur ce tableau, un seul haut fait susceptible de faire remonter le démocrate. On tente de l’aider en s’essayant à accorder du crédit à sa volonté de dialoguer avec l’opposition significative. Mais hélas, on ne trouve rien d’encourageant. Il a déjà tout plié parce qu’étant blanc comme neige, il considère que seul le pardon du FPI peut réconcilier la Côte d’Ivoire. Même dans ce cas, il faut que le FPI soit en vie. Or il invite le parti de Laurent Gbagbo à prendre place dans son « train de la paix qui va à vive allure ». Autant dire qu’il veut tuer ce parti car le train étant déjà dans sa folle course, comment le FPI peut-il approcher les rails sans se faire broyer ?
On comprend à ce stade du duel, que Ouattara le démocrate, est bien une peinture qui coule dès la première goutte de pluie. Lorsqu’elle tombe, le vrai Ouattara s’affiche, c’est-à-dire Ouattara le dictateur. Il est serein, stable comme un vieux chêne. On dira même qu’il est un roseau en matière de dictature. Mille fois plié, il se redresse mille et une fois. C’est donc ce Ouattara qui est au pouvoir en Côte d’Ivoire. Les nombreuses campagnes de ponçage de son image sont incapables de produire, à la lumière des actes, un démocrate. Croire en définitive qu’Alassane Ouattara est un démocrate, c’est imposer à notre esprit qu’un manguier peut produire des raisins.
Alain Bouikalo, Juriste