En diplomatie, l’ultimatum est la dernière exigence avant les concessions. Kinshasa l’a sans doute mieux compris que Paris dans le burlesque épisode sur la participation au sommet de la francophonie du président français François Hollande qui se tiendra dans la capitale congolaise du 12 au 14 octobre 2012.
Hollande le candidat
Avant d’être élu, François Hollande répondant à une question d’un journaliste lors d’une conférence de presse à l’Union internationale de chemin de fer le 25 avril 2012 sur sa participation au sommet de la francophonie avait déclaré: « Je n’accepterais pas des élections qui auront été frauduleuses». « Une rupture est nécessaire par rapport à des usages qui n’ont rien d’acceptables ni de légaux» , ajoute-il. « Je veillerai que les relations entre la France et l’Afrique » reposent sur un principe de « solidarité », économique et du point de vue de la langue.
« Sur les régimes eux-mêmes, les règles doivent être celles de la démocratie » ajoutant quelques jours plus tard qu’il ne se rendrait jamais dans un pays où les principes démocratiques et le respect des droits de l’homme étaient bafoués. Pendant que les citoyens lambda avaient cru en une véritable amorce d’une nouvelle politique étrangère de la France à l’égard des pays africains, les observateurs avertis n’avaient vu en ces déclarations qu’une vague promesse d’un candidat à une élection présidentielle.
Hollande le président
Une fois élu il lui a fallu confronter ses idéaux à la real politik et c’est là où le président normal s’est quelque peu dédit en retournant casaque et ce de la plus curieuse des manières.
Il y a eu d’abord les garanties réclamées par Paris concernant le respect des droits de l’Homme notamment une justice impartiale lors du procès de Chebeya (activiste des droits de l’homme assassiné à Kinshasa en juin 2010) assortie d’une autorisation de séjour au réalisateur belge Thierry Michel afin qu’il y diffuse son film sur ce procès. Il y a eu ensuite la recommandation sur la reforme de la CENI (Commission électorale nationale indépendante) afin de garantir une réelle transparence dans la tenue des futures élections.
Dans un communiqué publié quelques jours avant la visite de la ministre française déléguée à la francophonie Yamina Benguigui à Kinshasa, François Hollande et Abdou Diouf, secrétaire général de l’OIF, avaient indiqué que « les autorités de la République démocratique du Congo devraient démontrer leur réelle volonté de promouvoir la démocratie et l’État de droit ».
Toutes ces revendications avaient pour but d’infléchir Kinshasa afin de le conformer tant bien que mal aux valeurs et principes intrinsèques de l’Organisation Internationale de la Francophonie.
Diplomatie agissante de Kinshasa
C’était sans compter sur le doigté cyclique des dirigeants congolais qui ont développé l’étrange particularité de n’avoir une diplomatie efficace que vers un certain nombre des pays et manifester la plus avilissante des mollesses face à d’autres, nul besoin d’illustrer lesquels.
Ainsi, après avoir merveilleusement bluffé en menaçant de quitter l’organisation et d’annuler le sommet, le chantage congolais avait fini par avoir raison du président normal qui finalement déclara le 27 août « Je me rendrai dans quelques semaines au sommet de la Francophonie à Kinshasa. J’y réaffirmerai que la Francophonie n’est pas simplement une langue en partage mais aussi une communauté de principes et d’idéaux dont le rappel à chaque occasion est nécessaire, et notamment en RDC mais pas seulement là ».
En acceptant ainsi de se rendre à Kinshasa François Hollande espérait un retour de manivelle afin de sauver la face. Que nenni, mise à part une reforme de la CENI qui s’annonce probablement houleuse, aucune des garanties formulées par le pouvoir français n’a trouvé preneur; le procès Chebeya a été repoussé à l’après francophonie, nous apprenons que le réalisateur Belge Thierry Michel s’est une fois de plus vu refusé l’accès au territoire congolais, et pire les ONG locales et l’opposition congolaise soupçonnent le gouvernement d’être à l’origine de l’enlèvement du député de l’opposition Mr Eugène Diomi Ndongala.
Surenchère de Kinshasa
Le régime de Kinshasa ne s’est pas contenté de si peu, ils en ont profité pour exiger de Paris un soutien au Conseil de sécurité afin d’obtenir des sanctions contre le Rwanda. Ce à quoi Hollande a répondu favorablement en allant même jusqu’à condamner devant l’assemblée générale des Nations Unies les « ingérences étrangères » sur le sol congolais pendant que Kinshasa lui-même s’abstenait de fustiger directement le Rwanda.
Hollande se rendant compte de la supercherie a essayé de sauver la face en modifiant dans une certaine mesure le programme de son 1er sejour en Afrique. Ainsi le premier pays africain qu’il visitera ne sera plus la RDC mais le Sénégal, les analystes affirment que ce choix est dû à l’exemplarité de ce pays en matière démocratique. Il souhaite notamment lors de ce sejour prononcer un discours devant l’Assemblée nationale sénégalaise avant de s’entretenir avec son homologue sénégalais Macky Sall.
C’est seulement dans la nuit que l’avion présidentiel décollera pour Kinshasa. Le lendemain, au petit matin, François Hollande veut, en une heure et demie, rencontrer Joseph Kabila à la présidence puis se rendre à la résidence de l’Ambassadeur de France pour discuter avec les ONG et les opposants politiques, ensuite s’entretenir avec les rédisents français de la RDC pour enfin reprendre l’avion le même jour, service minimum oblige.
Tout ce réaménagement de programme de François Hollande n’a eu que très peu d’impact dans le chef des autorités congolaises car le plus important était déjà acquis. Se faire un si gros poisson n’est pas donné à tous.
Questionnement logique
Comment se fait-il que les autorités congolaises qui n’ont aucune difficulté à manifester leur virtuosité diplomatique à l’égard d’un grand pays comme la France semblent avoir tout le mal du monde à affronter diplomatiquement Paul Kagame?
Charis Basoko