Dès 1945, lors du débat sur la ratification des accords de Bretton Woods, un homme politique français, Gaston Defferre déclarait devant l’Assemblée nationale constituante ceci : « L’on peut craindre que l’Etat le plus riche, les Etats-Unis d’Amérique, établisse par là une hégémonie financière dont nous savons qu’elle est aussi redoutable qu’une hégémonie militaire[1] ». La démocratie au sein du Conseil d’administration des institutions financières de Bretton Woods repose sur un mode non démocratique, remplacé par des désignations-élections de type censitaires car fondées sur le poids économique de chacun des Etats membres. La réalité est que certains pays comme les Etats-Unis et ceux du G7 ont ou imposent une influence prépondérante qui « stabilise » le faible poids et influence des pays du Sud global dont l’Afrique, les réduisant à la portion congrue.
1. CONTRÔLE EN DERNIER RESSORT DE LA SOUVERAINETÉ DES ETATS : FMI ET GBM ?
Le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque Mondiale, devenue le Groupe de la Banque mondiale – GBM) ont vu le jour en juillet 1944 lors d’une conférence internationale à Bretton Woods, dans le New Hampshire aux États-Unis. Il fut question d’imposer un cadre de coopération économique visant à légitimer la suprématie de l’économie des pays occidentaux sur le reste du monde, ce sous le couvert d’une stabilité des régime politiques qui s’alignent sur les grands contributeurs et décideurs dans les Conseils d’administrations respectifs. Ce principe a permis d’assurer une prospérité en priorité pour les pays occidentaux, grâce à l’instauration de formes multiples de contrôle et d’influence sur de la capacité d’industrialisation et de de création de richesses des Etats non occidentaux, et plus particulièrement des pays faiblement industrialisés[2].
Le FMI qui est censé assurer en dernier ressort le financement de budget des Etats déficitaires sur le court terme, et le fait, mais en imposant des conditionnalités draconiennes et intéressées, de la part de ceux qui sont majoritaires au Conseil d’Administration. Le GBM s’est spécialisé dans le financement du développement sur le long terme, non sans imposer des stratégies de développement qui annihilent toutes considérations de création de marge économique et de renforcement de la souveraineté des Etats africains.
Alors que la plupart des pays africains se trouvaient encore sous le joug de la colonisation en 1944, les deux institutions étaient déjà conçues comme des instruments stratégiques de contrôle de l’industrialisation et de la souveraineté des Etats à faible influence et non alignés sur les grands contributeurs au capital.
Après plus de 50 ans de gestion à distance de l’économie de l’Afrique à partir de Washington D. C. aux Etats-Unis, le Fonds monétaire international (FMI) et le Groupe de la Banque mondiale (GBM) ont tenus leurs Assemblées annuelles du 9 au 15 octobre 2023 sur le continent africain, à Marrakech, au Maroc. Face à la concurrence introduite par les pays du BRICS Plus, la « lente réforme[3] » du FMI et du Groupe de la Banque mondiale apparaît plus comme un besoin de « reconnexion » avec les réalités et les conséquences des financements et projets de ces institutions sur le Peuple africain. Quelque soient les thèmes comme le changement climatique, le financement, l’éradication de la pauvreté, les aides budgétaires d’urgence, rien ne pourra avancer si l’agenda choisi reste exclusivement fondé en premier lieu sur celui motivé par les intérêts des pays majoritaires au Conseil d’Administration de ces deux institutions.
Le contrôle en dernier ressort de la souveraineté des Etats par le FMI et le GBM ne peut être passé sous silence.
2. FMI et GBM : EN MISSION DE DÉSTABILISATION DE LA SOUVERAINETÉ AFRICAINE ?
Le problème est que le bilan du FMI et du GBM, en regard des échecs des programmes d’ajustement conjoncturels à répétition[4] se confond dans les institutions de Bretton Woods avec des « programmes d’ajustement structurels » à répétition qui marquent plus généralement ce qui n’a pas fonctionné avec les dirigeants africains et le Peuple africain. Ils ne restent invariablement discutés et évalués que du point de vue des actionnaires majoritaires au sein du Conseil d’administration de ces institutions. L’Afrique, qui ne dispose au sein du Conseil d’administration que d’une présence symbolique, est réduite à une portion insignifiante, presque inexistante.
Pourtant, elle constitue le fonds de commerce de ces deux institutions financières, qui utilisent la plupart des opérations bilatérales comme un levier d’intimidation et de contrainte des dirigeants africains. Ces institutions sont expertes dans le maniement de la sémantique. Ainsi, c’est souvent sous le couvert et l’habillage d’une « aide » à la croissance économique, d’un « appui » au retour de l’équilibre budgétaire, d’un « conseil » au développement, d’une « assistance » pour réduire la pauvreté, et/ou encore d’un « renforcement de la stabilité » des autocrates africains que s’opère l’ordonnancement des opérations, afin de ne pas aller à l’encontre des intérêts du G7 et de l’OTAN. Ces opérations sont prodiguées avec subtilité dès lors que les remboursements aux créanciers sont troqués – directement ou indirectement – contre des richesses africaines, propriété du Peuple africain.
Dès lors, la structuration asymétrique de l’actionnariat de ces deux institutions ne peut que donner des résultats selon lesquels la souveraineté des Peuples et des Etats africains « indépendants » passe :
- par pertes et profits, parfois grâce à la violence de la monnaie ; ou alors
- sous les fourches caudines du FMI et du GBM.
Paradoxalement, l’option de choisir entre le « marteau et l’enclume » n’arrive pas qu’avec le vent d’Est, mais contribue tout autant à déstabiliser l’Afrique quand il vient de l’Ouest. Alors, ces deux institutions, qui produisent d’excellents travaux dans la fourniture de statistiques, d’indicateurs et d’analyses économiques et financières et budgétaires,
- sont-elles formatées pour empêcher la souveraineté de l’Afrique ?
- sont-elles réformables ? Et surtout,
- qui susceptible de pouvoir les « réformer ».
La réponse à la première question est assurément OUI du point de vue du Peuple et des Etats africains. La réponse à la deuxième question est assurément OUI. Tout dépend donc de la troisième réponse.
S’il s’agit de ceux-là même qui sont majoritaires dans le Conseil d’administration, la réforme risque de n’être qu’une réformette, tout au plus un léger ajustement de forme sans portée véritable sur le fond. S’il s’agit de ceux qui subissent de plein fouet l’unilatéralisme du groupe majoritaire, principalement le G7 au sein du conseil d’administration, alors ils ont déjà répondu en créant les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du sud) à cinq (5), dont l’élargissement à onze (11) pour devenir les BRICS Plus au 1er janvier 2024 vient d’être acté.
Aussi, si la réforme du FMI et du GBM doit s’opérer selon les règles de l’injustice, de l’absence de démocratie, et de la non-inclusivité, alors assurément, ces deux institutions, malgré des travaux exemplaires, et quelques services rendus ici et là, sont en fait en mission de déstabilisation de la souveraineté africaine. Encore faut-il le percevoir et en prendre conscience pour se positionner. De nombreux dirigeants africains quémandeurs -dénués de réflexion et de vision en matière de développement dont la seule action en la matière consiste à tendre la sébile -, estiment qu’il faut continuer à « quémander » des prêts en spoliant la souveraineté de leurs peuples et de leurs Etats, plutôt que de réfléchir à prendre un virage stratégique déterminant et disruptif. Par exemple, en attendant l’avènement l’unité des Africains au sein d’un panafricanisme fondé sur la souveraineté, il est nécessaire, comme alternative transitoire, d’intégrer les BRICS Plus et la Nouvelle Banque de Développement dite « banque des BRICS Plus » pour mieux la structurer afin de répondre aux préoccupations de souveraineté économique du Peuple africain.
