Sa libération n’a pas été confirmée par les autorités militaires mais la police s’est retirée des abords de sa villa de Rangoun où elle était assignée à résidence.
La lauréate du prix Nobel de la paix 1991 est sortie brièvement de sa maison pour saluer ses centaines de partisans qui s’étaient massés au fil des heures devant sa villa des bords du lac Inya.
« Il y a un temps pour se taire et un temps pour parler. Les gens doivent travailler à l’unisson. C’est seulement comme cela que nous réaliserons notre objectif », a déclaré l’opposante à la foule en liesse.
Aung San Suu Kyi est ensuite retournée à l’intérieur de sa villa pour une réunion avec de hauts responsables de son parti, la Ligue nationale pour la démocratie (LND).
L’opposante, qui a 65 ans, a passé 15 des 21 dernières années en détention – à son domicile ou en prison.
Elle avait été condamnée pour la dernière fois en août 2009 à 18 mois d’assignation à résidence, qui ont pris fin ce samedi.
Six jours après les premières élections législatives dans le pays depuis vingt ans, les généraux au pouvoir depuis 1962 tentent peut-être ainsi de chercher une légitimité internationale en libérant la fille du héros de l’indépendance de l’ancienne colonie britannique.
OBAMA SALUE UNE « HEROÏNE »
Le président américain Barack Obama a été l’un des premiers à se féliciter de cette libération. « C’est une héroïne à mes yeux et une source d’inspiration pour tous ceux qui oeuvrent à faire progresser les droits de l’homme en Birmanie et dans le monde. Les Etats-Unis saluent cette libération longtemps attendue », a-t-il dit dans un communiqué.
Une telle décision constituerait un premier pas pour obtenir une révision des sanctions occidentales qui frappent ce régime considéré par les organisations de défense des droits de l’homme comme l’un des plus corrompus et répressifs au monde.
Elle pourrait aussi détourner l’attention de l’Europe, les Etats-Unis ou le Japon de ces élections qualifiées de « simulacre » par la communauté internationale et largement remportées par un parti créé de toutes pièces par les militaires.
« Le régime a besoin de se donner un peu d’air urgemment », a estimé un professeur d’université birman à la retraite, s’exprimant sous le sceau de l’anonymat. « Il pourrait le faire en la libérant et penser que cela contribuera à améliorer son image ternie par la fraude électorale. »
La libération d’Aung San Suu Kyi comporte des risques pour la junte qui s’apprête à installer un nouveau gouvernement.
La militante, qui a soutenu les initiatives visant à isoler le régime, passe toujours pour une voix extrêmement influente auprès du peuple birman, comme elle l’était en 1990 lorsqu’elle avait conduit la LND à une victoire massive aux élections législatives, annulées par la junte.
Certains jugent Aung San Suu Kyi capable de mobiliser les foules et de priver le futur gouvernement de légitimité, voire de réclamer pour cause de fraudes l’annulation des élections que son parti a boycottées, ce qui a valu à la LND d’être dissoute par les autorités.
L’opposante devait déjà être relâchée au printemps 2009 quand elle avait été de nouveau privée de liberté après la visite incongrue d’un Américain, John Yettaw, à son domicile.
Suu Kyi avait alors été condamnée de nouveau à 18 mois d’assignation à résidence pour violation d’une loi des années 1970 protégeant l’Etat birman « d’éléments subversifs », un jugement destiné selon l’opposition à l’écarter du processus électoral.
Grégory Blachier et Jean-Stéphane Brosse