Le bilan de François Hollande en Afrique

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L’élection de François Hollande en mai 2012 avait nourri beaucoup d’espoirs quant à une rupture avec l’ancienne politique africaine de l’hexagone faite essentiellement de mutisme, d’opacité, d’intrigues, de duperie et surtout d’incertitude. Plus de deux ans après, comment pouvons-nous juger le bilan de la politique africaine de la « France Hollande » ?

L’élection de François Hollande en mai 2012 avait nourri beaucoup d’espoirs quant à une rupture avec l’ancienne politique africaine de l’hexagone faite essentiellement de mutisme, d’opacité, d’intrigues, de duperie et surtout d’incertitude. Plus de deux ans après, comment pouvons-nous juger le bilan de la politique africaine de la « France Hollande » ?

Le premier mérite reconnu à François Hollande est d’avoir manifesté l’intention de souffler un vent de démocratie en Afrique. Il ne voulait pas cheminer avec ces caciques africains qui s ‘accrochent au pouvoir et qui sont peu soucieux de l’avenir du continent. De ce fait il n’a pas hésité à exprimer son mécontentement face à une situation qui bafoue les droits de l’homme, comme ce fut le cas avec Joseph Kabila Kabangué en République Démocratique du Congo (RDC) lors du Sommet de la francophonie à Kinshasa mi-octobre 2012. Par ailleurs, François Hollande avait annoncé d’entrée de jeu, l’établissement d’une « nouvelle donne ». Il avait alors dit que la France continuerait d’être présente en Afrique mais adopterait une approche différente de celle du passé. C’est cette ambition de nouer une nouvelle relation avec l’Afrique qui est peut être à la base du changement sémantique que subit le traditionnel ministère de la Coopération qui est désormais réduit à un simple Secrétariat d’État auprès du ministère des Affaires étrangères et du Développement international, chargé du Développement et de la Francophonie. Enfin, la cellule africaine de l’Elysée a disparu et les émissaires officieux ne sont plus visibles[1]. Ceci prouve en partie que le locataire de l’Elysée voulait imprimer ses marques dans les relations franco-africaines.

Cela étant, plusieurs point noirs subsistent. En matière d’immigration, jusqu’à ce jour nous constatons que la politique de délivrance des visas n’a pas du tout changé, le mépris, l’insolence, les frustrations et la discrimination continue de faire leur lit, avec pour corollaire des rejets injustifiés des demandes de visas par les services consulaires français.

En matière de sécurité, se pose toujours la question de la présence des forces françaises en Afrique. Les autorités françaises n’ont pas encore décliné de manière claire et précise leurs intentions sur le futur de ces troupes. Malheureusement, cette armée n’a pas fait que du bien aux Africains comme nous avons pu le constater lors des opérations : Turquoise au Rwanda (1994) : complicité avec le gouvernement génocidaire ; Azalé 1 et 2 en Centrafrique (1996) : plusieurs dizaine de morts militaires et civils ; Licorne en Côte d’Ivoire (2002) : massacre de dizaine de civils en novembre 2004 ; Mamba puis Artémis en République Démocratique du Congo (2003) : témoignage de soldats suédois sur la torture pratiquée par les militaires français. La situation la plus significative est celle qui prévaut en Centrafrique en ce moment.

Au Mali, la France avait mis fin à son intervention militaire de façon précoce, ce qui était d’ailleurs très compréhensible. Le plus étonnant était cette attitude subitement françafricaine qu’avait eu François Hollande qui a lui-même annoncé la date de la tenue des élections au Mali (fin juillet 2013). Où était passée la souveraineté du peuple malien, dans ce contexte ? Cette approche n’infantilisait-elle pas les institutions et le peuple malien ? Leur sort était décidé à Paris et annoncé au journal télévisé de France 2. Cela ne manquait pas de rappeler l’époque Foccard.

Au plan économique, François Hollande a pris le pouvoir au moment où les intérêts français s’effritent au profit des Chinois comme le souligne le rapport Védrine : « la part de marché de la Chine sur le continent est passée de moins de 2 % en 1990 à plus de 16 % en 2011 » de son côté, « entre 2000 et 2011, la part de marché de la France au Sud du Sahara a décliné de 10,1 % à 4,7 % ». Son objectif est de doubler les échanges entre la France et les pays africains

Il est difficile de parler de véritable rupture sur le plan économique d’autant que la France garde un contrôle sur les économies africaines, particulièrement la zone CFA à travers, d’une part, la stabilisation du taux de change entre le franc CFA et le franc français devenu Euro. Et d’autre part, la convertibilité « illimitée » du franc CFA en échange du dépôt sur les comptes du trésor français de la moitié des réserves de change. Ce système sert non seulement les intérêts économiques de la France, comme par exemple lors des crises autour de l’uranium au Niger, de l’or au Mali, du pétrole au Tchad, mais également sert à couper court à toute velléité d’émancipation du système via des mesures répressives.

Somme toute, avec les quelques gestes positifs du Président français en faveur de l’Afrique, les Etats africains devraient comprendre qu’il est temps de prendre leur destin en main et s’approprier des méthodes idoines, capables de les conduire à la maturité. Les États africains doivent s’unir désormais pour inverser le rapport de forces en leur faveur. Cela passera par le renforcement des capacités de l’Union Africaine (UA) et surtout l’opérationnalisation de ses institutions pour réhabiliter le rôle de l’Afrique sur la scène internationale.

Fleury Steve ESSIANE EBAMANE,

Etudiant en science politique option institutions, relations internationales et études stratégiques. Le 1er octobre 2014

Libre Afrique

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