En recevant le 10 mai 2023 à l’Elysée Faure Gnassingbé, censé représenter le Peuple togolais, le Président français ne peut faire semblant d’ignorer qu’il reçoit un autocrate et un personnage accablé de tant de turpitudes qu’il serait sous d’autres cieux, en jugement devant une Cour de justice africaine indépendante et au service du Peuple africain. Mais les impératifs de la real politik déployée par le Président français le conduisent, au nom des intérêts particuliers et mondialistes qu’il défend, à reléguer au second plan, les valeurs, le droit, la justice, la vérité et la souveraineté du Peuple togolais.
Les collusions entre les deux hommes ne passent pas inaperçues. Le Président Emmanuel Macron ne peut faire semblant de ne pas savoir que Faure Gnassingbé a reçu en héritage la « répression[1] » qui se caractérise par des exactions au quotidien qui auraient dû faire « frémir » un Président français démocrate à savoir : l’interdiction des manifestations pacifiques, l’espionnage et l’interpellation d’activistes, le harcèlement des médias et le silence imposé aux journalistes[2], les multiples violations des droits humains, les restrictions des libertés et de l’espace civiques, l’hégémonie du clan Gnassingbé, au point que certains au Togo et ailleurs, ne font plus de différence entre la dictature de son père et celui du fils.
Faut-il rappeler à la France d’Emmanuel Macron que dans un rapport publié le 14 novembre 2022, le Collectif Tournons la Page, actif dans plusieurs pays africains et promouvant « l’alternance démocratique et de la bonne gouvernance » a estimé à « au moins 546 le nombre de personnes arrêtées pour leurs opinions entre août 2017 et octobre 2022 » au Togo sous Faure Gnassingbé. « Certaines d’entre elles ont été torturées en détention. D’autres, au moins onze, en sont mortes ».
Aujourd’hui au mois de mai 2023, les interdictions des manifestations restent en vigueur dès lors qu’il s’agit de contester les résultats de l’élection présidentielle ou la mauvaise gouvernance, les emprisonnements illégales, la corruption, l’enrichissement personnel illicite et l’impunité. Le Président Emmanuel Macron n’est pas au courant ?
1. POLITIQUE AFRICAINE DE LA FRANCE : COMMENT MACRON PEUT UTILISER FAURE GNASSINGBÉ ?
Le 10 mai 2023 à l’invitation du Président français Emmanuel Macron, Faure Gnassingbé qui dirige le Togo en contournant systématiquement la vérité des urnes depuis son accession au pouvoir en 2005, a « oublié » de rappeler à son homologue qu’il prépare son 5e mandat présidentiel sur la base d’une énième modification unilatérale, anti-démocratique et déloyale de la Constitution togolaise que s’est choisi le Peuple togolais en 1992. Emmanuel Macron, ne peut ignorer que Faure Gnassingbé est parvenu au pouvoir d’abord grâce à un coup d’Etat constitutionnel avorté, puis par une élection volée, dont la contestation populaire de masse a entraîné la mort de plus de 800 citoyennes et citoyens togolais, selon les chiffres mêmes d’une enquête de l’ONU publiée en août 2005[3], sans compter les blessés, les handicapés, les prisonniers, les disparus, et les 40.000 exilés fuyant la répression, contraints de se réfugier dans les pays limitrophes du Togo.
Les médias politiquement corrects racontent, selon ce qui a été autorisé à la diffusion, que furent entre autres abordés au cours de cette rencontre les questions :
• du renouveau du partenariat « France – Togo » pour défendre des intérêts communs ;
• de l’intensification de la coopération bilatérale et multilatérale dans la lutte contre le terrorisme ;
- du rôle de parrain[4] et d’intermédiaire[5] « sollicité » ou « pas » à huis clos entre d’une part, le Mali et la Côte d’Ivoire suite à l’affaire des 46 militaires ivoiriens « mercenaires » prévenus, condamnés et libérés[6] par une grâce présidentielle au Mali, puis d’autre part, entre le Mali et la CEDEAO, et éventuellement en perspective entre la France et le Mali.
