Suite à l’élection du président de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) en la personne de Henri Kolani, l’Union des Forces de Changement (UFC) et le Comité d’Action pour le Renouveau (CAR) ont décidé de boycotter les travaux de cette instance. Non contente d’user de la politique de la chaise vide, l’Union des Forces de Changement est descendue dans les rues le samedi dernier pour manifester sa désapprobation par rapport à ce qui se passe à la CENI et en ce qui concerne le non respect des décisions de l’Accord Politique Global (APG) par le pouvoir. A cinq mois de la présidentielle, le temps presse et la machine électorale doit être mise en branle dans les plus brefs délais.
Acteurs politiques, société civile et opinion nationale, tout le monde est conscient du retard accusé dans les préparatifs de la présidentielle de l’année prochaine. Même si nous reconnaissons qu’une bonne élection se prépare dans la sérénité et le dialogue, il n’en demeure pas moins que les acteurs politiques doivent s’accorder sur l’essentiel pour permettre à l’institution en charge de l’organisation de ce scrutin de marquer des pas. Comme à l’accoutumée, les éternels maux que sont la suspicion, l’intolérance et le mépris de l’autre sont encore au rendez-vous à la veille d’une échéance capitale, la présidentielle de 2010. A peine la CENI a-t-elle été installée que des difficultés ont surgi dans son fonctionnement notamment, à propos de l’élection de son président. Pour l’UFC et le CAR, l’élection de Kolani à la présidence de la CENI est un acte insupportable car, pour une fois au moins, ces deux formations réclament que la présidence de cette institution leur revienne.
C’est dans ce cadre que l’UFC a organisé une marche le samedi. Le parti de Gilchrist Olympio a pu manifester sa désapprobation comme il l’entendait. Mais, d’aucuns pensent que cette manière de faire la politique n’arrange en rien les choses. Pour ce courant de pensée, le débat à ce propos devrait se situer à la CENI ou tout du moins à l’Assemblée nationale. « Pourquoi certains veulent toujours abuser l’opinion dans ce pays ? Pour une présidence de la CENI, les gens regardent encore vers le facilitateur ou font feu de tout bois pour imposer leur désir. Où allons-nous avec tout ça ? », s’est interrogé un cadre proche du parti au pouvoir. Dans cette affaire de marche de protestation, le CAR semble avoir encore payé un lourd tribut. A en croire le premier vice-président du parti des déshérités Tchakondo Ouro-Bossi qui a fait une sortie sur la radio Kanal FM, au cours d’une rencontre avec l’UFC en prélude à la marche du samedi dernier, les responsables du parti de Gilchrist Olympio, n’ont fait de cadeau au CAR. D’après lui, l’UFC les a traités de tous les noms d’oiseau. En effet, des responsables du parti de Me Agboyibo ont affirmé avoir été contactés par le facilitateur, le président burkinabé Blaise Compaoré. Depuis New York où il séjourne dans le cadre de l’Assemblée générale de l’Onu, ce dernier leur aurait recommandé de surseoir à la manifestation de samedi au profit d’une rencontre à Ouagadougou, après son retour. Le CAR a jugé cette proposition acceptable et s’est alors désolidarisé de l’UFC.
D’où la colère de Gilchrist Olympio. Cette bourde de plus rappelle à l’opinion, les lendemains de la nomination de Me Yawovi Madji Agboyibo au poste de Premier ministre. A l’époque, le leader de l’UFC était monté au créneau pour traiter le CAR de parti satellite du RPT. Il a, par conséquent refusé de rentrer dans le gouvernement d’union nationale. La suite, tout le monde la connaît. Me Agboyibo a organisé des législatives d’octobre 2007. Mais, diabolisé auprès des populations, son parti n’a recueilli que 4 députés sur 81 à l’Assemblée nationale. En se déchirant pour peu à la veille d’une consultation tout aussi capitale que la présidentielle de 2010, l’UFC et le CAR balisent la voie au Rassemblement du Peuple Togolais (RPT), leur adversaire politique commun qui n’en demande pas mieux. Selon plusieurs analystes, l’opposition togolaise peine toujours à trouver une bonne stratégie de conquête du pouvoir. A chaque fois, ce sont les mêmes insuffisances que traînent les leaders qui sont, pour la plupart gangrenés par des conflits de leadership. Ils s’attachent aux éternels stratégies de combat alors qu’au même moment, le parti au pouvoir se métamorphose comme il peut. Au moment où ils refusent délibérément de se donner les moyens de leur lutte et se versent trop vite dans la surenchère, le camp d’en face avance allègrement vers l’objectif.
En politique, il faut savoir ce qu’on veut, se donner les moyens pour cette fin et enfin se doter de bonnes stratégies. Après plus de 18 années de combat pour arracher le pouvoir, l’opposition togolaise n’a pas encore compris qu’aucune lutte ne se gagne sans moyens et sans changement de stratégies. Il faut s’adapter aux tactiques de l’adversaire voire le surpasser pour espérer vaincre. L’UFC et le CAR doivent par conséquent, mettre de côté leurs ego pour tourner le regard vers le peuple qui n’a que trop souffert de cette situation malheureuse. Il est vrai que les enfants de presque tous les leaders politiques sont dans de grandes universités et écoles de la métropole. Mais, ils ne doivent pas oublier que nul n’est plus Togolais que d’autres. Cette terre est l’héritage commun de tout un peuple. Opposants, parti au pouvoir, société civile…, tous doivent conjuguer leurs efforts pour donner une raison d’être à la lutte pour l’alternance dont a soif la population.
Tchin T’Bâ Lynx.info