Personne ne croit vraiment à cette victoire à 60,88%. Il semble même que le pourcentage qui devait être communiqué était de 80% et que c’est pour cette raison que ce canal a été mis en panne. Aucun pays ne peut aujourd’hui, même en Afrique, annoncer sans honte un tel score électoral. Il n’y a qu’au Togo que le pouvoir ne l’a pas encore compris. Heureusement le peuple reste vigilant et ne veut plus se laisser conter des histoires à dormir debout.
Un peu plus d’un mois après la proclamation des résultats donnant Faure Gnassingbé, vainqueur à l’issue de la présidentielle de mars 2010, le président de l’Alliance, membre du FRAC, Dahuku Péré n’en démord pas. Originaire de la même ethnie que le président de la République, l’ancien baron de l’ex parti unique et ancien président de l’Assemblée nationale, analyse ici la situation politique nationale. Il répond ce lundi aux questions de la rédaction de Koaci.com à Lomé.
Koaci.com : Quel bilan faites-vous de la mobilisation populaire près d’un mois après la proclamation des résultats définitifs de la Cour Constitutionnelle, donnant Faure Gnassingbé vainqueur avec 60,88%?
Dahuku Péré : Après la proclamation des résultats définitifs de l’élection présidentielle du 04 mars 2010, le peuple togolais est en train de se mobiliser depuis près d’un mois, sans désemparer, pour protester contre ces résultats. A Lomé, comme dans les villes de l’intérieur du pays, cette mobilisation inquiète les pouvoirs publics qui font recours aux grenades lacrymogènes et aux gourdins pour l’empêcher, piétinant ainsi, sans raison un droit constitutionnel reconnu au peuple togolais. Le bilan que j’en fais est très largement positif. Qu’elle ait été tolérée ou empêchée, cette mobilisation a montré à loisir que les populations dans leur immense majorité ne croient pas à leurs institutions.
Personne ne croit vraiment à cette victoire à 60,88%. Il semble même que le pourcentage qui devait être communiqué était de 80% et que c’est pour cette raison que ce canal a été mis en panne. Aucun pays ne peut aujourd’hui, même en Afrique, annoncer sans honte un tel score électoral. Il n’y a qu’au Togo que le pouvoir ne l’a pas encore compris. Heureusement le peuple reste vigilant et ne veut plus se laisser conter des histoires à dormir debout.
Koaci.com: A un moment où votre compatriote Me Abi Tchessa, dénonçait un complot visant à l’assassiner, vous déclarez être prêt à verser s’il le faut votre sang pour libérer le Togo. Il y a-t-il une menace réelle d’assassinat qui pèse sur certains des leaders du Frac ?
Dahuku Péré : J’aurais bien aimé, pour certaines raisons, vous demander en quoi Me ABI est plus mon compatriote que le vôtre, mais je préfère accueillir votre question telle que vous la posez ; car je considère que vous pouvez être intéressé à mieux connaître cette ethnie de votre pays dont les ressortissants se menacent facilement de mort et n’hésitent pas à parler de « verser leur sang ».
Me ABI a effectivement dénoncé l’existence d’un complot visant à l’assassiner. Il a affirmé en connaître les auteurs et les responsables. Cette situation me surprend moi même parce que nous sommes ici dans le contexte politique où chacun devrait pouvoir exposer ses opinions et défendre intellectuellement ses positions sans craindre de se faire agresser physiquement. Or, voilà que des cas de menace et d’agression effectifs se produisent et, même entre des frères d’un même groupe social.
A mon avis, une telle escalade, en politique, ne peut survenir que si les relations sociales subissent une instrumentalisation susceptible d’amener les individus à poser les questions politiques en termes de vie ou de mort. De sorte qu’on pourrait trouver si menaçantes les positions de l’autre que pour empêcher cette menace, on prendrait des dispositions pour supprimer la personne identifiée comme la source de la menace. Mais il faut vraiment que la politique soit complètement dévoyée pour que l’on puisse en arriver là.
Peut-être en sommes-nous déjà arrivés là dans notre pays ? Il s’avère alors nécessaire de faire face énergiquement à ce problème et de le régler.
En ce qui concerne ma déclaration, je voudrais d’abord souligner que des hommes plus illustres l’ont faite par le passé, notamment le président Léopold Senghor lors de la lutte pour l’indépendance de son pays. Je ne suis donc pas le premier et ne serais pas le dernier à la faire. Du reste elle ne signifie assurément pas que nous, les responsables du FRAC, sommes prêts à aller au martyre ou à provoquer le martyre pour les objectifs du FRAC. Elle traduit, avant tout, le sentiment d’une forte union au sein du FRAC, d’un degré de cohésion jamais atteint par les coalitions antérieures, une sorte d’union sacrée qui, seule, peut permettre à l’opposition de rester soudée face au pouvoir. Avec l’aide de Dieu et de la population, nous sommes en passe de réaliser une telle union, pour la vie, pour le bien de l’ensemble du peuple togolais. C’est à cela que répond la ferveur populaire actuelle.
Quant à ceux qui perçoivent mal ma déclaration, vous pouvez les assurer qu’elle ne leur est pas destinée. Il ne s’agit ni de leur sang, ni du sang d’autrui en général, mais de notre sang à nous responsables du FRAC. De toutes façons, ceux qui savent verser le sang des autres ne sont pas de notre côté.
