Présidentielle de 2010 : Le scrutin à deux tours, un suicide pour le RPT

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Mais si sous d’autres cieux, les échéances présidentielles sont une fête de la démocratie où la force de la loi prime sur la loi de la force, au Togo, cette période rime avec affrontements, déplacés, oppressions et morts. « Les Togolais se préparent déjà à l’exil », entend-on déjà ici et là. Le mode de scrutin à un tour est pointé du doigt dans cette situation par d’aucuns comme étant une des sources des violences qui émaillent les élections présidentielles au Togo. Ces derniers jugent inique et anti démocratique ce mode de scrutin, et estiment qu’il faut le remplacer par un scrutin à deux tours, plus expressif et représentatif de la volonté populaire. Le Togo doit –il se mettre, en prélude à 2010 à l’école du scrutin uninominal à deux tours comme envisagé par le législateur dans la Constitution de 1992 ?

Ils sont nombreux à s’insurger contre l’actuel mode de scrutin présidentiel au Togo. Ouvrant donc le bal des dénonciations, Kofi Yamgnane, candidat déclaré à l’échéance de 2010, pense qu’un scrutin à deux tours est nécessaire pour conférer une plus grande légitimité à celui à qui reviendra l’honneur de présider aux destinées des Togolais. Bref, il plaide pour une révision constitutionnelle aboutissant à l’adoption de ce mode de scrutin avant la date des élections. Quelles garanties offre un tel mode de scrutin pour qu’il soit autant exigé dans les réformes constitutionnelles ?

Le scrutin à deux tours, une option en 2010 ?
Parmi les systèmes de vote, le scrutin uninominal majoritaire à deux tours est un vote simple sans pondération. L’électeur doit choisir un candidat parmi plusieurs. On compte alors le nombre de voix obtenues par candidat. Si un candidat recueille la majorité absolue (plus de 50% des suffrages exprimés), il est élu. Sinon, on organise un second tour, par exemple 8 à 15 jours plus tard, pouvant comporter un nombre plus réduit de candidats, et à l’issue duquel est élu celui qui recueille le plus de voix (majorité relative) parmi les suffrages exprimés.

Ce système de vote est utilisé pour l’élection du président de la République dans de nombreux pays : la plupart des Etats de l’Amérique latine, de l’Afrique francophone, notamment au Bénin et au Ghana voisin. Même certains pays européens l’utilisent pour élire leur président. S’il est estimé « onéreux » comme l’avancent les autorités togolaises, le mode de scrutin à deux tours présente des atouts considérables.

Dans un contexte africain où tous les candidats parlent au nom du peuple, ce mode de scrutin se présente comme une occasion où la chance est donnée à tous de se positionner et de se mesurer, ceci afin de dégager sa popularité sur le plan national. Ensuite, ce système de vote permet des alliances des acteurs politiques, surtout dans des pays longtemps dominés par un régime de parti unique. Ce fut le cas au Sénégal avec le mouvement « Sopi », une sorte d’alliance des forces démocratiques sénégalaises derrière Abdoulaye Wade au deuxième tour de la présidentielle de 2000, qui a abouti à une victoire devant le parti socialiste d’Abdou Diouf. De l’avis d’un juriste local, le scrutin à deux tours permet aussi à la population « de voter utile, c’est-à dire d’élire un candidat de son choix ». Dans le cas du Togo, « ce mode de scrutin pourrait être envisagé en vue d’obtenir un président unanimement choisi par le peuple en 2010, un président légitime pouvant mener à terme les grandes réformes », poursuit notre interlocuteur. « Cela étant, il doit être élu par une grande majorité des Togolais pour consolider son pouvoir et non par une frange de la population, comme il a été souvent le cas lors des précédentes présidentielles », a-t-il ajouté.

Les risques pour le pouvoir d’opter un tel système de vote
De quoi a peur le parti de Faure Gnassingbé ? Avançant le résultat enregistré par le RPT aux dernières législatives, certains observateurs de la politique togolaise expliquent la crainte du parti au pouvoir vis-à-vis du mode de scrutin précité par son impopularité sur le plan national. Pour ces derniers, le Rassemblement du peuple togolais, après quatre décennies de règne sans partage, n’aurait plus rien à offrir et serait même vomi par les Togolais qui aspirent du nord au sud au changement.

Par ailleurs, instaurer une compétition électorale à deux tours pourrait être l’occasion de revigorer une opposition togolaise déjà fragilisée par les questions de « leadership ». Car, l’instauration d’un second tour en 2010 permettrait un report de voix pouvant amener à un consensus dans les rangs de cette opposition. « Un suicide aux yeux du RPT», renchérit le juriste cité plus haut.

Dans le contexte togolais, il sera aussi difficile pour le RPT en 2010, dans un mode de scrutin à deux tours, de « voler la victoire », au risque d’assister à une mobilisation forte de tous les partis de l’opposition. Une situation non souhaitée par le régime actuel, déchiré par des querelles intestines. Ces réalités peuvent donc expliquer la réticence de Faure Gnassingbé à faire opérer avant 2010 les réformes constitutionnelles, « gages» d’une alternance et surtout d’une présidentielle exempte de violences, même si l’élargissement du CPDC à des partis « amis », la modification unilatérale du code électoral présagent un 2010 mouvementé !

Joël KOUDJODJI

Golfe info

 

 

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