Au Gabon, pays pauvre d’Afrique centrale, certains hauts fonctionnaires touchent des primes allant jusqu’à 100 millions de francs CFA, soit 150.000 euros, par mois. Le gouvernement a décidé de réformer ce système opaque dont bénéficient 9.000 agents pour créer un modèle de rémunération plus juste.
Selon le système des “fonds communs”, vieux de 40 ans et doté d’une cagnotte annuelle de 212 milliards FCFA (323 millions d’euros), une sorte de bonus était versé aux agents des douanes, impôts et Trésor public, ainsi qu’à ceux relevant du secteur des hydrocarbures, première ressource du pays.
L’objectif affiché à sa création en 1974 était d’assurer un revenu suffisant aux fonctionnaires chargés de collecter et de gérer l’argent public afin de leur donner la force de résister aux sirènes de la corruption.
Mais au fil des ans, il a abouti à de nombreux abus, certains hauts fonctionnaires empochant des bonus aux montants astronomiques, dignes de PDG d’entreprises multinationales.
Selon le président Ali Bongo Ondimba, la réforme du système initié par son père, le défunt Omar Bongo, répond aujourd’hui à une “nécessité impérieuse de restructurer l’administration” et de la “doter d’un système d’évaluation des performances”.
– Des “fonds communs” de plus en plus singuliers –
“Il y avait de nombreuses disparités. Deux directeurs de service, avec les mêmes responsabilités, le même niveau de diplômes et le même salaire de base, ne percevaient pas la même prime (…) les écarts étaient très importants”, explique à l’AFP la porte-parole du gouvernement, Denise Mekamne.
De même, nombre de fonctionnaires à la retraite continuaient de percevoir leurs primes sans aller travailler.
“Certains responsables pouvaient toucher jusqu’à 100 millions de FCFA mensuels!”, affirme Mme Mekamne.
Pour mettre fin à ces excès, les fonds communs seront transformés en Prime d’incitation à la performance (PIP).
“Il n’y aura pas une distribution tous azimuts mais une rétribution de la performance collective et individuelle des fonctionnaires, basée sur des critères d’évaluation transparents”, précise la porte-parole.
Seront notamment pris en compte “l’assiduité”, “la ponctualité”, ou encore “le respect de la hiérarchie” pour récompenser les fonctionnaires “les plus méritants”, souligne ministre du Budget et des Comptes publics, Christian Magnagna.
Autre évolution, le spectre de bénéficiaires va considérablement s’élargir, tandis que le budget de la PIP sera divisé par deux.
Pour l’année 2014, la PIP sera plafonnée à un total de 100 milliards FCFA et s’adressera à 30.000 agents, plus de trois fois le nombre actuel.
Les 112 milliards restants seront affectés aux chômeurs et aux indigents via la Caisse nationale d’assurance maladie et de garantie sociale et le Fonds national d’aide sociale.
– “Comptage physique des douaniers” –
Objectif du gouvernement: “aboutir à un meilleur partage des fruits de la croissance” entre les fonctionnaires et les populations les plus démunies, qui sonne comme un message adressé aux Gabonais avant la présidentielle de 2016.
Le chef de l’Etat, avec son nouveau “contrat social”, a en effet promis de s’attaquer aux inégalités criantes au Gabon d’ici la fin de son mandat électoral.
Selon un récent rapport sur la pauvreté qu’il a lui-même commandé, 30% des foyers gabonais vivent avec moins de 80.000 FCFA par mois (121 euros). Le chômage frappe en outre plus du tiers des jeunes Gabonais, d’après des estimations récentes de la Banque mondiale.
Sur les collines entourant la capitale Libreville, où vit plus de la moitié de la population, les bidonvilles s’étalent à perte de vue et des quartiers entiers n’ont toujours pas accès à l’eau potable ou subissent des coupures incessantes d’électricité.
Un comble pour un pays riche en matières premières (pétrole, fer, manganèse, or, bois…) peuplé de seulement 1,5 million d’habitants, qui a longtemps fait figure d’eldorado pétrolier.
La réforme des fonds communs a toutefois fait grincer des dents dans les régies financières qui ont multiplié les grèves ces derniers mois, même si l’intersyndicale Douanes-Impôts-Trésor y est officiellement favorable.
“L’initiative du président est bonne, nous soutenons le principe, mais on craint de nouveaux abus”, explique à l’AFP Saturnin Odouma, porte-parole de l’intersyndicale.
“Par exemple, aux douanes, la direction générale a recensé 1.014 agents alors que nous sommes beaucoup moins. Des gens de mauvaise foi ont ajouté des noms qui n’existent pas pour pouvoir s’arroger des primes supplémentaires. Nous demandons un recensement physique des agents”, dit-il.
Les agents des régies financières réclamaient également la prise en compte de leur spécificité par rapport aux autres administrations.
Le projet de loi doit être présenté dans les prochains jours devant le parlement.
AFP