Quid des sujets principaux qui préoccupent le Peuple togolais, à savoir qu’il est la première victime de la corruption au sommet de l’Etat, du non-respect de la vérité des urnes et de la vérité des comptes publics depuis plusieurs décennies, et surtout de la hausse généralisée des prix dans un pays où la concurrence et la compétition sont comprises comme les deux faces d’une même pièce, à savoir :
- l’entente au sein de groupes ésotériques et mafieux où la loi du silence fait office de loi tout court favorisant l’impunité et l’omerta et donc l’absence de vérité des comptes publics au Togo ;
- l’achat des consciences notamment de certains partis d’opposition et d’organisations de la société civile, y compris dans la Diaspora, qui sont devenus alimentaires dès lors qu’ils s’inscrivent dans la logique d’une opposition sans contre-pouvoir, bloquant ainsi toutes chances d’alternative par la voie démocratique.
Autrement dit, Le président français ne peut ignorer tout ceci dans sa politique africaine de la France où l’essentiel aujourd’hui est de savoir comment utiliser Faure Gnassingbé ?
2. SE FAIRE RECENSER AU TOGO POUR EMPÊCHER FAURE GNASSINGBÉ D’UTILISER MACRON ?
Dans ce contexte, si Emmanuel Macron peut penser utiliser Faure Gnassingbé, compte tenu de la doctrine de réciprocité, nul n’est censé croire que Faure Gnassingbé et son réseau militaro-ésotérique, n’en feront pas de même. A ce jeu, qui finira par duper l’autre ?
Le diner du 10 mai 2023 avec le premier représentant des Français ressemble plus à une convocation. Cela s’apparente au rappel non pas d’un « ambassadeur » en poste, mais d’un « Président-relais en charge de la région Togo ». Dans ce contexte il est utile de rappeler que Faure Gnassingbé, méfiant, à l’instar de son homologue gabonais, Ali Bongo, s’est récemment empressé d’afficher quelques capacités d’anticipation en faisant allégeance au Commonwealth[7], un cercle où les affairistes ne s’embarrassent pas des principes des droits humains et de démocratie. Après tout, une partie du Togo dit « Togo britannique[8] », annexée au Ghana en 1957, fut temporairement une partie de l’empire britannique et de ses dépendances. Le Togo de Faure Gnassingbé a-t-il choisi de diversifier ses partenaires compte tenu de la politique africaine ambivalente et « double-standard » de la France ? Perdre le Togo par une insurrection populaire ou un imprévu du destin ne peut arranger la France d’Emmanuel Macron.
Aussi, il fallait reconstruire un contre-pouvoir franco-togolais pour que ni l’un, ni l’autre ne se fassent piéger par un Peuple togolais en colère, mais assoiffé de démocratie. En effet, face à la ruée actuelle de la population togolaise pour se faire recenser dans la perspective des élections régionales et législatives, le système Gnassingbé n’a rien trouvé de mieux que de freiner, voire empêcher, cet engouement du Peuple togolais pour attester de sa citoyenneté grâce à la carte d’électeur. Il faut savoir qu’au Togo, il faut débourser une somme pouvant varier entre 60 000 Franc CFA et 120 000 FCFA, sans compter la corruption de proximité de certains agents de l’Etat, pour obtenir sa carte d’identité. Autrement dit, la grande majorité de la population y renonce. Par contre, l’obtention de la carte d’électeur est une formalité gratuite et permet de justifier de son identité et obtenir des services dans le pays. La réalité est que face à la volonté de la population de s’inscrire sur les listes électorales, pas nécessairement pour participer à des élections truquées ou concoctées d’avance, Faure Gnassingbé, selon sa rouerie habituelle, y a supputé le danger d’une volonté du Peuple togolais de le « défier » dans les urnes. Autrement dit, le danger d’un possible avènement de la démocratie, qu’il abhorre tant. Aussitôt, le pouvoir s’est employé à multiplier les obstacles : procédures bureaucratiques, pannes diverses, absence de présence des agents devant procéder au recensement, multiplication des fichiers concurrents permettant à des étrangers de se faire recenser, exclusion systématique de la Diaspora togolaise, etc., ne sont que quelques-unes des astuces utilisées pour freiner l’engouement du Peuple togolais à se faire recenser gratuitement.
