Le témoignage dont il est question aujourd’hui nous plonge dans le grotesque et l’insulte à l’intelligence humaine. Le tintamarre fait par ses relais a au moins le mérite d’apporter la preuve du contraire…
A force de trop s’agiter, on finit par se prendre à son propre jeu. Appréciez avec nous les «preuves» d’armes chimiques ramenées de Syrie cette semaine.
Premier acte: deux journalistes envoyés «très spéciaux» en Syrie du quotidien français Le Monde prétendent prouver l’utilisation d’armes chimiques par les forces de l’ordre de ce pays. Comment? Par leurs témoignages et des «prélèvements». Ils disent avoir été «témoins plusieurs jours d’affilée… (dans) un quartier à la sortie de Damas où la rébellion a pénétré en janvier».
Ils auraient ainsi vu les rebelles «commencer à tousser, puis mettre leurs masques à gaz, sans hâte apparemment, mais en réalité déjà exposés. Des hommes s’accroupissent, suffoquent, vomissent». Tout le reste du papier est de la même veine. Assaisonné, cependant, avec les dires d’un médecin syrien (qu’ils appellent Hassan O.) et qui confirme leur version. Ils croient utiles de renforcer leurs «preuves» en ajoutant que «des prélèvements sur des combattants exposés aux émanations au point de décéder (quelle belle tournure que ce «point de décéder»!) ont été réalisés et sont en cours d’études».
Des mots, un médecin anonyme et des prélèvements, ce sont là toutes leurs «preuves». Que du pipeau! Et ça se prétend journalistes! Ce n’est même pas du niveau d’un stagiaire. Un tel papier peut s’écrire dans n’importe quelle salle de rédaction. Sans aller en Syrie. Pour les «prélèvements» ils adoptent la forme impersonnelle. Ils ne disent pas qui les a effectués ni à qui ils ont été remis et par qui. C’est absurde.
Le procédé mérite la palme d’or de la bêtise humaine. La science de la propagande régresse. Le coup de Timisoara était beaucoup mieux. Filmer de nuit et en gros plan des cadavres de la morgue de cette ville roumaine pour faire croire à un génocide et finir par fusiller le président de ce pays et sa femme, un vieux couple, en direct à la télé, c’était plus «original». C’était en décembre 1989 et c’est resté, depuis, un cas d’école en «media mensonge».
Bien plus tard, en 2003, le coup des flacons de Colin Powell aussi était un chef-d’oeuvre d’audace. Un secrétaire d’Etat américain agitant deux petits flacons supposés être la preuve de la possession d’armes biologiques par Saddam Hussein, cela avait de quoi surprendre plus d’un. Il y avait de «l’innovation» dans ce coup là. Un coup qui a servi à l’invasion de l’Irak par les troupes américaines et la pendaison de Saddam Hussein. Powell a reconnu, par la suite, avoir des remords et se défend en arguant avoir eu lui-même de «fausses informations» de la CIA et du Pentagone. Là aussi l’arnaque est passée par son côté inédit.
Mais le reportage du journal Le Monde dont il est question aujourd’hui nous plonge dans le grotesque et l’insulte à l’intelligence humaine. Ceci est tellement vrai que voir le tintamarre qui s’en est suivi pour relayer les dires de ces deux «envoyés très spéciaux» a au moins un mérite. Celui d’apporter la preuve d’un complot contre l’Etat syrien. Sinon, comment expliquer que beaucoup d’autres médias et des officiels de pays occidentaux puissent donner crédit à de tels bobards en les relayant? Si ce n’est dans le but sinon de pousser à l’intervention militaire contre la Syrie, faire capoter, au moins, la conférence de paix dite de «Genève 2» prévue pour le début du mois de juillet prochain. Ou bien encore pour s’autoriser à livrer des armes aux groupes armés d’Al Qaîda qui martyrisent la population syrienne.
Quand on vous disait que le niveau de la propagande régresse! Les comploteurs sont en manque d’imagination. Ils en manquent tellement que, par ce coup «journalistique», ils n’auront réussi qu’à se démasquer. Qu’à apporter la preuve qu’ils complotent. D’ailleurs, Obama et Ban Ki-moon les ont priés «d’aller se rhabiller». Ou, comme l’a dit un de nos ministres à un journaliste, «d’aller jouer avec les enfants». L’administration américaine l’a dit plus poliment en exigeant «d’autres preuves».
Une autre remarque s’impose dans cette «preuve» par le mensonge. En y regardant de plus près, nous trouvons en filigrane des traces du fameux «qui tue qui?» qui nous a poursuivi tout au long de la décennie de terrorisme que nous avons vécue. Il suffit d’admettre que l’arme chimique ait été réellement utilisée en Syrie pour se retrouver à chercher l’autre preuve pour savoir qui, des deux parties au conflit, l’a utilisée. Il ne suffit pas de dire en avoir la traçabilité, comme on a entendu un officiel l’affirmer sur le plateau de France 2, il faut le démontrer. Pour terminer, précisons que le ton volontairement détendu que nous avons adopté pour traiter ce sujet dramatique est une réponse à la bêtise. Mieux vaut en rire qu’en pleurer!
Zouhir MEBARKI – lexpressiondz
zoume6@hotmail.com