Aussi, toute réforme sérieuse, profonde des deux institutions financières de Bretton Woods et allant dans l’intérêt des Peuples africains ne peut faire l’économie du rapport de force, et d’un rééquilibrage au sein du Conseil d’administration du FMI et du GBM. En attendant la création d’un Fonds monétaire africain et d’une Banque centrale africaine, pourtant en gestation, mais retardée et une Banque de Développement de l’Afrique, – qu’il ne faut pas confondre avec l’actuelle Banque africaine de développement -, une transition pour les Etats qui aspirent à l’indépendance monétaire, financière, économique et budgétaire pourrait se traduire par des partenariats avec l’alliance des BRICS Plus.
3. UN ETAT FORT VAUT PLUSIEURS ETATS FAIBLES DANS LES CONSEILS D’ADMINISTRATION DU FMI ET DU GBM
Au Maroc, il s’agissait de constater que la gestion hors sol de l’Afrique depuis Washington D. C. de l’Afrique n’a pas toujours donné les résultats escomptés et qu’il fallait renouer avec l’Afrique. Pourtant, ces deux institutions de Bretton Woods sont censées organiser tous les trois ans au moins une de leurs réunions hors de leurs sièges de Washington D. C. Malgré cela, la marginalisation de l’Afrique comme lieu de tenue des assemblées annuelles depuis 1973 ne fait que refléter le mépris condescendant des actionnaires de ces institutions envers les dirigeants africains.
Alors, qu’il s’agisse d’un rétropédalage médiatique ou pas, le FMI et la Banque mondiale ont accepté une augmentation des quotas en fonction de la taille de l’économie d’un pays[5]. La décision des Etats membres du FMI d’augmenter leurs contributions pour accroître la capacité de prêt de cette institution et « d’accorder un troisième siège à l’Afrique au sein de son conseil d’administration » ont été annoncée lors de l’Assemblée annuelle de Marrakech. Bonne nouvelle ? Oui ! Mais en y regardant de plus près, cela ressemble plus à une annonce de façade.
Le Groupe de la Banque mondiale n’a rien annoncé de particulier, se retranchant derrière le fait qu’un troisième siège a été déjà accordé à l’Afrique dans son Conseil d’administration en 2014. Le Conseil des Administrateurs comprend le Président du Groupe de la Banque mondiale et 25 Administrateurs. Le Président assure la présidence des sessions mais ne prend pas part au vote, sauf en cas de partage égal des voix, auquel cas sa voix est prépondérante[6]. Tous les plus grands actionnaires-contributeurs, à savoir d’une part Occidentaux : États-Unis, Japon, Allemagne, France, Royaume-Uni, et d’autre part, les non-Occidentaux Chine, Fédération de Russie et Arabie saoudite, désignent chacun leur propre administrateur. Tous les autres administrateurs provenant des pays à faible influence et considérés comme des contributeurs « faibles » sont « élus » par les autres membres et ne peuvent donc désigner en toute souveraineté leur administrateur sans l’avis des grands contributeurs.
La mystification réside dans le fait que les trois administrateurs de l’Afrique, comme au demeurant ceux qui ne figurent pas dans la liste des grands actionnaires, doivent passer par un processus d’élection. Cela signifie que les trois administrateurs représentant l’Afrique peuvent faire l’objet d’un rejet si leur « profil », pour ne pas dire leur indépendance, ne sied pas aux autres membres. Du fait que les pays occidentaux détiennent la majorité du capital, le choix des trois administrateurs est soumis, implicitement, à une forme de chantage non écrit pour que les administrateurs africains fassent profil bas, ce qui signifie qu’ils ne doivent être considérés comme des « fauteurs de troubles » ou des « perturbateurs ».
La répartition des droits de vote varie d’une institution à l’autre au sein du Groupe de la Banque mondiale en fonction de l’acquittement des souscriptions au capital. Autrement dit et pour faire simple, il n’y a pas la notion d’un Etat égale une Voix comme au sein de l’Assemblée générale des Nations Unies. Au contraire, c’est le principe d’un Etat à forte influence et ayant souscrit une part importante du capital égale plusieurs Etats faibles ayant souscrit une part faible du capital de l’institution. Alors, les trois administrateurs de l’Afrique sont-ils là pour la figuration ? Si la réponse devait être un non, alors il faut se poser la question de savoir pourquoi malgré leur présence, l’Afrique est empêchée d’influer dans toutes les décisions importantes et particulièrement celles la concernant ?
4. DE GRANDS CONTRIBUTEURS NON-OCCIDENTAUX DU FMI ET DU GBM PRÉFÈRENT LES BRICS
Ce qui est sûr, c’est que le refus des plus grands contributeurs non-Occidentaux, à savoir la Chine, la Fédération de Russie et l’Arabie saoudite, d’augmenter, de manière substantielle, leur contribution au sein du conseil d’administration du FMI et du GBM signifie qu’il y a un problème de fond et que celui-ci n’a aucune chance de trouver une solution équitable.
Il n’est pas donc pas étonnant, ni surprenant que ces trois pays se retrouvent au sein d’un système alternatif à cinq qui passera à 11 dès le 1er janvier 2024 : les BRICS Plus avec les membres fondateurs à savoir : Brésil, Russie, Inde, Chine, renforcés hier par l’Afrique du Sud, puis aujourd’hui par l’Arabie Saoudite, l’Argentine, l’Égypte, et les Émirats Arabes Unis, l’Éthiopie et l’Iran[7].
C’est donc à un véritable coup d’arrêt à l’unilatéralisme décisionnel des institutions financières de Bretton Woods, et indirectement des pays occidentaux du G7, que les pays membres du BRICS Plus ont procédé, d’autant plus qu’ils ont décidé de créer concomitamment la Nouvelle Banque de Développement (NBD) dite la « Banque des BRICS[8] » créée en 2014 et opérationnelle en juillet 2015 à Shanghai, en Chine. La NBD dotée Le capital estimé à 100 milliards de dollars américains (USD) est un manque à gagner pour les institutions de Bretton Woods. Celles-ci sont donc incapables de mobiliser les grands contributeurs non occidentaux pour obtenir des fonds additionnels sur la réforme et une nouvel équilibre au conseil d’administration. En filigrane, la différence repose essentiellement sur le refus des membres du G7 d’accompagner la souveraineté des Etats à faible influence dans le monde, en Afrique en particulier. Il s’agit là d’une véritable perte d’influence du FMI et du GBM.
Dans un contexte de prospective, les BRICS Plus représenteront dès le 1er janvier 2024, 36% de la superficie mondiale (48,5 millions de km2), soit plus du double de celle du G7 (États-Unis, Royaume-Uni, Allemagne, Italie, Canada, France, Japon) [9]. De plus, les BRICS Plus représenteront 45 % de la population mondiale et 44,35 % des réserves pétrolières mondiales[10], avec en perspective l’arrivée de nouveaux membres.
Aussi, croire que le « Maroc » servira d’instrument pour créer un groupe dit « nouveau Sud[11] » pour contrecarrer celui existant du « sud global » demeure un pari risqué, ce d’autant que le Maroc en termes de contribution ne figure pas parmi les grands contributeurs ni du FMI, ni du GBM et n’est pas membre des BRICS, ni de la Nouvelle Banque de Développement (NBD[12]).
5. FMI et GBM : UN SYSTÈME INSIDIEUX D’ENTRAVES PERMANENTES À LA SOUVERAINETÉ ÉCONOMIQUE DE L’ETAT AFRICAIN
Depuis la grande mystification des pays occidentaux relative à la « vente de vaccins anti-COVID 19[13] » à l’Afrique à des prix exorbitants et sans recul scientifiquement observable quant à ses effets réels, une prise de conscience tardive de l’inefficacité stratégique en matière de conseil de ces deux institutions (FMI et GBM) est apparue au sein des conseils décisionnels des Etats africains. La réalité est qu’une offre alternative s’est faite jour.
