Et le septième président de la Ve République est… François Hollande !Exit donc Nicolas Sarkozy ! Game over.« Ce peuple royaliste coupe volontiers les têtes de ses rois », avait en effet vu juste celui qui ne s’imaginait peut-être pas être la prochaine victime de la pulsion régicide du peuple français.
Et vlan ! Le couperet est tombé. Comme le prophétisaient les augures et autres pythies des temps modernes que sont les instituts de sondage. Certes le tsunami électorale n’eut pas lieu sur l’UMP. Le candidat socialiste ne remportant la victoire que sur un score serré : 51,80%, contre 48,20% à son adversaire (résultat provisoire). N’empêche, le premier vainqueur de ce scrutin sont les sondages qui ont, depuis plus d’une année, prédit la défaite du président sortant.
Mais franchement, avait-on besoin d’être un grand clerc pour savoir que l’étoile de l’ancien maire de Neuilly était depuis longtemps pâlissante et son « hyperprésidence » crépusculaire ? Que nenni !
Pendant longtemps, on se perdra en conjectures sur les raisons du triomphe de l’ « homme mou » de Solferino sur le bouillant « nabot » de l’Elysée. Mais on ne manquera pas de se rendre à l’évidence : le principal artisan de cette victoire de l’enfant de Corrèze, c’est… Sarkozy lui-même.
Comme nous le soutenions dans un de nos précédents éditos, le président sortant a réussi avec un exploit sans égal à faire l’unanimité contre sa personne. Et ce, dès le soir de son élection en 2007 en célébrant ostentatoirement son couronnement au Fouquet’s en compagnie des princes du CAC 40. Un péché originel auquel viendront s’agglutiner, tout au long du quinquennat, nombre de comportements aussi avilissants que dégradants.
Son style « bling-bling » à la limite de l’esbroufe, son rapport à l’argent, « l’argent qui corrompt, l’argent qui achète, l’argent qui écrase, l’argent qui tue », l’étalage de sa vie privée sur la scène publique, ses connivences avec le milieu d’affaires, ses mufleries comme ce fameux « casse-toi pov’ con » lancé à un de ses détracteurs au Salon de l’Agriculture de Paris, ses incessantes transgressions des convenances républicaines furent autant de prises de liberté vis-à-vis des obligations qu’imposent la plus haute charge de l’Etat. Plus que le programme, c’est la personnalité du chantre de la « droite décomplexée » qui a été sanctionnée par la majorité des Français. Pour n’avoir pas pu ou voulu habiter la fonction suprême, Nicolas Sarkozy se trouve aujourd’hui congédié du palais Elyséen.
Tapis rouge à François Hollande, le grand vainqueur du scrutin. Qui l’eût cru il y a une année de cela ? Pas grand monde. « Trop mou », pour les uns, « trop conciliant » pour les autres, « Flamby », comme le nommaient ses détracteurs du PS, accède ainsi à l’imperium sans y véritablement être préparé.
Malgré trois décennies de vie politique, nonobstant les deux septennats de son mentor, François Mitterrand, au cours desquels il fut un moment obscur conseiller à l’Elysée, l’ancien premier secrétaire général du PS n’a véritablement pas occupé de fonction officielle. Le voilà donc qui passe du Palais Bourbon à celui de l’Elysée. Presque du tabouret au trône. « Quelle histoire ! », serait-on tenté de s’exclamer comme le fit l’enfant de Jarnac au soir de son élection en mai 1981.
Après dix-sept ans d’opposition, les héritiers de Jean Jaurès renouent pour la deuxième fois dans l’histoire politique de la Ve République avec le pouvoir. Dans un contexte socio-économique marqué par la crise économique, la crise de la dette, l’effondrement continue du pouvoir d’achat des Français, l’explosion du chômage et la recrudescence de l’insécurité. Autant de chantiers titanesques sur lesquels le nouvel impétrant est attendu et sera jugé. Saura-t-il répondre aux nombreuses attentes de ses concitoyens, lui dont le slogan de campagne a été : « Le changement maintenant » ?
Et parlant de changement, que peut bien attendre l’Afrique de cette victoire socialiste ?
On le sait, le continent noir a aussi vibré au rythme de cette élection.
De Ouagadougou à Dakar, d’Abidjan à N’Djamena, de Libreville à Tripoli, on a suivi le face-à-face Hollande-Sarkozy comme une finale de la Champion’s League. Mais force est de constater qu’aucun des deux candidats ne s’est véritablement soucié du « Gondwana » dont une partie de la destinée se joue, hélas, toujours dans l’Hexagone.
Certes, le président Nicolas Sarkozy ne suscitait guère grand enthousiasme dans le continent noir. Son mémorable discours de Dakar et sa politique de l’immigration sont passés par là. Mais nous Africains, nous serions naïfs de croire qu’avec les socialistes au pouvoir, les liens avec Paris seront autrement meilleurs. Nous risquons d’être grandement déçus comme l’ont été tous ceux qui ont cru qu’avec Obama à la Maison-Blanche, le Trésor public américain serait ouvert à l’Afrique et le Noir exempté de visa d’entrée aux USA.
Souvenons-nous du début du premier septennat de Mitterrand. Dès les premières heures de son mandat, celui-ci a donné un signal fort de rupture avec la Françafrique en nommant un tiers-mondiste grand teint, Jean-Pierre Cot, à la tête de la Coopération. Mais très vite, la realpolitik s’est imposée à l’homme de la Baule qui n’a pas hésité à sacrifier son ministre sur l’autel des intérêts des réseaux officieux. Soit dit en passant, comme le fera plus tard Nicolas Sarkozy avec Jean-Marie Bockel sur un simple coup de fil du président gabonais, Omar Bongo.
Par la suite, sous Mitterrand, l’on est revenu à « l’Afrique à papa » ou plutôt à « l’Afrique de papa m’a dit » en référence au rôle de Foccart bis qui fut celui de Mitterrand-fils, en l’occurrence Christophe.
Faut-il s’attendre à mieux avec François Hollande ? Certes ce dernier se propose de créer une « Francophonie économique » qui trancherait avec les pratiques officieuses et obscures de la Françafrique. Certes l’homme du « Changement maintenant » a affirmé que les relations entre la France et l’Afrique ne reposeraient plus sur des usages inacceptables, comme le soutien aux dictatures africaines et le silence coupable face aux violations des droits humains dans le pré-carré. Mais le président pourra-t-il tenir les promesses du candidat ? Rien n’incite à l’optimisme. Surtout que, contrairement à ses prédécesseurs, Hollande n’a pratiquement pas d’attache ni avec l’Afrique ni avec les Africains.
Sous l’ère Chirac « l’Africain », la France fut l’un des rares pays de l’OCDE à s’approcher de l’objectif du Sommet de Cancun : consacrer 0,7% du PIB à l’aide publique au développement. Qu’en sera-t-il avec cet autre Corrézien de l’Elysée pour qui le continent noir reste jusque-là une terra incognita ?
L’Observateur Paalga