Par ailleurs, être recensé et prôner l’abstention, ou carrément ne pas voter, pourrait témoigner d’un niveau élevé de rejet, tant du pouvoir en place, que de partis politiques incapables de présenter une alternative crédible, ce qui nuirait à l’image de « DÉMOCRATE » que s’efforce d’entretenir par tous les artifices possibles Faure Gnassingbé auprès d’Emmanuel Macron et que ce dernier s’évertue malgré sa connaissance de la réalité à adouber, voire à légitimer. Mais tout a une contrepartie, surtout lorsqu’il y a un intérêt mutuel. Il suffit de quelques fissures dans la loi du silence sur ce qui s’est véritablement dit au cours de ce diner, pour que la vérité cheminant par quelques interstices ne plaise pas à certains et ne tarde pas à rencontrer des oppositions au sein même de dirigeants militaires togolais, devenus suffisamment riches et puissants, au point d’oublier l’instrumentalisation par la France et plus largement l’Occident de leur rôle, pour servir de garant de la protection et de la défense des intérêts étrangers avant l’intérêt du Peuple togolais.
3. SUSPISCION MUTUELLE ET RAPPORT DE FORCE ASYMÉTRIQUE AU PROFIT DE LA FRANCE
Dans cette ambiance de suspicion mutuelle, entre celui qui est très largement considéré au Togo par le Peuple comme un Président anticonstitutionnel et illégal et celui qui a choisi d’adouber l’autocratie africaine, alors que de manière symétrique il se conduit en autocrate dans son propre pays, lorsqu’il méprise la volonté de son peuple pour lui imposer en France son projet de retraite contre l’avis de plus de 80 % de ses concitoyens, le dîner franco-togolais du 10 mai 2023 s’apparente à un « monologue ». Il convient de noter que ce dîner s’est déroulé en tête à tête, ce qui offre l’avantage de pouvoir échanger sans témoins. Un choix délibéré ?
En effet, Faure Gnassingbé, une fois les clarifications obtenues à Paris, doit obtenir l’aval des militaires togolais qui l’ont mis et assurent son maintien au pouvoir et l’utilisent comme un porte-drapeau. Si les militaires togolais estiment que la nouvelle politique décomplexée de la France ne les arrange pas, il y aura vraisemblablement un « clash » qui pourrait prendre la forme de l’éviction d’un Faure Gnassingbé opportuniste.
Suite à son discours de réajustement de sa politique africaine, Emmanuel Macron n’a cessé de rappeler, au cours de sa dernière tournée africaine, ce de manière décomplexée, qu’il défendra dorénavant en priorité et exclusivement d’abord dans sa politique africaine « réajustée », l’approche de la « France d’abord » et « l’Europe après ». Face à un « pré carré » franco-africain rétréci suite aux conséquences du soutien indéfectible des occupants de l’Elysée à des régimes autocratiques sous des vernis démocratiques en Afrique (Tchad, Gabon, Congo, Togo, etc.), les injustices et l’arrogance diplomatique françaises ont conduit à une prise de conscience collective des citoyens.
Les accointances incestueuses entre les pouvoirs mal élus ou carrément usurpés en Afrique et les objectifs de la politique française de soutien à ses entreprises multinationales présentes en Afrique ont fini par déchirer le voile pernicieux des médias occidentaux politiquement corrects. A l’évidence et face à une concurrence de plus en plus rude venant de la Chine, de la Russie, de la Turquie et des pays du Golfe persique, le « pré carré » de la France en Afrique est en train de rétrécir du fait de la politique du deux poids, deux mesures, ce qui pousse certains observateurs à penser qu’il finira tôt ou tard à voler en éclats. Selon Emmanuel Macron, il convient de re-«bâtir une nouvelle relation équilibrée, réciproque et responsable[9]». Entre la parole et les actes, il y a comme un hic !!!
A l’épreuve des faits cela semble relever de l’incantation et du vœu pieux. Avec en filigrane toute l’histoire néocoloniale de la France en Afrique, lorsque Emmanuel Macron parle « d’humilité » et de « responsabilité » de l’action de la France en Afrique, il opte pour une approche manichéenne où le mot « armée » devient synonyme de « mercenaires » dès lors que la « compétition stratégique » que subit la France en Centrafrique, au Mali, au Burkina-Faso, mais aussi indirectement ailleurs, ne lui profite pas ou de moins en moins. Pourtant chacun sait le rôle de la légion étrangère française en Afrique. De véritables mercenaires ! Mais au profit de qui ? Au profit de celui qui détient la force, les armes et surtout qui choisit de les attribuer à ceux qui sont « considérés » comme dignes de rester au pouvoir en Afrique, à condition qu’ils défendent d’abord et parfois exclusivement, les intérêts d’une certaine France, autrement dit de quelques intérêts particuliers, ésotériques et mondialistes, bien compris.