En effet, l’offre unilatérale et quasiment inévitable du financement du développement de l’Afrique par les pays occidentaux supposent un accord entre un Etat et le FMI et le GBM, que ce soit pour des financements publics, ou des financement privés qui bénéficient alors de la garantie, souvent sans limites des Etats africains. Or, l’approbation du FMI et du GBM, qu’imposent directement ou indirectement les Etats occidentaux majoritaires au sein du Conseil d’Administration de ces institutions, a pour but premier de soutenir, souvent de manière déloyale, leurs entreprises en Afrique. Face à l’arrivée de concurrents plus efficaces et ne posant plus d’exigences en matière d’alignement politique, ni en matière d’ingérences dans la gouvernance intérieure des pays, encore moins sur le respect des droits humains, l’influence du FMI et du GBM au profit des pays majoritaires au sein du Conseil d’administration a trouvé ses limites. En filigrane, outre la transparence sur le vrai jeu du FMI et du GBM au profit des pays occidentaux, c’est bien la compétitivité de nombreuses entreprises occidentales en Afrique qui est mise en cause en Afrique, ce dans un monde multipolaire.
6. UN BILAN DU FMI ET DU GBM PEU ÉLOGIEUX EN TERMES DE SOUVERAINETÉ ÉCONOMIQUE EN AFRIQUE
En termes d’industrialisation de l’Afrique, de produits adaptés et services rendus, de salaires décents et distribués, de technologies et savoir-faire transférés, et de responsabilité sociétale de l’entreprise, etc., les résultats ne sont pas au rendez-vous. Les transferts de dividendes se font en sens inverse, à savoir de l’Afrique vers les pays du Nord. Les pièces détachées qui font l’objet d’achat pour la maintenance ne sont pas envoyées, ou le sont en dehors des délais, ce qui contribue à affaiblir la position des entreprises africaines, plus particulièrement industrielles, qui ne bénéficient souvent d’aucune protection de l’Etat lors de leur démarrage. Par ailleurs, ceux qui subissent la convertibilité du Franc CFA[14], se voient interdire la convertibilité de leurs avoirs en devises étrangères avec des injonctions d’explications sur les raisons d’une commande hors entreprises françaises ou européennes, parfois avec la bénédiction-complicité de certains dirigeants africains.
Ainsi, une méfiance pesante s’est installée. Un rejet de plus en plus massif des dirigeants africains conscients des enjeux mondiaux a refondé une forme d’unité autour d’une volonté d’instaurer une souveraineté économique trop longtemps usurpée. Le rôle insidieux de ces deux institutions financières de Bretton Woods dans la stabilisation de la servitude monétaire et la dépendance financières de l’Afrique envers le G7 et l’OTAN[15] s’est progressivement installé. Bien sûr, il y a toujours quelques décideurs africains thuriféraires, surtout dans l’espace de la zone franc lié à la France par des accords secrets, qui continuent de servir d’abord les intérêts étrangers avant ceux de leurs peuples respectifs.
Mais, ces Africains zélés sont de plus en plus rattrapés par :
- la politique du deux poids, deux mesures du G7 et de l’OTAN ;
- la « vérité » de la société civile africaine notamment dans les réseaux sociaux ;
- la montée d’une opposition politique qui ne joue plus le jeu des gouvernements d’union nationale où la convivialité des acteurs sert de légitimation à la protection des intérêts étrangers avant ceux des intérêts nationaux et du Peuple ; et
- l’ingérence des militaires et de l’armée dans la lutte pour la souveraineté des Africains.
L’Afrique de 2023 et au-delà se caractérise par une volonté réelle d’aller voir ailleurs, si possible loin de Washington D. C. Certains responsables africains s’alignent sur l’aspiration à la souveraineté de plus en plus prégnante de la société civile africaine pour préconiser qu’une période d’« abstinence » serait indispensable pour se « purifier » du FMI et du GBM. D’autres réfléchissent à une véritable « rupture », sur une plus ou moins longue période afin de « tester » autre chose, si possible sur une période équivalente à celle des interventions du FMI et du GBM en Afrique.
7. LE FMI ET LE GBM FREINENT L’ÉMERGENCE DE LA SOUVERAINETÉ ÉCONOMIQUE DES ETATS AFRICAINS
Or, une fois les affirmations faites par certains dirigeants africains, souvent dans le but de bénéficier de retombées populistes, la réalité de la mauvaise gouvernance, des choix stratégiques erronés, de l’impunité de la corruption endémique et surtout le manque de transparence de nombreux Etats africains refont surface. Les responsabilités se diluent. Il n’est plus question de « nommer », encore moins de « juger », voire de « changer ». Or, il n’y a pas de développement sans vérité, transparence, justice et solidarité.
Tant que le Peuple africain demeurera dans l’ignorance ou la mystification des journalistes et médias africains politiquement corrects du « tout est la faute de », il sera difficile de procéder à un véritable « bilan et audit » indépendants tant sur les conseils stratégiques et conjoncturels et des influences du FMI et du GBM que sur l’état des ressources financières des Etats africains. Ce d’autant plus que la méthodologie de ces institutions est qu’officiellement, elles ne « forcent » personne, sauf que tout le monde sait officieusement qu’elles ne font que « s’imposer » aux dirigeants des Etats, après s’être assurées que le niveau de mauvaise gouvernance permet d’atteindre le point de non-retour où l’endettement en dernier ressort ne peut se faire qu’avec les institutions de Bretton-Woods.
Au lieu de démissionner et laisser l’alternance politique contribuer à la restructuration du fonctionnement de l’Etat africain, les mêmes gestionnaires « inefficaces » de l’Etat se perpétuent au pouvoir, – parfois de père en fils – souvent avec la bénédiction et le soutien des pays occidentaux, majoritaires au Conseil d’administration du FMI et des GBM. Une duplicité qui permet qu’un ministre des finances africain soit félicité pour avoir conduit son Etat vers un endettement massif, une subordination envers les organisations financières de Bretton Woods et surtout d’en tirer gloire, pour avoir contribué à réduire la marge économique de l’Etat africain au profit des pays majoritaires au sein du conseil d’administration du FMI et du GBM. Quelle hypocrisie !!!
Tout ceci et d’autant plus facile que :
- des liens ésotériques lient l’ensemble des acteurs au-delà des frontières africaines ; et
- que certains dirigeants africains sont loin de maîtriser les enjeux mondiaux, en se contentant de promouvoir des lois liberticides, de se rendre populaires par l’accaparement des médias nationaux, en finançant des publi-reportages, de véritables fake-news sur le niveau d’endettement contracté sur le dos des contribuables, ou encore en organisant l’achat des consciences lors des campagnes dites de sensibilisation, avec le budget de l’Etat ou des biens mal acquis.
Mais comme les aides multilatérales du FMI et du GBM, comme au demeurant les aides bilatérales et d’institutions régionales comme l’Union européenne, sont versées d’abord dans le budget de l’Etat, plus personne n’est dupe des connivences et autres complicités condescendantes entre les dirigeants africains et les dirigeants du FMI et du GBM. Le Peuple africain n’est plus dupe et s’organise pour trouver des alternatives salutaires pour la souveraineté des Africaines et des Africains.
Il est donc évident que le FMI et le GBM freinent l’émergence de la souveraineté économique des Etats africains. Pour s’en convaincre, il suffit d’un diagnostic-audit qui soit fait par un groupe d’experts indépendants africains sur une dizaine de pays africains qui sont passés alternativement du statut condescendant de « bon élève » à « mauvais élève », ce au cours des 70 dernières années. Cela permettra de constater une corrélation directe en le besoin de maintenir les pays africains dans la servitude monétaire[16] afin d’exister en tant qu’institution financière de développement qui fait de l’argent grâce à l’endettement immodéré des dirigeants africains, peu soucieux de retrouver un équilibre budgétaire. Encore moins de démontrer leur capacité à générer des surplus grâce à des revenus tirés de la transformation en Afrique de ses matières premières, accompagnés de création d’emplois décents et d’un pouvoir d’achat qui s’est amélioré au fil des interventions du FMI et du GBM.
