Un Togolais sur deux au moins souffre ou (souffrira) d’hémorroïdes. Avant de comprendre ce qui se passe dans cette maladie, voyons très brièvement la nature anatomique de la région rectale et anale. Disons tout de suite que ce que les Togolais appellent « koko » en mina, ne peut se trouver exclusivement que dans la région ano-rectale.
Il n’y a pas de « koko » au niveau des yeux, du nez, ou ailleurs, comme le croient et le disent certains de nos compatriotes.
I. Rappel physio-anatomique succinct
1) Le rectum
Le rectum constitue un système capacitif permettant le stockage des matières fécales, c’est-à-dire les selles. Sa distension déclenche le réflexe recto-anal inhibiteur (RRAI) à l’origine d’un court relâchement du sphincter interne, permettant la reconnaissance du contenu rectal par des récepteurs muqueux de la partie moyenne du canal anal, élément important de la synergie fonctionnelle anorectale.
2) Le canal anal (voir fig. 1)
HÉMORROÏDE : A. Formation d’hémorroïdes B. Côté normal
1. Rectum ; 2. Canal anal ; 3.Hémorroïdes internes ; 4. Hémorroïdes externes 5. Anus ; 6. Veine hémorroïdale externe ; 7. Sphincter ; 8. Veines hémorroïdales internes
Thrombophlébite dite « fluxion » hémorroïdaire ou prolapsus hémorroïdaire
La cavité anale est délimitée comme suit :
En haut, par la ligne anorectale, marquée par la séparation entre la muqueuse rectale, glandulaire et la partie supérieure de la muqueuse anale, cuboïde ;
En bas, par la ligne ano-cutanée, zone de transition entre la partie cutanée de la muqueuse canalaire (sans glandes, ni poils) et la peau de la marge anale ;
Le canal anal 2,5 à 3 cm, longueur correspondant à la zone de haute pression enregistrée lors de la manométrie ano-rectale.
Il présente, à sa partie moyenne, un repère important, la ligne pectinée, correspondant à la partie moyenne du sphincter interne. Il constitue le système restrictif composé des sphincters lisses et striés, recouvert d’une muqueuse richement innervée (contenant beaucoup de nerfs).
Le sphincter lisse assure, par son tonus permanent, celui du canal et, de ce fait, son obturation (fermeture) au repos. Il est sous contrôle du système nerveux autonome.
Le sphincter strié (ou externe), entourant le lisse, et le faisceau pubo rectal du releveur (muscle strié volontaire), sont une même unité fonctionnelle.
La zone cutanée lisse du canal anal, de par la richesse de ses récepteurs sensitifs et leurs caractères discriminatifs, occupe une place fondamentale dans la continence, en informant sur la nature du contenu anorectal (selles, corps étrangers, sang…)
3) Vascularisation artérielle du canal anal
Les travaux de MILES ont précisé la disposition des 3 paquets hémorroïdes respectivement à 3, 8 et 11 heures (on compare la cavité anorectale au cadran d’une montre). Cette répartition correspond aux branches terminales de l’artère hémorroïdale supérieure, assurant, parfois, avec l’artère hémorroïdale moyenne, la vascularisation sous muqueuse du canal anal. Cette disposition anatomique plaide pour le rôle de la circulation artérielle dans la pathogénie des hémorroïdes.
4) Classification des hémorroïdes
Quatre degrés sont classiquement décrits aux hémorroïdes :
1er degré : hémorroïdes internes non procidentes (visibles à l’anuscopie, lors d’efforts de poussées) ;
2èmedegré : hémorroïdes s’extériorisant et se réintégrant spontanément lors d’efforts de poussées) ;
3ème degré : hémorroïdes se prolabant également en dehors de la défécation avec une manœuvre digitale de réintégration ;
4ème degré : prolapsus hémorroïdaire, voire muco-hémorroïdaire, permanent, très douloureux, empêchant le patient de s’asseoir.
