Le désarmement, chanté depuis 2003, est achevé mais avec un arrière-goût d’escroquerie mal ficelée. L’ancienne armée nationale qui, dit-on, a affronté les forces rebelles, a été battue et dissoute puis remplacée et désarmée par les forces nouvelles, qui sont devenues de ce fait la nouvelle armée. Il n’y a donc plus personne à désarmer.
Nous sommes en octobre 2014, donc à un an des élections présidentielles en Côte d’Ivoire. Sommes-nous prêts pour les affronter sereinement? Malheureusement non.
La crise de confiance entre les animateurs de la vie politique aurait voulu que nous ayons des juges électoraux crédibles, mais il n’en est rien. Le Conseil constitutionnel, installé illégalement, constate les violations flagrantes des règles électorales et, sous le prétexte fallacieux de ne pouvoir s’autosaisir ou d’être mal saisi, laisse prospérer l’anticonstitutionalisme.
La Commission électorale qui est en charge de l’organisation des élections est elle-même le produit d’une violation flagrante de la Constitution, qui la prescrit indépendante. Les politiciens l’ont créée assujettie au président de la République, aux partis politiques, au gouvernement, transférant ainsi en son sein toutes les tensions qui sont de nature à causer les crises post électorales. En ce moment, le gouvernement est d’ailleurs très occupé à redistribuer les sièges au sein de cette commission inféodée, pour y accommoder les partis de «l’opposition» qui ont accepté d’y siéger et travaillent en catimini à la réélection de M. Ouattara.
La liste électorale, qui devrait être l’objet de toutes les attentions, n’a pas encore un début de construction. La Commission électorale, qui doit – normalement – en être le bâtisseur, n’est pas encore mise en place pour se mettre au travail. Celle dont les membres ont été grassement payés depuis cinq ans, de 2010 à 2015, n’a pas respecté la loi électorale lui imposant des mises à jour permanentes de la liste, qui devrait intégrer les millions de nouveaux majeurs depuis 2009.
La réconciliation nationale, thème majeur au sortir de la crise post-électorale de 2011, est abandonnée. Les victimes continuent de pleurer et de souffrir le martyr, abandonnées qu’elles sont à leurs sorts, car seuls leurs bourreaux sont recherchés, socialisés, démobilisés, réinséré à grand frais. Tout se passe comme si l’on voulait inviter les victimes des dernières crises à se préparer pour être les bourreaux de la prochaine, car en Côte d’Ivoire, seuls les bourreaux comptent.
Le désarmement, chanté depuis 2003, est achevé mais avec un arrière-goût d’escroquerie mal ficelée. L’ancienne armée nationale qui, dit-on, a affronté les forces rebelles, a été battue et dissoute puis remplacée et désarmée par les forces nouvelles, qui sont devenues de ce fait la nouvelle armée. Il n’y a donc plus personne à désarmer. Pourtant, plus de 80 000 personnes désignées comme «ex combattants de tous les bords», demeurent avec leurs armes au service du vainqueur des dernières élections et candidat à sa propre succession depuis plus de 2 ans. Comme on ne change logiquement pas un système qui gagne, pourquoi ne pas les réutiliser pour la prochaine campagne de 2015 afin d’insécuriser le vote, les votants, les bureaux de vote, les urnes, les résultats, etc. ?
Malgré les rapports d’enquêtes établissant la responsabilité et la culpabilité des criminels de la crise des années 2000, la justice ivoirienne, dont le chef est le président de la République, n’est arrivée, jusqu’à présent à, poursuivre aucun des criminels avérés du camp du vainqueur. L’injustice érigée en norme par le gouvernement permet même de promouvoir aux hautes fonctions de l’armée et de l’administration des personnes qui devraient normalement, si l’on était dans un état de droit, rendre compte de leurs vols, viols, assassinats, pillages, détournements et autres crimes. La balance de la justice est totalement déséquilibrée à un an des élections.
L’opposition qui se prépare à prendre part au scrutin présidentiel de 2015 n’a aucun statut lui précisant ses droits et devoirs. Ceci tend à faire croire à certains de ses membres qu’ils peuvent organiser les élections en siégeant à la commission électorale inféodée, alors qu’en tant que partis politiques, ils ne sont que des agents qui participent à l’expression du suffrage. Les partis d’opposition non représentés à l’assemblée nationale ne disposent d’aucun financement et n’ont pas accès aux médias publics face à la coalition des partis représentés au parlement, qui ne présentera qu’une candidature. La compétition est grossièrement biaisée en faveur des partis au pouvoir.
Enfin, comme l’écrit le grand écrivain et diplomate français Romain Gary (1914-1980) dans Pseudo, une de ses nombreuses œuvres : «Cette nuit-là, j’ai eu de nouvelles hallucinations ; je voyais la réalité, qui est le plus puissant des hallucinogènes. C’était intolérable. J’ai un copain à la clinique qui a de la veine, qui voit des serpents, des rats, des larves, des trucs sympas, quand il hallucine. Moi je vois la réalité».
Triste réalité qui est celle de la Côte d’Ivoire, dont ni la majeure partie des acteurs politiques, ni les populations, ni les diplomates qui y sont accrédités n’arrivent à entendre le système d’alerte précoce que LIDER s’attelle à activer depuis plusieurs mois.
Lider