En fait, c’est le contraire qui s’est passé. Alors quand ces deux institutions, au lieu de promouvoir la création de richesses en Afrique, préfèrent stratégiquement promouvoir la « réduction de la pauvreté [17]» en Afrique, il y a comme du « déjà vu », un terrain que les Nations-Unies ont déjà occupé sans un véritable succès d’ailleurs. Il est vrai que le feu Secrétaire général des Nations Unies, Koffi Annan[18] était plus modeste en parlant de « réduction de l’extrême pauvreté[19] ». Or, un rapport de la Banque mondiale de 2022 estime que « l’objectif d’élimination de l’extrême pauvreté dans le monde a peu de chances d’être atteint d’ici à 2030 en l’absence de taux de croissance record pendant le reste de cette décennie[20] ». De même, « la réduction de l’extrême pauvreté dans le monde est au point mort… D’ici à 2030, près de 600 millions de personnes devront vivre avec moins de 2,15 dollars par jour [21]».
Et si personne n’y prête attention, au lieu de contribuer à éradiquer la pauvreté, ces institutions financières marginalisant les bénéficiaires au conseil d’administration pourraient finalement contribuer à l’éradication des pauvres en son sein, mais aussi sur le terrain en Afrique, à force de freiner l’émergence de la souveraineté économique des Etats africains.
8. UN PRÉSIDENT DE LA BANQUE MONDIALE QUI A EXCLU LE MOT « SOUVERAINETÉ » DANS SA VISION
Ajay Banga, Président de la Banque mondiale, est un indo-américain qui a pris ses fonctions de Président du Groupe de la Banque mondiale le 2 juin 2023. Il faut savoir que cette institution est systématiquement dirigée par un Américain, car les Etats-Unis sont le premier plus important actionnaire de cette institution avec 15,5 % des parts sont les Etats-Unis[22]. Les décisions jugées essentielles nécessitent 85 % des votes, ce qui de facto accorde aux États-Unis un droit de veto. Ensemble, les pays du G7 détiennent environ 40 % du total des voix du Conseil d’administration de la Banque mondiale.
Lors de la clôture des Assemblées annuelles de la Banque mondiale à Marrakech au Maroc en octobre 2023, il n’a pas prononcé une seule fois le mot le plus important pour les Africains : « souveraineté ».
Sans faire le bilan chiffré des actions passées de la Banque mondiale mais résolument déterminé à réorienter le GBM vers la lutte contre le réchauffement climatique, Ajay Banga a mentionné que « le monde est confronté à des défis puissants et à des mutations rapides. Il a souligné que chaque point de pourcentage perdu dans la croissance économique pousse 100 millions de personnes dans la pauvreté et 50 millions d’autres dans un extrême dénuement[23] ».
Pourtant, il a implicitement reconnu que les résultats du passé sont bien mitigés au point d’affirmer que son institution a commencé « une évolution il y a quelques mois, et aujourd’hui, la Banque a une nouvelle vision et une nouvelle mission : créer un monde sans pauvreté — sur une planète vivable », rappelant au passage que « la poursuite d’une croissance carbonée n’est pas soutenable[24]». Il n’a pas été tendre avec sa propre bureaucratie : « …A la Banque mondiale, nous consacrons autant de temps à un projet difficile, comme la construction d’une ligne de transport de 2 000 kilomètres traversant des zones de conflit et des milieux sensibles, qu’à la construction d’un petit réseau solaire ou d’une nouvelle école. Nos équipes passent des mois à préparer des rapports qui évaluent les risques sous tous les angles – 4 880 journées de travail chaque année uniquement sur des examens internes redondants et des autorisations ».
Mais, il n’a pas touché du doigt le fond du problème. A savoir que l’essentiel de l’argent de la Banque mondiale finisse dans les caisses de l’Etat africain. Or, les représentants des nombreux Etats africains ne sont pas représentatifs des intérêts de leurs populations respectives. Ainsi, entre gaspillage, corruption et impunité, la banque mondiale a-t-elle choisi de se terrer dans le silence coupable qui retarde l’avènement de la souveraineté des Etats africains ?
9. FMI, UNE AGILITÉ D’ADAPTATION QUI NE PROFITE QU’AUX DIRIGEANTS AFRICAINS, PAS AUX POPULATIONS AFRICAINES
Quant à la directrice générale du FMI, Mme Kristalina Georgieva, son intervention lors de l’assemblée annuelle du FMI à Marrakech au Maroc le 13 octobre 2023 est un constat amer sur les conséquences de la politique et des conseils du FMI systématiquement orientés depuis des décennies sur l’intégration des économies africaines à la mondialisation. Or, elle constate que « pour beaucoup de gens, l’intégration économique mondiale a été synonyme de perturbation, de pauvreté et d’inégalités[25] ».
Son « récit des cinquante dernières années »sur le monde n’a pas mis en exergue le rôle et les responsabilités du FMI. Elle constate que la reprise économique de l’après crise de la COVID-19 est lente, inégale et surtout que des « dangereuses divergences » sont « apparues entre les pays et les régions » et sont « aggravées par la fragmentation, le changement climatique et la fragilité, qui ont amené de nombreux pays à un point de rupture. C’est particulièrement le cas ici sur le continent africain ». Les solutions préconisées par le FMI et s’inscrivant dans les « quatre principes de Marrakech pour la Coopération mondiale[26] » pour les cinquante prochaines se divisent en deux catégories :
- « celles qui relèvent d’un investissement dans des bases économiques solides », et
- « celles qui représentent un investissement dans la coopération internationale ».
Le financement de ces approches devrait passer par « la mobilisation des ressources intérieures », à savoir « les réformes fiscales qui pourraient dégager des recettes supplémentaires représentant jusqu’à 5 % du PIB pour les pays émergents et 9 % pour les pays à faible revenu ». Or, concrètement, il s’agit de limiter la corruption par la bonne gouvernance, mais surtout de ponctionner davantage toutes les activités productrices en Afrique, notamment le secteur privé. La réalité est que la dette n’a fait qu’augmenter.
Selon la directrice du FMI, « plus de la moitié des pays à faible revenu restent surendettés ou risquent fortement de l’être, et environ un cinquième des pays émergents présentent des écarts de taux caractéristiques d’une situation de défaillance ». Pourtant, c’est la part de la responsabilité du FMI qui aurait été intéressant de partager avec le public. Mais, c’est le rôle de payeur et d’assureur en dernier ressort du FMI a été mis en exergue, plus spécialement au cours des trois dernières années. Ce « dispositif mondial de sécurité financière » se présente comme une « bouée de sauvetage pour tant de pays qui traversent une période difficile » au point de transformer le FMI en « un assureur des non-assurés » selon Mme Kristalina Georgieva[27]. Les instruments utilisés se sont diversifiés en innovant avec des nouveaux instruments financiers plus adaptés :
- le programme d’allégement direct de la dette des pays membres les plus pauvres ;
- la mobilisation de financements d’urgence pendant la pandémie COVID-19 ;
- l’adaptation des programmes en cours avec de nouvelles des lignes de crédit de précaution avec une protection supplémentaire contre les chocs exogènes ;
- le fonds fiduciaire pour la résilience et la durabilité (RD) qui présente comme pourvoyeur de ressources abordables à long terme aux pays vulnérables à revenu faible ou intermédiaire notamment pour renforcer l’adaptation et la résilience face au changement climatique.