II. Lésions associées et diagnostic différentiel
Il ne faut pas confondre les hémorroïdes avec les affections suivantes :
Fissures anales Rectocolite hémorragique
Fistules anales Maladie de CHROHN
Parasitoses anales Cancer de l’anus ou du canal anal
Oxyure amibe, gale Anite thermométrique
Candidose anale Eczéma de contact
Traumatisme anal Prolapsus rectal non hémorroïdaire
Prurit anal Rectorragie
III. Approches proctologiques
Spécialité du Dermatologue, la proctologie est l’étude des hémorroïdes et de tout ce qui tourne autour, tout comme nous prenons en charge la phlébologie (étude des veines et tout ce qui tourne autour) dont les maladies phares sont les varices).
Devant toute maladie hémorroïdaire, nous pratiquons un examen clinique complet du malade. Nous vérifions la tension artérielle, les pouls, la température, le poids ; nous vérifions les aires ganglionnaires et les différents appareils de l’organisme. Puis, nous recherchons une hypertension artérielle, un diabète…
Nous nous concentrons sur l’examen ano-rectal proprement dit : inspection, palpation, toucher rectal (TR) avec des précautions extrêmes.
Le TR permet de localiser les hémorroïdes à 3H, 8H ou 11H, de voir et palper les hémorroïdes de degré 3 et 4, de pratiquer les manœuvres digitales de réintégration, de voir si le doigtier ramène du sang, du pus, ou autre chose.
L’examen ano-rectal peut se prolonger avec l’anuscopie, qui est un appareil permettant de voir le canal anal. En résumé, l’examen ano-rectal permet de visualiser, outre les hémorroïdes, de voir d’autres lésions, comme les fissures anales, les fistules anales…etc.
L’examen sera complet par les recherches phlébologiques (varices aux jambes par exemple).
IV. Comment traiter les hémorroïdes
Le traitement est médical et au besoin chirurgical
1) Les mesures hygiéno-diététiques
Elles permettent de prévenir la survenue des hémorroïdes et d’atténuer les crises hémorroïdaires et les faire disparaître si possible. Certains produits ne font franchement pas bon ménage avec les hémorroïdes : piment, alcool, tabac, épices, aliments trop riches en féculents, les farineux, la viande rouge (bœuf, gibier, chèvre, mouton), ail, moutarde, gingembre, cloue de girofle, poivre etc.
Certains aliments sont au contraire les bienvenus : les légumes, les fruits, les crudités (salades, concombre, tomates…) les grillages, les viandes blanches (poulet, canard, pigeon, perdrix…)
Habitudes alimentaires : il faut boire beaucoup d’eau et éviter les aliments qui constipent (pain, akpan, gari, yekê-yekê, djinkumé…)
Hygiène de vie : il faut faire de l’exercice physique, ne pas fumer, ne pas prendre des aliments trop chauds et trop pimentés, prendre au moins ses trois repas principaux journaliers, bien mastiquer ses aliments avant de les avaler, ne pas prendre trop de poids.
2) Le traitement médical
Il consiste à suivre les règles hygiéno-diététiques ci-dessus édictées.
Les pommades et crèmes : toutes les préparations antihémorroïdaires (je parle bien entendu des médicaments) que le Dermatologue vous prescrira, ont le rôle d’atténuer les crises. Et les vielles préparations sous forme de goutte buvable (comme l’Intrait de Marron d’Inde par exemple) ont toujours leur efficacité
Les veinotoniques, utilisés également dans le traitement des varices, sont efficaces à moyen et long terme. Il faut suivre scrupuleusement le traitement prescrit.
Cas particulier des hémorroïdes de 4ème degré : ici la douleur est telle que la réintroduction digitale du prolapsus hémorroïdaire se fait sous anesthésie locale ou même générale légère.
Le traitement chirurgical viendra à la rescousse du traitement médical, en fonction des cas, de l’âge du patient, des maladies associées (hypertension artérielle, diabète).
Dr David IHOU
Dermatologue-Allergologue-Vénérologue
Tél : 91 22 83 62 / 99 51 14 15
E-mail : davidihou1947@gmail.com