Égypte : mieux vaut les centurions que les barbus

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L’Occident joue les vierges effarouchées après les massacres du Caire. Mais l’idée d’un compromis durable entre l’armée et les Frères musulmans est un rêve. Au coeur de l’été, les chancelleries occidentales feignent de découvrir une évidence pourtant aveuglante depuis la nuit des temps : l’histoire est tragique.

Le général Abdel Fattah al-Sissi a manifestement décidé de régler le compte des Frères musulmans quel que soit le prix à payer et les gesticulations droit-de-l’hommistes des pays étrangers. Les pleurnicheries occidentales, qui s’apparentent d’ailleurs plutôt à des larmes de crocodile, n’y changeront rien.

Les Occidentaux, Américains en tête, avaient rêvé d’une Égypte gouvernée par des Frérots, certes intégristes, mais convertis à la démocratie, respectueux des traités internationaux – notamment celui avec Israël. Ils avaient, volontairement, oublié une seule petite chose : le but ultime de la confrérie est la prise totale du pouvoir. Les éventuels compromis n’étant que des étapes reflétant un rapport de force à un moment donné.

Ils avaient, aussi, sous-estimé l’ignorance abyssale des Frères en matière de gestion d’un État moderne. Car si aujourd’hui l’armée est aux commandes, c’est parce que d’énormes manifestations ont, le 30 juin dernier, privé Mohamed Morsi, le président issu des Frères, de la légitimité que les urnes lui avaient conférée. Et ce que lui reprochaient essentiellement les manifestants, c’était d’avoir conduit le pays à la faillite.

Le soutien de l’Arabie et des Émirats

Le monde arabe est plutôt derrière les généraux égyptiens. L’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis soutiennent financièrement l’Égypte. Le Qatar, parrain des Frères, apparaît en revanche comme le grand perdant de l’affaire.

Quant à l’Occident, il ne sait sur quel pied danser et doit se contenter, comme en Syrie, d’une démarche essentiellement déclamatoire. Les États-Unis ne feront rien qui puisse contrarier les Israéliens. Or Israël préfère évidemment l’armée égyptienne, avec laquelle les contacts ont été maintenus, à l’inquiétante nébuleuse des Frères.

La brutalité de la répression conduite par les militaires égyptiens peut choquer. Ce n’est malheureusement pas une première dans cette région tourmentée de la planète. Entre Nil et Euphrate, les problèmes se sont plus souvent réglés à coups de canon qu’autour d’une table de négociation : guerres israélo-arabes (1948, 1967, 1973), affrontements israélo-palestiniens, guerre civile au Liban (1975-1990), guerre Iran-Irak (1980-1988, un million de morts), guerres du Golfe (1991-2003), répression contre les Kurdes en Irak, les Frères musulmans en Syrie, écrasement des Palestiniens par les légions du roi Hussein de Jordanie (septembre 1970)… Cette liste est loin d’être exhaustive : il faudra désormais y ajouter, outre la guerre civile en Syrie, celle qui semble se profiler en Égypte…

Pierre Beylau

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