- le transfert d’une part non négligeable des Droits de tirage spéciaux (DTS) des pays à revenu élevé pour soutenir la part des DTS aux pays membres plus vulnérables, soit près de 100 milliards de dollars de nouveaux financements[28].
S’il est vrai que le FMI a réagi avec agilité aux chocs survenus, il l’a fait en :
- augmentant le niveau de la servitude volontaire des Etats africains ;
- accélérant les programmes de privatisation des activités qui fournissaient des recettes non négligeables aux Etats, ce qui a contribué à des transferts de propriété de l’Etat vers des acteurs du secteur privé, ce à la discrétion de certains dirigeants africains ;
- limitant, la montée en phase de la souveraineté des Etats africains sous le couvert de l’urgence, du risque de défaut de paiement, et de la sécurité financière.
La conséquence de toutes ces initiatives est que les ressources du FMI se sont effectivement asséchées[29].
10. SANS UNE RÉFORME INTERNE JUSTE ET INCLUSIVE, UNE PARTIE SUBSTANTIELLE DES RESSOURCES DU FMI IRA AILLEURS
La monnaie de compte du FMI est le Droit de Tirage Spécial (DTS), qui sont des actifs de réserve internationaux créés expressément par le FMI pour compléter les réserves existantes des pays membres. Les DTS sont librement convertibles, donc échangeables en devises ou monnaies internationales.
Selon les statistiques du FMI du 30 juin 2023, les ressources globales du FMI s’élevaient à environ 983 milliards de DTS (soit environ 1 288 milliards de dollars américains (USD) avec 1 SDR (DTS) = 1.3103 USD estimés au 16 octobre 2023). Les fonds du FMI proviennent de trois sources :
- les quotes-parts des pays membres (477 milliards de USD) ;
- les accords d’emprunt multilatéraux (364 milliards de USD) ; et
- les accords d’emprunt bilatéraux (141 milliards USD). Il s’agit d’un mécanisme qui permet au FMI d’emprunter des ressources additionnelles auprès de pays membres ou de groupes de pays membres pour faire face à des besoins exceptionnels de financement, non sans conditionnalités des pays prêteurs.
La capacité totale de prêt s’est élevée à 696 milliards de DTS (soit environ 911,9 milliards USD estimés au 16 octobre 2023), décomposée comme suit :
- les quotes-parts des pays membres (309 milliards de USD) ;
- les accords d’emprunt multilatéraux (278 milliards de USD) ;
- et les accords d’emprunt bilatéraux (109 milliards USD) [30].
La Directrice générale du FMI rappelle que « le FMI doit être renforcé de toute urgence, de deux façons :
- La première, en augmentant nos ressources permanentes issues des quotes-parts, ce qui renforcera notre capacité à soutenir les pays membres possédant de faibles volants financiers.
- La deuxième, en reconstituant les ressources de bonification qui permettent d’accorder des prêts à taux zéro à nos membres les plus pauvres au titre du fonds fiduciaire RPC[31] ».
Or, si la Directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva insiste pour que les ressources du FMI soient renflouées, c’est que de nombreux pays pourraient tout simplement abandonner le recours en dernier ressort au FMI et se tourner vers des institutions alternatives en formation auprès de la Nouvelle Banque de Développement, la fameuse Banque des BRICS Plus. La réforme ne pourra réussir que si elle se fait sous le sceau de :
- la transparence ;
- l’inclusivité et donc de l’élargissement ;
- l’égalité des acteurs au sein du Conseil d’administration ; et surtout
- disruptive et originale avec un entrée massive au capital de l’Afrique avec des « actions gratuites » liées à sa capacité à soutenir la croissance mondiale lorsque les pays du G7 tirent la croissance mondiale vers le bas, ce depuis plusieurs années.
Un peu d’Hara-Kiri doit être au menu du changement de mentalités. Si les deux institutions financières de Bretton Woods continuent de « faire semblant » d’opérer des réformes sur une base non équitable et non inclusive, alors une partie substantielle de leurs ressources iront vers les structures financières des BRICS Plus.
11. DE LA MEFIANCE A LA DEFIANCE DU PEUPLE AFRICAIN ENVERS l’EFFET TOXIQUE DU FMI ET LE GBM SUR LA SOUVERAINETÉ AFRICAINE
La distinction entre les intérêts des Peuples africains et ceux personnels de nombreux dirigeants africains devenant de plus en plus indispensable pour savoir qui travaille pour ou contre la souveraineté du Peuple africain, il n’est plus possible de continuer à se bercer d’illusions sur les déclarations ou rapports établis par le FMI et le GBM sans qu’une analyse indépendante des experts africains y compris ceux de la Diaspora ne viennent corroborer des affirmations sur des statistiques glissantes en correction permanente.
Le système « glissant » de statistiques et d’indicateurs économiques en « ajustement perpétuel », parfois infidèles et agrégés, fait partie de la méthodologie de ces institutions pour échapper :
- à un véritable bilan ex-post de leurs parts de responsabilités ;
- aux conséquences de leurs erreurs ; et surtout
- aux implications des ingérences directes ou indirectes des Etats créanciers dans les retards et décalages du retour de la souveraineté économique et financière des pays africains qui le souhaitent.
En effet, certains dirigeants africains, adeptes ou pas de la corruption, ne sont pas nécessairement des modèles de transparence dans la gouvernance, encore moins des modèles pour ce qui est de l’affectation des prêts octroyés par le FMI, le GBM et leurs relais bilatéraux, vers des activités génératrices de véritables retours sur investissement tangibles et perceptibles pour le Peuple africain.
Ce point est d’autant plus important que les retours sur investissement se font plus largement pour les entreprises occidentales qui, bon an, mal an finissent souvent par récupérer le contrat, avec ou sans appel d’offres, impliquant des engagements directs ou indirects du FMI et du GBM. La réalité dans un monde multipolaire est que nombreuses entreprises qui obtiennent les contrats proviennent de plus en plus des pays émergents, notamment la Chine, la Turquie, l’Inde, la Russie, le Brésil, etc., ce en fonction de leur spécialité.
Mais la marginalisation de l’Afrique dans ces décisions et au sein du Conseil d’Administration les avait convaincus qu’il n’était pas nécessaire d’écouter le Peuple africain, notamment les experts africains indépendants, tant en Afrique que dans la Diaspora. Pire, les dirigeants occidentaux au Conseil d’Administration se sont convaincus qu’avec la digitalisation des services, il n’y avait même plus besoin de s’occuper du Peuple africain, mais de se contenter des informations fournies par les Etats, en l’espèce, les ministères des finances en Afrique, pour que la « position » africaine soit connue.
Or, les échecs de ces deux institutions en Afrique, leur zèle à ne régler en priorité que les problèmes des Etats occidentaux et ceux des entreprises multinationales par le biais de pressions douces ou violentes sur les budgets des Etats africains, ont conduit à la défiance du Peuple africain, et la méfiance de certains dirigeants africains, déterminés à aller chercher ailleurs des financements, sans subir les fourches caudines des menaces de sanctions ou de blocage des « décaissements » de ces institutions sous-couvert d’injonctions politiques.
Alors, la volonté de « décentraliser » sur le terrain le personnel de ces deux institutions pour « mieux » se rapprocher de leurs terrains d’intervention est louable. Mais, cela ne fait que repousser dans le temps, le moment où il va falloir débattre de l’effet toxique de ces deux institutions sur la souveraineté africaine.
12. AUGMENTER LE CAPITAL DU FMI ET DU GBM SANS JUSTICE ET INCLUSION DES BÉNÉFICIAIRES EN DERNIER RESSORT EST UN LEURRE
Face à un besoin de plus en plus élevé de financement à court et long-terme, la solution souvent préconisée jusqu’à la naissance de la « Nouvelle Banque de Développement » dite « la Banque des BRICS Plus », était d’injecter plus d’argent pour faire grossir le capital des deux institutions de Bretton Woods. Il est d’ ailleurs souvent reproché à l’Inde et à la Chine de tarder à augmenter leurs contributions. Face au ralentissement de l’économie mondiale du fait de la non-contribution des pays occidentaux, notamment européens à l’effort collectif de croissance économique, il faut rajouter une inflation sélective qui se fait aux dépens du pouvoir d’achat de la grande majorité des travailleuses et travailleurs dans le monde, en Afrique en particulier.