Koaci.com : Vous avez appelé récemment à une 42ème ethnie, à la création d’une nation. Certains de vos anciens collègues du RPT affirment que la contestation actuelle a des relents ethniques et qu’ils ne comprennent pas ce que vous cherchez « dans la galère du Frac ».
Dahuku Péré: Il est vrai que depuis quelque temps, L’ALLIANCE en appelle à la création de la 42ème ethnie au Togo : la Nation Togolaise. Je laisse de côté les considérations normatives déjà élaborées à ce sujet.
Permettez-moi d’évoquer, ici, le fameux chanteur Malien du nom de Alpha Couly. Dans une de ses chansons, il invite les hommes politiques à « sortir son nom » et ceux des honnêtes citoyens de leur business. Si je savais chanter, je l’aurais interprété en remplaçant le terme « nom » par celui d’ « ethnie ». Au stade actuel de l’évolution de nos peuples africains, il faut vraiment éviter d’appuyer les partis politiques ou la République sur les ethnies. Il ne pourrait en résulter que de la cacophonie pour le sentiment d’unité nationale. D’ailleurs, dans le projet de société de L’ALLIANCE, nous avons affirmé que tout propos ou acte incitant à la haine tribale doit être considéré comme un crime contre la Nation et puni comme tel devant la loi.
Les medias de notre pays devraient être suffisamment attentifs à tous les aspects des problèmes politiques de notre pays pour dénoncer de façon systématique toute tentation de repli sur l’ethnie.
Je vous laisse le soin de revisiter les principaux débats menés dans notre pays, depuis les troubles sociopolitiques, pour déterminer si la contestation actuelle a vraiment plus de relents ethniques que les confrontations antérieures. Ma conviction est qu’aucun discours politique ne devrait en avoir. Notamment, aucun Togolais ne devrait poser ou se poser la question, de savoir ce qu’un autre Togolais de telle ou telle ethnie ou zone géographique cherche derrière un candidat ou dans un parti politique dirigé par un homme ou une femme politique de telle ou telle origine géographique. A l’heure de la réconciliation nationale nous ferions ainsi, malheureusement, un dangereux pas en arrière.
Vous pouvez, par ailleurs, dire à ceux-là que vous appelez mes anciens collègues du RPT que, ce que je cherche « dans la galère du FRAC », c’est d’aller à la rencontre du vrai peuple togolais qu’ils ont cessé de gouverner depuis des décennies et qu’ils ont envoyé « galérer ».
Enfin mon problème, en politique togolaise, est de savoir s’il est permis ou non aux populations du Togo de choisir qui, elles veulent pour les diriger et d’apprendre ainsi à se prendre en charge.
Koaci.com: Le problème d’alternance se pose-t-il actuellement en termes ethniques ?
Je ne saurais le dire. La vraie question que je me pose est de savoir si les conditions politiques sont réunies aujourd’hui au Togo pour que tout Togolais, de toute ethnie, puisse aspirer à la magistrature suprême au Togo. Je me bats pour que cela soit possible.
Koaci.com: Quel est, d’un point de vue minimal, l’objectif politique que vise le FRAC en organisant la résistance ?
Dahuku Péré : Connaissez – vous déjà cet objectif d’un point de vue maximale? Si oui, en m’aidant à le connaître, vous m’aiderez à trouver celui que vous cherchez. De mon point de vue, l’objectif politique de la résistance actuelle est unique : la vérité sur l’élection présidentielle du 04 mars 2010.
Koaci.com : Des semaines après l’élection présidentielle, les langues se délient disiez-vous récemment. Qu’en savez-vous désormais des fraudes telles qu’elles ont été perpétrées ?
Dahuku Péré: J’ai de bonnes raisons de penser que les observateurs de l’Union Européenne ont réalisé, cette fois-ci, un bon travail, si j’en juge par leur « déclaration préliminaire ». Attendons, pour plus d’objectivité, de connaître leur rapport définitif, en supposant que les Administratifs de l’Union Européenne ne vont pas le tripatouiller.
Koaci.com: Le FRAC est-il à l’abri des maux qui ont par le passé annihilé l’action des coalitions de l’opposition ?
Dahuku Péré: Je ne suis pas sûr de bien connaître ce passé. Mais il est certain que le FRAC n’est ni le COD I, ni le COD II. Tous, ne sont nés dans les mêmes conditions, ni n’agissent dans le même contexte. Du reste les responsables du FRAC ne sont fermés à aucune suggestion. Ils savent aussi qu’ils n’ont aucun droit à l’erreur et, encore moins, de céder à toute tentative de fragilisation du FRAC.
Koaci.com: Le FRAC pourra-t-il se muer en une formation politique pour mieux aborder les échéances à venir ?
Dahuku Péré: C’est là une bonne question, sans doute. Mais, pour le moment le FRAC n’est pas encore malade d’être une coalition de partis politiques. Comme tel, il peut faire face à toutes les échéances électorales à venir. Pour le moment, l’objectif qu’il poursuit en tant que coalition est la reconnaissance de la vérité sur l’élection présidentielle du 04 mars 2010.
Interview Koaci.com