Premier ministre du Togo depuis septembre 2008, Gilbert Houngbo, ancien directeur Afrique du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud), dément les accusations de fraude électorale portées par l’opposition et l’ancien ministre de l’Intérieur, François Boko, à l’encontre de son gouvernement.
Les assesseurs des bureaux de vote ont-ils pu être achetés? «C’est facile à dire depuis Paris, sans la moindre preuve, que les pratiques du passé continuent, répond-il. Le risque de corruption n’est pas nul, ce serait intellectuellement malhonnête de le dire, mais chacun des 5.938 bureaux de vote comptait au moins deux représentants de l’opposition».
Le système de transmission des résultats par satellite, qui devait permettre une connexion Internet entre les préfectures et la capitale, n’a pas bien fonctionné, affirme le Premier ministre. La connexion Internet était très lente, elle «gelait» et menaçait de retarder l’annonce des résultats. Voilà pourquoi, explique-t-il, la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) a choisi de se fier aux deux autres modes de transmission prévus, le fax et les SMS.
Irrité par cette version des faits, Yoro Thiam, l’expert du Pnud en charge du système Vsat (Equipement de télécommunication par satellite), a démenti tout dysfonctionnement, le 17 mars, sur les ondes de RFI.
Le pouvoir, toujours selon le Premier ministre, n’aurait pas voulu éliminer des preuves de fraude en faisant saisir par la police, le 9 mars à Lomé, les copies des procès-verbaux (PV) des résultats que l’opposition avait centralisées, pour les recompter. «Parmi les documents saisis, il y avait aussi des piles de PV vierges, qui auraient pu servir à une falsification des résultats». D’accusatrice, l’opposition devient ainsi l’accusée d’une tentative de fraude…
Avant les élections du 4 mars, les forces de l’ordre ont été sérieusement renforcées. De 1.200 policiers et soldats armés, en 2005, elles sont passées à 6.000 hommes uniquement munis de bâtons et de gaz lacrymogènes cette année. Le Premier ministre se félicite du bilan sécuritaire des élections: «Pas un seul blessé, seulement des gazs lacrymogènes pour disperser la manifestation des opposants le 6 mars».
En 2005, les violences après le scrutin, contesté, avaient fait 500 morts. Guère étonnant, dans ces conditions, que le taux de participation à la dernière présidentielle n’ait pas dépassé 64% au niveau national et 57% à Lomé, la capitale (contre 75% à Kara, le fief du pouvoir). Beaucoup de Togolais, redoutant une nouvelle crise, ont voté avec leurs pieds, se réfugiant pour quelques jours à Cotonou, au Bénin.
Le Premier ministre, un technocrate dont le bilan a déçu certains à Lomé, affirme ne plus avoir de «craintes au niveau de l’armée». Pas de coup d’Etat «démocratique» en vue, donc, au Togo, mais des élections contestées. Le scrutin devrait permettre une «transition nécessaire», selon Gilbert Houngbo, «après 40 années de pouvoir exercées par un seul homme», le père du président réélu.
Par Sabine Cessou