Mais qui a dit que l’augmentation du capital des institutions financières de Bretton Woods sans un rééquilibrage des rapports de force, en fait de servitude et dépendance au sein du Conseil d’administration, pourra changer la culture de servitude en vigueur au sein du FMI et du GBM envers les pays emprunteurs ? Personne ! Sauf ceux-là même qui cherchent systématiquement à tirer parti des faiblesses, de la naïveté et souvent de la complaisance de dirigeants africains qui n’ont que très rarement cherché à équilibrer leur budget national et investir dans l’infrastructure, la performance logistique et administrative, la création de capacités productives et l’amélioration de contenus technologiques pour transformer le continent africain et le conduire vers la souveraineté sous toutes ses formes. Autrement dit, les institutions comme le FMI et le GBM, avec ses courroies de transmission en Afrique telle que la Banque africaine de développement (BAD) et les banques régionales africaines se gardent bien de faire le bilan sur plusieurs décennies de leur rôle mitigé, ambigu et même toxique sur l’Etat des économies africaines. Les responsabilités sont partagées.
Mais compte tenu du fait que paradoxalement, les mauvais choix stratégiques de certains dirigeants africains, la mauvaise gouvernance et plus particulièrement la corruption et son impunité légendaire en Afrique conduisent les Etats à s’endetter encore plus lourdement auprès du FMI et du GBM qui ont une parfaite connaissance de la corruption endémique, alors l’augmentation du capital des institutions financières de Bretton Woods apparaît comme une imposture, voire une mystification en bandes organisées pour mieux faciliter l’accaparement des richesses et des capacités productives africaines par le biais de l’endettement massif des Etats africains au profit de privatisations dolosives.
Certains dirigeants africains peuvent bénéficier de la présomption d’innocence pour être tombés dans le piège institutionnalisé de la servitude et l’affaiblissement de marge décisionnelle d’un Etat africain par le biais de l’endettement. Mais ils sont nombreux, ces ministres des finances en Afrique qui voient leurs salaires de ministre être payés par les institutions financières de Bretton Woods alors qu’ils ou elles, sont censés défendre les intérêts de leurs pays respectifs. Alors, il ne faut pas s’étonner que leur premier objectif ne soit pas de renforcer la souveraineté de leur pays, mais bien d’augmenter le niveau d’endettement incontournable du pays afin de poursuivre leur carrière dans l’espace plus élargi des institutions soutenant les pays occidentaux membres de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN[32]).
C’est dans un tel contexte que l’Arabie Saoudite, l’Iran, l’Egypte, les Émirats arabes unis, l’Ethiopie et l’Argentine vont rejoindre l’organisation des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) à compter du 1er janvier 2024
Aussi, une question doit être posée : qui soutient réellement la croissance de la création de la richesse mondiale exprimée en pourcentage annuel du produit intérieur brut ? Il faut pour cela se situer au-dessus de la moyenne mondiale.
Selon le FMI, la croissance économique mondiale devrait passer de 3,5 % en 2022 à 3,0 % en 2023 et 2024[33].
L’Afrique subsaharienne tient le pari avec l’Inde et la Chine. La croissance annuelle africaine s’est maintenue au-dessus de la moyenne mondiale en 2022, 2023 y compris les projections pour 2024 avec respectivement 3,9 %, 4,5 % et 4,9 %. Il est donc bien curieux que ce critère fondamental ne fasse l’objet d’aucune considération par les membres du conseil d’administration des institutions de Bretton Woods dans la représentativité de l’Afrique, mais aussi des pays comme l’Inde et la Chine (voir graphique suivant).
Des « bonus » sous forme de quotes-parts gratuites au capital du FMI et du GBM devraient faire partie des réformes, dès lors qu’une région ou pays affiche une croissance annuelle au-dessus de la moyenne mondiale.
13. INDICE DE LA CAPACITÉ D’INFLUENCE DU FMI ET DU GBM : LE NIVEAU DE TOXICITÉ DE L’ENDETTEMENT POUR LA SOUVERAINETÉ DES ETATS AFRICAINS EST ATTEINT
Les interventions en Afrique du FMI et plus globalement dans le sud global ont aggravé la pauvreté et les dettes des pays aidés en supprimant ou diminuant la marge économique et financière des Etats, autrement dit en limitant fortement la capacité d’intervention de ces États en termes de souveraineté. Or, la selon le FMI, la dette mondiale retrouve sa tendance à la hausse en 2023 avec une préoccupation sur sa viabilité.
La dette totale mondiale représentait 238 % du produit intérieur brut mondial l’année dernière, soit 9 % de plus qu’en 2019. En dollars américains, la dette s’élevait à 235 000 milliards de dollars, soit 200 milliards de dollars de plus qu’en 2021[34]. « La dette publique mondiale a triplé depuis le milieu des années 1970 pour atteindre 92 % du PIB (soit un peu plus de 91 000 milliards de dollars) à la fin de 2022. La dette privée a elle aussi triplé pour atteindre 146 % du PIB (soit près de 144 000 milliards de dollars), mais sur une période plus longue, entre 1960 et 2022[35] ».
Au regard de l’évolution de la dette africaine[36], ce en comparaison avec les Etats-Unis ou la Chine, il y a lieu de s’interroger sur le zèle affiché par le FMI et le GBM à voir les remboursements s’opérer bien avant que les retours sur investissements ne soient perceptibles ou même existants. Les taux d’intérêts usuriers ne sont pas en reste dès lors qu’ils ne font que s’accumuler pour « stabiliser » la servitude volontaire de certains Etats africains.
Mais le vrai paradoxe réside dans la part minimale de la dette de l’Afrique subsaharienne envers le FMI et le GBM par rapport à l’influence de ces deux institutions sur la souveraineté d’un Etat africain (voir le graphique sur la dette extérieure de l’Afrique subsaharienne).
Sur la base d’un indicateur économique à double fonction proposé par Afrocentricity Think Tank qui a pour objet de mesurer la capacité d’influence[37] (ICI1 et ICI2) d’une institution sur une région, un Etat africain ou un Gouvernement africain au sud du Sahara, il est possible de mettre en exergue l’augmentation du levier d’influence du FMI et du GBM sur les Etats africains. Pour le FMI, la capacité d’influence a toujours existé et s’est renforcée en passant d’un indice de la capacité d’influence (ICI1) de 5,9 en 2010 à 8,7 en 2021[38].
En l’espèce pour le FMI, il s’agit de la part de la dette extérieure à long terme dans la dette extérieure totale de l’Afrique subsaharienne sur la dette extérieure totale de l’Afrique subsaharienne. Pour le Groupe de la Banque mondiale, il s’agit de la part du GBM dans la DET sur la DET de l’Afrique subsaharienne, le tout multiplié par 100. Plus l’indice (ICI1) extrait de ce ratio est élevé, plus l’influence de l’institution sur le ou la région africaine choisie est soit 1/ faible (entre 0 et 2), 2/ sérieuse (entre 2,1 et 5), 3/ asphyxiante (entre 5,1 et 8), ou 4/ toxique (entre 8,1 et plus).
