Budget 2015 en Côte d’Ivoire: Miracle ou mirage? [ Pr. Mamadou Koulibaly ]

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Ouattara ne fait point d’arriérés extérieurs. Mais comme c’est un prestidigitateur, ceux qui veulent peuvent lui faire confiance les yeux fermés. En 2015, année électorale, LIDER veillera.

Alors qu’une liste de sociétés à participation publique devant être privatisées avait été communiquée, nous surprenons le gouvernement en train de nationaliser une entreprise du clan Ouattara en renflouant ses caisses avec de l’argent public. Alors que pour une mission ministérielle assistant aux assemblées annuelles des principaux bailleurs de fonds, auxquels Ouattara entend demander près de la moitié de son budget, le gouvernement n’a pas hésité à débourser près d’un demi-milliard de francs cfa, la loi des finances en préparation demandera des efforts supplémentaires à la population.

On se souvient que 2014 avait été annoncée comme l’année de tous les miracles. Sous quel signe le budget de 2015 serait-il donc présenté ?

Le budget, selon le gouvernement, se fixera à 5.014,3 milliards de francs cfa, dont 2.754,9 milliards de recettes fiscales, du fait probablement de nouveaux impôts et de hausses des taux de prélèvements obligatoires d’une part, et de 1.046,1 milliards de francs cfa d’endettement auprès des marchés monétaires et financiers, d’autre part.

Le gouvernement ira, comme à son habitude, évincer sur le marché de l’épargne publique les entreprises locales pour lesquelles les fonds prêtables ne seront pas disponibles et qui en principe en ont besoin pour leurs investissements.

Ce budget est construit en comptant sur des recettes qui dépendront à 20% de ressources extérieures faites de dettes, de dons et de prêts officiels.

En 2000-2001, la masse salariale était d’environ 450 milliards de francs cfa. Dans le budget 2015, le gouvernement promet une masse salariale de 1.347,4 milliards de fcfa, qui a ainsi plus que triplé, comme si le nombre de fonctionnaires s’était multiplié par trois, alors que l’on manque toujours de médecins, d’infirmiers, de sages-femmes, d’enseignants… En parallèle, le nombre de militaires et d’hommes en armes a exagérément augmenté, ceci expliquant peut-être cela.

Le remboursement de la dette engouffrera 1.213,3 milliards de ce budget. Le gouvernement prétend aussi qu’il y aura dans ce budget 1.716,4 milliards de dépenses pour les pauvres, qui représentent environ 50% de la population. Il faut attendre de voir les détails du budget pour en faire une analyse plus en profondeur.

Pourtant, le budget est présenté en équilibre. Qu’est-ce qui explique cela ?

En réalité, comme le gouvernement ne nous a pas donné tous les chiffres, il ne faut pas se tracasser l’esprit. Mais si l’on s’en tient aux propos du gouvernement, tout va très bien et l’État dégage même un excédent budgétaire. L’ensemble des recettes de l’État, en dehors des emprunts, est donc ici de 2.754,9 milliards de fcfa, auxquelles s’ajoutent 187 milliards de recettes non fiscales, ce qui fait un total de recettes de 2.941,9 milliards de fcfa.

Les dépenses de l’État, sans la prise en compte du remboursement de la dette, sont selon les chiffres sommaires communiqués par le gouvernement, de 1.347,4 milliards de salaires auxquels il faut ajouter 1.496,3 milliards d’investissement, ce qui donne un total de dépenses, hors remboursement d’emprunt, de 2.843,7 milliards de francs cfa. La différence entre 2.941,9 milliards et 2.843,7 milliards donne 98,2 milliards d’excédent budgétaire. Notre gouvernement nous dit par là qu’il n’y a pas de déficit budgétaire.

Cependant, l’on peut comprendre que certaines personnes puissent douter, parce que sur les 5.014,3 milliards de francs du budget total de l’État de Côte d’Ivoire, il ne peut financer que pour 2.941,9 milliards. Le reste, soit 2.259,4 milliards de fcfa, (45,05% du budget total) proviendra de l’endettement auprès des marchés monétaires et financiers de l’Uemoa ou des Eurobonds.

Mais il n’y a aucun problème, tout va très bien. Sauf que, comme l’excédent de 98,2 milliard ne suffit pas à payer le remboursement de la dette qui, selon les chiffres même du gouvernement, est de 1.213,3 milliards de fcfa, alors il va falloir aller emprunter pour venir non pas investir, mais payer la dette. Les nouveaux emprunts vont servir exclusivement à payer la dette ancienne, et ils ne suffiront même pas.

L’emprunt que le gouvernement entend obtenir est de 1.046,1 milliards et si vous y ajoutez les 98,2 milliards, vous aurez la somme de 1.144,3 milliards sur un total de 1.213,3 milliards à rembourser. Il restera un petit effort de 69 milliards à trouver pour rembourser entièrement ce qu’on doit à nos créanciers en 2015. Cette somme, le gouvernement la trouvera soit en augmentant les impôts et les taxes, soit en refusant de payer une partie de la dette intérieure, puisque pour ne pas fâcher les créanciers internationaux qui, pour lui, sont prioritaires, Ouattara ne fait point d’arriérés extérieurs. Mais comme c’est un prestidigitateur, ceux qui veulent peuvent lui faire confiance les yeux fermés. En 2015, année électorale, LIDER veillera.

Pr. Mamadou Koulibaly | LIDER | 20 octobre 2014

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