Les partis politiques pullulent, se décomposent, et se recomposent pendant que d’autres naissent. Ces partis ont en commun leur ignorance des enjeux économiques mondiaux, et leur soumission au diktat économique des institutions financières occidentales. Voilà résumé l’environnement politique africain.
Programme politique bégayant
Qu’ils soient en exercice ou en opposition, il n’y a presque pas en Afrique ‘un parti politique cohérent avec un programme consistant.’ Explique S. Kibble en se référant au parti du feu-président zambien (30 avril 1943–18 juin 2011) Frédérick Chiluba (1991 to 2002). Cette lecture est aussi celle que fait J.P. Magnant qui ‘constate l’absence totale de programme politique, d’idées, voire d’embryon de réflexion dans les textes’ des partis politiques tchadiens. Sur la même piste, E. Le Roy observe ‘le vide des messages et la vacuité des projets, [et]l’absence d’interpellations fondamentales’ des partis politiques maliens.
Cette absence de projet politique fait que les partis politiques ne se distingue pas les uns des autres. C’est ce que note J.P. Daloz lorsqu’il fait remarquer qu’au Benin, les parlementaires ne se répartissent pas ‘entre une majorité et une opposition clairement distincte autour de lignes politiques bien définies.’ Par conséquent, ‘le débat d’idées semble bien terne.’ Conclut-il. La même question est soulevée par D.C. Martin. Prenant pour échantillon l’Ouganda, le Kenya, le Zimbabwe et la Tanzanie, il observe ‘l’absence de dimension programmatique dans le débat politique.’ Poursuivant, il rappelle que ‘l’avènement de l’opposition n’est en aucun cas garant d‘un changement.’
Projet économique inexistant
Ce bégaiement idéologique montre que l’essentiel voire l’ensemble des partis politiques africains, n’est pas seulement indigent en ressources idéologiques, mais aussi en programmes économiques. Les partis dits de l’opposition, très aisées dans la critique sont plus que discrets sur les modèles économiques qu’ils comptent mettre en place pour corriger les insuffisances des gouvernants s’ils arrivent au pouvoir. Simplement parce qu’élaborer et chiffrer les programmes économiques leur pose de sérieux problèmes. Ce qui fait d’eux l’autre face des partis au pouvoir. Résultat, quand ils ont la gestion du pays, et qu’il s’agisse de soutenir l’économie ou de prendre de grandes mesures socio-économiques, ils sont en manque d’idées.
En fait, un programme économique élaboré, chiffré, muni d’un chronogramme d’exécution est un piège pour les politiques. Car vérifiable, et pourrait servir d’arguments de campagne aux adversaires politiques si les promesses économiques théorisées ne sont pas réalisées. Outre le fait qu’un projet économique détaillé peut constituer une trappe, l’absence de bonnes politiques économiques s’expliquerait soit par l’égoïsme des leaders, soit par l’incompétence des économistes qui les conseillent et qui n’ont ni de bonnes idées économiques ni une bonne compréhension de la géopolitique locale et de la géostratégie mondiale. Alors, ils épousent et en font leurs, les recommandations et le diktat économiques des institutions financières impérialistes occidentales.
Réalité du terrain contre propagande
Sur ce socle, les Etats africains travaillent pour satisfaire leurs financiers. La Côte d’Ivoire gérée par le super-supra-économiste (?) Alassane Ouattara est une parfaite illustration. Pendant que son ami Mo Ibrahim par Nathalie Delapalme, Directrice Générale de sa Fondation, saluait ‘le parcours remarquable dans l’indice de gouvernance,’ et que ses petits copains de la banque mondiale et du FMI célébraient sa croissance (?) à deux chiffres, la réalité du terrain contredisait ces belles performances sur papier. ‘La part cumulée des emplois vulnérables et des chômeurs dans la population active en Côte d’Ivoire se situe dans la fourchette comprise entre 70 et 90%.’ Avait annoncé Akin Olugbadé, Directrice Générale Adjointe chargée de l’Afrique de l’Ouest à la Banque Africaine de Développement (BAD), le 12 mars 2018 lors du lancement de l’édition 2018 de ‘Perspectives économiques en Afrique’ de cette institution à son siège à Abidjan.
Sidi Touré, ministre de la Jeunesse, de l’emploi des jeunes et du service civique, de Ouattara avait avant cette révélation, soutenu que le taux de chômage était de 2%. Bruno Koné, ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement de Ouattara, annonça au contraire un chiffre oscillant entre 23 et 26% avant de s’aligner sur la BAD et préciser que les dernières études estimaient ce taux à plus de 70%.
Incapacité de proposer
La balade avec les chiffres n’est pas propre à la Côte d’Ivoire. Elle trahit la nullité des politiques dans la conception d’une politique économique, sa théorisation, et sa traduction dans les faits pour la création de la richesse. La danse des chiffres vise donc à couvrir les limites de leurs projets économiques qui se réduisent à la formulation et à la vente de rêves (plus d’égalité et de justice, augmentation du pouvoir d’achat, réduction du chômage, amélioration du système de santé et de l’éducation, redynamisation des forces de défense). Pathologie qui handicape la redistribution dans les secteurs économiques porteurs, des miettes qu’ils réussissent à collecter sous forme d’emprunt auprès de leurs partenaires (?) bi-multilatéraux.
L’absence d’un plan économique de développement et d’industrialisation dans les projets des politiques a placé les rênes de l’économie africaine (même dans le primaire), entre les mains des ‘extrafricains.’ Faisant des entreprises nationales des naines par la taille, le capital, le stock, les actionnaires, ou la création d’emplois, quand elles ne sont pas tuées dans l’œuf ou à la naissance par la mafia des affairistes impérialistes et des endo-colons.
Formater l’individu
Ces faits renseignent que les politiques ne donnent pas à l’économie l’importance qu’elle a en termes de politique de développement. Ils traitent cette question qui nécessite beaucoup de paramètres en amateur—les voix non-partisanes sont tues. Les propositions non-classiques (économie informelle) permettant de jeter les bases d’une économie concurrentielle sont rejetées. Ces freins aggravent la pénurie de solutions économiques urgentes, et met à mal la relance des structures économiques existantes en décomposition. Ce qui cause en définitive le crash du système économique national, pour reposer le renflouement des caisses de l’Etat sur les institutions financières étrangères par le biais de l’endettement.
En définitive, la tendance des politiques à préférer les discours aux réalisations, les inscrit dans un courant de philosophie politique qui considère l’homme comme un être inerte. Sans culture ni identité. Un courant de pensée, dont tout est pour eux une question de formater les individus et de décider pour eux. Dans ces conditions, se demander pourquoi un continent ‘scandaleusement’ riche est si pauvre par sa population n’a plus de sens.
Feumba Samen