De son côté le président américain rappelle que ses soldats risquent leur vie pour défendre le régime de Karzaï. Cette querelle a tout de suite fait naître des informations sur la possibilité d’un retrait anticipé des troupes américaines. Qui plus est, les Etats-Unis pourraient réduire leur aide financière à Kaboul, aujourd’hui de 3 milliards de dollars par an.
Les bases afghanes abritent actuellement 63 000 militaires américains qui devraient quitter le pays d’ici fin 2014. Le contingent de la Force internationale d’assistance et de sécurité (FIAS) comprend au total près de 98 000 personnes.
Mais qu’est-ce qui a poussé Karzaï – créature des Américains – à aggraver tellement ses relations avec Washington ? Surtout en ce moment, alors que les talibans consolident leurs forces au sud et à l’est du pays et annoncent ouvertement leur volonté de faire chuter le pouvoir ?
« La majorité du contingent de la FIAS quittera le pays d’ici fin 2014 indépendamment des circonstances et Karzaï devra faire face aux talibans avec ses propres moyens, explique Viatcheslav Nekrassov, secrétaire responsable du groupe pour le travail avec l’Assemblée nationale d’Afghanistan au Conseil de la Fédération (chambre haute du parlement russe). Il lui faut donc se montrer comme un leader dur et énergique, car d’après ce que nous dit l’expérience historique, seuls ces gens-là sont en mesure de garder les rênes d’un Etat composé de plusieurs tribus. En même temps Washington tente de s’entendre avec les talibans par ses propres canaux sans Karzaï, ce qui souligne le caractère fantoche du gouvernement afghan ».
La démarche du président afghan pourrait s’expliquer par des raisons extérieures.
« Le Pakistan, sur le territoire duquel le mouvement Taliban s’est formé dans les années 1990, n’apprécie pas la perspective de négociations séparées entre les Américains et les talibans, estime Chakh Makhmoud de l’Institut d’études orientales auprès de l’Académie russe des sciences. C’est pourquoi des hauts fonctionnaires pakistanais viennent régulièrement à Kaboul pour pousser Karzaï vers plus d’indépendance ».
L’Afghanistan, ruiné par la guerre permanente, force son président à écouter tous les conseils.
« Il comprend qu’il ne peut pas compter uniquement sur l’Amérique, indique Viatcheslav Nekrassov. Il lui faut construire des relations avec les pays voisins, notamment le Pakistan. Les Etats-Unis évacueront leurs forces et le puissant Islamabad sera toujours à proximité ».
Karzaï veut préserver la continuité du pouvoir, ce qui le pousse à faire preuve de ses qualités de leader, même au détriment de ses relations avec l’Occident.
« Suite à la présidentielle de 2014, il voudrait laisser un successeur en mesure de poursuivre sa politique d’amélioration des relations avec les pays voisins », remarque Viatcheslav Nekrassov.
Ce successeur pourrait être Abdoul Quayum Karzaï, l’un des frères du président actuel. Les rumeurs disent que cet homme est l’un des trafiquants les plus puissants du pays, qui exporte 94% des tous les opiacés du monde.
« Hamid Karzaï voudrait évidemment garder le pouvoir, bien que la Constitution interdise plus de deux mandats présidentiels successifs, estime Chakh Makhmoud. Pour le moment il affirme ne pas avoir assez d’argent pour les élections tandis qu’il dépense chaque mois 500 millions de dollars pour son administration ».
Cela dit, si Karzaï pose pour la troisième fois sa candidature, cette démarche pourrait provoquer un scandale. Selon la mission onusienne en Afghanistan, il lui avait fallu près d’un million de votes truqués – le total des électeurs afghans se chiffre seulement à 17 millions de personnes – pour gagner les élections en 2009.
Ria Novosti