Ces quatre catégories peuvent se décliner en plusieurs sous-catégories en fonction des secteurs qui servent d’analyse. Les Etats africains sont invités à dresser leur rapport sur l’indice de la capacité d’influence[39] en mettant en valeur les régressions au cours des années tout en prenant en compte que la part relativement faible en apparence des prêts obtenus du FMI et du GBM sont des illusions car ces prêts, mêmes faibles en regard à l’ensemble de la dette africaine, sont des prêts d’influence. Afrocentricity Think Tank opère donc une distinction entre les indices de la capacité d’influence des institutions d’influence servant de financier payeur en dernier ressort, par procuration essentiellement pour les pays du G7, et les indicateurs de la capacité d’influence (ICI2), pour lesquels les conditionnalités des prêts ne se font pas pour le compte d’autrui. Il n’y a donc pas un jeu de billard à deux bandes. Plus l’indice (ICI2) est élevé, plus l’influence du créancier est analysée selon une grille corrigée comme suit : 1/ faible (entre 0 et 20), 2/ sérieuse (entre 21 et 50), 3/ asphyxiante (entre 51 et 80), ou 4/ toxique (entre 81 à 100).
Pour le GBM, cette capacité d’influence a toujours existé et s’est légèrement renforcée, passant d’un indicateur de la capacité d’influence (ICI1) de 10,5 en 2010 à 11,5 en 2021. Autrement dit, l’institutionnalisation de la dépendance des Etats africains envers le FMI et le GBM est une constante de la politique des principaux décideurs au sein du Conseil d’administration de ces institutions.
Aussi, il était important sous le couvert de la « stabilisation des économies africaines », de neutraliser, voire d’immobiliser, et surtout de faire régresser la propension des Etats africains à augmenter leur souveraineté au travers :
- d’un budget en équilibre qui n’a pas besoin de l’intervention du FMI ; ou
- d’un budget dont les sources de financement sont diversifiées et échappent aux pays du G7, principaux dirigeants au sein du Conseil d’administration du FMI.
La progression de 2,6 point de l’indice de la capacité d’influence (ICI1) du FMI sur les Etats de la région Afrique subsaharienne en une décennie corrobore l’essentiel des critiques adressées à cette institution.
Comme il est plus facile de faire du chantage lorsqu’un pays est surendetté, il n’est pas étonnant que ce soit le FMI qui serve principalement d’instrument et de levier principal pour ajuster de manière conjoncturelle, structurelle et institutionnelle la servitude financière des Etats africains.
La progression de 1 point en une décennie de l’indice de la capacité d’influence (ICI1) du GBM témoigne de la difficulté de cette institution à continuer à exercer des pressions unilatérales sur les Etats africains. En effet, l’émergence d’alternatives notamment avec les possibilités d’aller emprunter à des taux équivalents ou meilleurs auprès de bailleurs asiatiques ou du Moyen-Orient ont changé la donne. Mais, de nombreux pays africains s’organisent pour aller emprunter directement sur les marchés internationaux, si les agences de notation confirment une bonne gouvernance et une transparence avérée des comptes publics. Autrement dit, bien que le niveau de capacité d’influence, et donc de dépendance des Etats africains envers le GBM demeure élevé, ce niveau tend à progresser faiblement du fait d’une concurrence saine dans un monde multipolaire.
Aussi, il importe pour tous gouvernements africains de savoir qu’un indice supérieur à 8 signifie que le niveau de toxicité des emprunts auprès des institutions financières, quelles qu’elles soient est atteint. Aussi, toute gouvernance tendant vers l’efficience devrait conduire à ramener le niveau de l’indice de la capacité d’influence (ICI1)en dessous de 5, et au mieux à zéro si l’objectif recherché demeure la souveraineté économique.
En comparaison, l’indicateur de la capacité d’influence (ICI2) des créanciers privés non bénéficiaires de garanties des Etats africains sur les Etats africains au sud du Sahara est passé de 25,4 en 2010 à 21 en 2021. Paradoxalement, le fait même que la part des créanciers privés non bénéficiaires de garanties de l’Etat diminue n’est pas une bonne nouvelle, car cela signifie que la confiance dans la gouvernance des Etats africains demeure un point de blocage, au point qu’une préférence est encore donnée à des prêts provenant du secteur privé mais assortis d’une garantie de l’Etat. La part des créanciers privés disposant d’une garantie de l’Etat africain en Afrique subsaharienne est passée entre 2010 et 2021 respectivement de 57 à 216 milliards de USD[40]. L’indicateur de la capacité d’influence a évolué pour les mêmes années comme suit : un ICI2 de 17,7 à 27,3, soit une progression de 10,3 points d’ICI2 en une décennie. Il s’agit là plus d’une perte de confiance envers les Etats africains, corroborée par le niveau d’endettement général qui n’arrive pas à se stabiliser, encore moins à diminuer. Il s’agit néanmoins d’une perte de capacité d’influence pour l’Afrique subsaharienne, avec comme conséquence, une souveraineté en décroissance.
L’indicateur de la capacité d’influence (ICI2) ne peut être comparé à l’indice de la capacité d’influence (ICI1) car il s’agit de distinguer entre l’indice ICI1 utilisé pour les institutions d’influence indirecte et agissant par procuration alors que l’indicateur (ICI2) sert à mesurer une influence directe. Autrement dit, avec un indice de capacité d’influence (ICI1) entre 8 et 12 points, les institutions de Bretton Woods disposent d’une capacité d’influence décuplée pour offrir des prêts grâce à leur majorité automatique au sein de leurs Conseils d’administration respectifs. Le FMI et le GBM agissent pour le compte des Etats les plus puissants (principalement le G7) au sein de leurs conseils d’administration respectifs. C’est cela qui explique le niveau relativement faible des prêts consentis en comparaison de la capacité d’influence exercée démesurément.
De fait, les institutions financières de Bretton Woods qui continuent d’appliquer le fameux et obsolète « consensus de Washington[41] » sont devenus des instruments de subordination des pays à capacité d’influence économique faible. Il importe de réduire drastiquement le niveau de toxicité des influences de ces organisations sur la souveraineté des Etats africains.
14. CONCLUSION : SORTIR DE L’APPROCHE BUDGÉTAIRE ET OPTER POUR LA CRÉATION D’UN FONDS FIDUCIAIRE D’ACTIONS CITOYENNES
L’ampleur de la critique envers les dirigeants du conseil d’administration du FMI et du GBM auraient dû conduire les responsables de ces organisations à proposer des audits et évaluations indépendants sur la portée de leurs conseils, leurs financements parfois détournés et de leurs actions. Politiquement, l’unilatéralisme de l’option libérale rencontre des limites. De là, un changement sans hypocrisie des orientations stratégiques pourrait émerger.
S’il est des institutions internationales à qui la décence et l’honnêteté intellectuelle et l’accumulation du savoir économique interdisent de dire « qu’elles ne savent pas », ce sont bien le FMI et le GBM. Le Président du Groupe Banque mondiale lui-même, M. Ajay Banga, en témoigne et rappelle ceci : « Nos équipes passent des mois à préparer des rapports qui évaluent les risques sous tous les angles – 4 880 journées de travail chaque année uniquement sur des examens internes redondants et des autorisations ». Il est permis ici d’interroger les dirigeants de ces deux institutions financières : au nom de quel principe la « redondance » de la bureaucratie interne à l’institution empêche-t-elle le FMI et le GBM de récuser ouvertement la gouvernance de certains dirigeants africains qu’ils savent corrompus au dernier degré ? Les deux institutions manqueraient-elles d’indépendance ? Sont-elles des instruments au service de puissances agissantes au sein de leurs Conseils d’administration respectifs ? Le bénéfice du doute et la présomption d’innocence doivent être levés.