Car la France des « en-bas-d’en-bas », n’a que rarement vu la couleur de l’usurpation des richesses de l’Afrique, du Togo en particulier. Les Français d’« en-bas-d’en-bas », ne sont jamais conviés au festin des actionnaires des multinationales. Ce sont certaines entreprises multinationales françaises qui en profitent et réinvestissent en France rapidement, sans jamais faire « ruisseler » sur les populations locales la moindre part du bénéfice qu’elles tirent de l’exploitation de leurs ressources et qui accessoirement financent aussi la campagne électorale de certains en France, en choisissant bien les candidats les plus susceptibles de servir au mieux leurs intérêts…
La boucle est alors bouclée. Il suffit pour Faure Gnassingbé de se rendre indispensable pour faciliter l’ensemble de ces transactions et perpétuer ce système de prédation, quitte au passage à se servir, lui et sa famille, son clan et son parti, pour que le système perdure et se renouvelle ad aeternam. La prédation s’accompagne de plus en plus de la prévarication en bandes organisées et liées par l’omerta. Il est alors commode pour un étranger, français de préférence, d’en profiter pour échapper au fisc français…
Dans ce contexte, les oppositions politiques alimentaires togolaises ne peuvent que servir de béquilles et d’accompagnement d’une démocrature adoubée par des puissances occidentales dont tous les efforts tendent à maintenir leur domination, alors même que les cartes des enjeux de puissance sont aujourd’hui rebattues au sein d’un nouveau monde multipolaire en formation.
Ainsi l’Afrique est devenue un terrain d’affrontement sur lequel les Peuples africains mènent des batailles de plusieurs ordres pour tenter de se réapproprier leur souveraineté : batailles judiciaires, exigence de vérité des comptes publics par la redevabilité, souveraineté économique, monétaire, militaire, affirmation de l’identité culturelle, sont, entre autres, autant de sujets qui irriguent le champ des luttes d’indépendance « totale » en cours sur le continent.
4. FAURE GNASSINGBÉ A-T-IL NEUTRALISÉ LA COUR DE JUSTICE DE LA CEDEAO ?
La Cour de Justice de la CEDEAO prendra vraisemblablement plaisir, si elle n’est pas noyautée de l’intérieur par les réseaux ésotériques, à condamner l’Etat togolais et plus particulièrement Faure Gnassingbé pour « accession illégale et anticonstitutionnelle » au pouvoir. Au demeurant, il semble que cette Cour soit prise en otage par un nouveau Greffier en chef, au demeurant citoyen togolais, qui ne répond plus aux courriers adressés par CVU-TOGO-DIASPORA et Consorts qui, au nom de victimes ayant subi des préjudices, a déposé une plainte officielle contre l’Etat togolais depuis plus de 18 mois.
Une condamnation de Faure Gnassingbé par la Cour de justice de la CEDEAO serait une opportunité pour le Président français, en respectant une décision de justice, d’aider le Peuple togolais à sortir de l’impasse dans laquelle se trouve le Togo, impasse dont une partie importante est imputable à la France, depuis le coup d’Etat militaire contre le président togolais, Sylvanus Olympio le 13 janvier 1963. Sur ce sujet précis à ce jour, il est permis de s’interroger sur les véritables motifs qui poussent soixante ans après son assassinat, les autorités de la France à persister dans leur refus de déclassifier les archives en leur possession pour que les historiens et le Peuple togolais puissent mesurer la profondeur de l’implication de la France néocoloniale dans le sort réservé au Peuple togolais, et les effets induits par la suite avec l’installation d’une dictature militaro-ésotérique clanique et familiale sous des apparences civiles.
En attendant la date du procès contre l’Etat togolais, il est demandé au Peuple togolais de rester vigilant et de s’enquérir sur le rôle exact du Greffier en chef togolais de la Cour de Justice de la CEDEAO dans le fonctionnement normal de la Cour.
