La classe politique togolaise retourne rencontrer son facilitateur Blaise Compaoré à Ouagadougou. Il y a de quoi. La polémique qui enfle au sujet du mode de scrutin présidentiel oppose le RPT à la coalition des partis d’opposition, ces derniers ne percevant pas d’un bon œil l’option faite par le parti au pouvoir de la solution du scrutin à un seul tour pour la présidentielle prochaine.
La date fatidique du 28 février prévue pour le scrutin étant à portée de main, et cette question essentielle du mode du scrutin n’ayant pas encore trouvé solution, on peut sans doute avoir quelques inquiétudes quant à la façon dont les choses risquent de se passer. Fort heureusement, les Togolais l’auront sans doute compris. Et leur nouvelle décision d’en recourir au facilitateur mérite ici d’être saluée à sa juste valeur. Car elle est bien la preuve qu’aux yeux de tous les protagonistes de cette crise, prévaut toujours la solution par le dialogue. C’est plus que positif. Mais une chose est d’accepter le dialogue, une autre est d’y faire des concessions.
Et là, c’est une autre paire de manches. Faure Gnassingbé devrait le comprendre. Ni lui, ni le RPT ne peuvent raisonnablement s’arc-bouter sur la solution du scrutin à un seul tour. Ne serait-ce que pour la beauté de la procédure. Dans un pays où le nombre de partis politiques avoisine 80, s’accrocher à l’idée de faire élire le chef de l’Etat au seul et premier tour a quelque chose d’inélégant et est tout simplement indécent.
Et puis, faut-il le rappeler, la Constitution adoptée par référendum par le peuple togolais, le 27 septembre 1992 prévoyait une élection du président de la République par le mode du scrutin uninominal majoritaire à deux tours. La modification intervenue à la veille de la présidentielle de 2003, et qui prévoyait le tour unique avait déjà essuyé de nombreuses critiques à l’époque : on y avait vu une manœuvre fourbie par le RPT pour remporter à tout prix les élections.
Pourquoi ramener la même mesure qui divise ? Y tenir coûte que coute, peut donner à penser que le RPT, s’il est assuré de remporter le scrutin à tour unique, est convaincu qu’il ne peut que tout perdre s’il consent le second tour. Et puis, il faut le reconnaître, le mode de ce tour unique va à contre-courant de ce qui se passe presque partout en ce moment. L’air du temps est aux deux tours presque unanimement reconnus. Cela fait plus vrai, plus réaliste et en tout cas, plus consensuel. Et dans tous les cas, cela approche un peu plus de la réalité.
Car, même en Afrique, on se doit d’aller de l’avant. Le Togo ne devrait pas faire exception à la règle. Faure Gnassingbé moins que tout autre. Lui qui a gravi les marches du Palais présidentiel, de la manière que l’on sait, devrait éviter de donner la fâcheuse impression qu’il use de tous bois pour conserver ce pouvoir que ses contempteurs tiennent pour un legs de Feu son père. Faure a obligation de faire des efforts. Il doit lâcher du lest. Ne serait-ce que pour aider à sauver la situation. Et ce d’autant que de par le passé et à l’intérieur de cette même crise togolaise, il aura su administrer la preuve qu’il savait dépasser certaines cristallisations. La difficulté qui se pose à l’heure actuelle n’a pas la grosseur d’une montagne. Consentir à la résoudre avec réalisme et humanité ne peut que grandir l’actuel tenant du pouvoir. Et en tout état de cause, cela éviterait un inutile durcissement de l’opposition, alors que la présidentielle est prévue pour se dérouler dans juste, quelques semaines. Et une fois de plus, on espère que le facilitateur Compaoré saura trouver les mots qu’il faut pour faire comprendre à Faure qu’il lui serait sage de consentir de nouveaux efforts.
Jean Claude KONGO