Jusqu’à présent dissimulés derrière le masque « fictif » de la démocratie et imposant unilatéralement la vision libérale de l’économie de leur pays respectif[42], s’ils veulent désormais comme ils l’affirment apparaitre crédibles auprès du Peuple africain, les grands contributeurs et créanciers de ces deux institutions se doivent aujourd’hui de réformer certains critères et modalités d’action, et en définitive, revisiter leur logiciel obsolète du Consensus de Washington, surtout s’il est de plus en plus de délocalisé vers l’Afrique. Aussi, il est conseillé de :
- Réformer l’opacité de leur fonctionnement qui fonctionne en mode servitude imposée par les pays par les pays du G7, notamment le véto des États-Unis ;
- Reconsidérer en termes d’inclusion et de justice la composition des ressources globales du FMI et du GBM en octroyant des quotes-parts, des droits de tirage spéciaux (DTS) « gratuits » aux pays à capacité industrielle faible afin d’inciter à l’industrialisation accélérée par l’apport de contenus technologiques adaptés et digitalisés ;
- Redistribuer les quotes-parts plus équitablement, lesquelles sont les contributions des pays membres au capital du FMI, et déterminent leurs droits de vote, leur accès aux financements et leur part dans les allocations de DTS ;
- Faire le bilan, avec des experts indépendants africains y compris de la Diaspora, sur les effets négatifs sur le développement agricole, l’industrialisation, l’éducation et le transfert de technologies des différents programmes dits parfois « d’ajustement structurel », de croissance, de stabilisation et de réduction de la pauvreté, ainsi que sur les conséquences du soutien et du maintien de certains dirigeants africains discrédités par une gouvernance fondée sur le bénéfice de contreparties à titre personnel ;
- Reconnaître et accepter de ne plus mettre en priorité les intérêts des puissances occidentales au-dessus de la souveraineté du Peuple africain. Surtout si les conséquences se traduisent par des programmes de privatisation qui apparaissent comme de véritables annexions de pans entiers de richesses minières et capacités productives africaines avec des effets négatifs contreproductifs sur la croissance économique, la création de richesses, l’entrepreneuriat, la création d’emplois décents, l’inefficacité des services publics, la dégradation de l’environnement et de la biodiversité, et singulièrement les libertés et les droits humains dans les pays emprunteurs des ressources financières de ces deux institutions ;
- Reconnaître l’inefficacité de l’approche budgétaire dans le choix des projets et l’augmentation de la dette publique et/ou privée garantie par l’Etat africain afin de s’assurer d’avancer vers la satisfaction des besoins essentiels en valorisant l’économie de proximité[43] en respectant le choix et les priorités décidées par les populations africaines, et moins ceux de leurs chefs d’Etat ;
- D’assurer un remboursement de la dette en lien avec les capacités effectives de remboursement des pays emprunteurs ;
- Se reconnecter aux réalités du terrain en Afrique en imposant comme point d’entrée de toutes assistances ou accompagnements par le FMI et le GBM, un rapport de la société civile africaine y compris sa Diaspora afin de corriger les incohérences, les gaspillages de ressources publiques au profit d’Etats autoritaires et corrompus ;
- Sortir de l’unilatéralisme libéral y compris l’hégémonie intellectuelle en optant systématiquement pour des équipes pluridisciplinaires afin d’assurer l’émergence d’alternatives issues non plus des fonctionnaires du Gouvernement africain, mais prenant aussi en compte les propositions des acteurs de la société civile locale et de la Diaspora ;
- Renouer avec l’inclusivité des destinataires en dernier ressort des financements afin de réellement favoriser un développement économique, financier, monétaire, social et environnemental qui promeut l’efficacité et décourage l’irresponsabilité et l’impunité.
15. RECOMMANDATIONS D’AFROCENTRICITY THINK TANK : AMÉLIORER LA TRANSPARENCE DES COMPTES PUBLICS EN FINANÇANT LE CONTROLE CITOYEN DE L’ACTION PUBLIQUE
Mais en fait au final, n’est-ce pas en fait le fait de faire passer tout les financements (prêts et autres facilités) par le budget d’un Etat, excluant ainsi la possibilité de diversifier la qualité des expertises et surtout d’avancer vers plus d’efficacité, qui constitue le défaut majeur du système ? Assurément !
En effet, l’inclusion d’organisations de la société civile africaine, d’experts indépendants africains et de la Diaspora dans les réflexions et les projets sans les avoir formatés auparavant aurait certainement permis d’offrir une approche plus « agile » sur le fonctionnement et les modalités d’intervention de ces deux institutions. Il est certain que le niveau de corruption de part et d’autre aurait certainement diminué compte tenu de l’obligation de rendre des comptes chère à la société civile africaine.
Sur ce point particulier, il est quasiment sûr que la vérité des comptes publics en Afrique et ailleurs gagnerait à ce que les décideurs du FMI et du GBM prennent conscience et accordent une importance accrue au Contrôle Citoyen de l’Action Publique afin de permettre aux populations de se prononcer sur le choix, la réalité, la qualité, l’efficacité et l’utilité des projets financés ou accompagnées par les institutions de Bretton Woods dans les Etats africains. Or, pour que cela se fasse, l’approche strictement budgétaire doit être partiellement abandonnée.
Ce n’est pas la mise en place d’un fonds fiduciaire (Trust Funds) de conseils et d’actions citoyennes qui peut poser problème à des institutions, expertes en création de nombreuses facilités financières. La vérité est que la volonté politique manque, au point que d’autres institutions comme les BRICS Plus offrent désormais d’autres options. Sauf que pour ces dernières, c’est toujours l’approche budgétaire qui prévaut et risque de déboucher sur les mêmes erreurs que celles commises par les institutions de Bretton Woods accompagnées des mêmes ressentiments négatifs du Peuple africain.
Afrocentricity Think Tank est disponible pour contribuer à la mise en place d’un tel Fond fiduciaire de conseils et d’actions de la société civile (Civil Society Advisory and Action Trust Funds), indispensables dès qu’il s’agira d’affectation de financements alloués par le FMI et le GBM. Les fonds ne doivent plus transiter uniquement par le seul budget de l’Etat, au risque de se dissoudre sous forme de ruissellement économique comparable à de la corruption et des biens mal acquis, que « personne » ne veut auditer.
C’est cela la garantie offerte par l’indépendance de la société civile et de la Diaspora africaine, avec comme contrepartie, l’assurance que la corruption sera « exposée », la transparence des comptes publics sera améliorée, si l’impunité est neutralisée.
Sortir de ce joug occidental, asymétrique et injuste est une gageure qui se résout par la volonté mutuelle et réciproque des partenaires concernés. La géopolitique d’un monde multipolaire montre que le temps est venu pour une réelle disruption et une refondation du FMI et du GBM pour plus d’équité et de dignité des Africains.
Cela suppose une approche participative où toutes les parties prenantes seront représentées au Conseil d’administration de ces deux institutions, ce plus équitablement, ce indépendamment de la capacité d’influence militaire ou financière des uns et des autres. Après tout, la contribution de l’Afrique à la croissance mondiale et donc à la prospérité de ceux qui viennent chercher les matières premières en Afrique, doit être prise en compte. La capacité d’influence de ces deux institutions est en concurrence avec celle des BRICS Plus, en attendant que les dirigeants africains prennent conscience de l’urgence de mieux structurer le panafricanisme économique.
En attendant, le FMI et le GBM devraient reconsidérer leur relation à l’Afrique nouvelle en construction et marquée par une volonté, de plus en plus prégnante des Peuples, de récupération d’une souveraineté, depuis trop longtemps, injustement et malicieusement usurpée à leurs dépens. L’institutionnalisation et la pérennisation de la servitude financière ne peut servir les intérêts de la souveraineté économique en général, celle du Peuple africain en particulier. Pour sortir de la méfiance et de la défiance et ouvrir la voie d’une nouvelle relation de confiance il n’existe qu’un chemin : il faut se reparler franchement, ouvertement, sans condescendance et sans hypocrisie.
A défaut, la capacité d’influence risque de graduellement changer de camp ! YEA.
19 octobre 2023.
Dr. Yves Ekoué AMAÏZO
Directeur, Afrocentricity Think Tank