5. CLIENTÉLISME ET VÉRITÉ DES COMPTES PUBLICS AU TOGO : OÙ VONT LES RECETTES PÉTROLIÈRES DU TOGO ?
Alors que l’essentiel des recettes provenant des opérations pétrolières du Togo n’est pas enregistré dans les comptes publics, celles-ci ne peuvent pas, de fait, être soumises à une investigation indépendante. Pourtant il apparaît selon les données de communication directe du rapport mensuel sur le marché pétrolier (MOMR) d’avril 2023 publié par l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) sur le marché pétrolier brut[10], que l’on retrouve le Ghana qui exporté 9,3 MT de pétrole brut, alors que le Togo voisin[11] s’est vu attribuer un montant de 1,9 MT de pétrole brut exporté[12].
Paradoxalement, il n’est nullement question des recettes engrangées dans les documents macroéconomiques de l’Etat togolais, encore moins d’un contrôle indépendant de la Cour des Comptes sur la réalité de la quantité exacte du pétrole brut exporté et des niveaux de négociations des prix opérés afin de déterminer les recettes et leurs destinations.
La question de la vérité des comptes publics du Togo et de leur publication se pose donc légitimement. Surtout à la suite des scandales relatifs à des opérations assimilables à de la corruption d’agents publics au sein du gouvernement togolais, ce en relation avec les affaires du « PetroleGate » et du « Covid-Gate ». Où vont donc les recettes tirées du pétrole brut exporté du Togo ? Est-ce possible que ces recettes puissent expliquer une forme de clientélisme institutionnalisée ? Y compris jusqu’en France comme tente de le démontrer dans un autre registre le parquet financier de Paris[13], dans l’affaire « Vincent Bolloré et ses deux principaux responsables » accusés de « gravement porter atteinte à l’ordre public économique … et à la souveraineté du Togo[14] » ?
Il est légitime de s’interroger sur la nature des mécanismes administratifs et des complicités qui permettent alors aux acteurs de cette filière de se soustraire à la vérité des comptes publics. Cette interrogation vaut non seulement au Togo, mais aussi dans les pays où le Togo exporte du pétrole brut, alors que pour l’instant il n’est permis à aucune expertise indépendante de pouvoir identifier l’origine et la traçabilité des recettes et leur destination finale, à supposer que celles-ci soient versée in fine dans les comptes de la nation togolaise ? Une question ouverte !!! Emmanuel Macron qui dispose de ses services secrets très actifs au Togo ne peut se soustraire à cette question, sauf comme d’habitude, si tout ceci est couvert sous le sceau du « secret défense » et donc a fait, entre autres, l’objet du tête à tête du 10 mai 2023. Dans ce cas, il est permis d’imaginer que cette question sera enfouie sous le thème fourre-tout de la « partenariat « France – Togo » pour défendre des intérêts communs, à moins qu’il ne s’agisse de l’intensification de la coopération bilatérale dans la lutte contre le terrorisme » que le Togo devra financer. La question est claire : Qui finance les interventions de la France en Afrique, au Togo en particulier ? Pourquoi une partie des équipements et les services-conseils doivent-être fournis ou achetés en France ou à un partenaire désigné par la France ? Encore des questions ouvertes !!!
6. MACRON FERME LES YEUX ET BOUCHE SES OREILLES…. SUR LA RÉALITÉ DES ACTES DE FAURE GNASSINGBÉ
« Reporters sans frontières (RSF) » dans son dernier rapport mondial sur la liberté de la presse a classé le Togo au 70e rang sur 180 pays, soit une « amélioration » de 30 points[15]… passant de la 100e à la 70e place sur 180 pays. Quelle crédibilité peut-on accorder à RSF sur son estimation de la liberté de la presse au Togo lorsque des journaux comme L’Alternative, Liberté, et bien d’autres, qui ont opté pour le courage journalistique en publiant le résultat d’investigations qui exposent au grand jour les turpitudes du pouvoir et ses méthodes musclées, se traduisent par des atteintes à leur liberté d’expression et leur renvoi quasi-systématique devant des tribunaux ? Pire encore, alors que les enquêtes sont documentées preuves à l’appui, la justice togolaise regarde ailleurs, ne diligente aucune instruction et ainsi absout systématiquement des présumés coupables qui n’écopent jamais d’aucune condamnation. L’actualité judiciaire à l’encontre du milieu journalistique ces dix-huit derniers mois apporte la preuve éclatante et incontestable de la réalité d’un régime liberticide au Togo.
Alors même que RSF a publié le 17 mars 2023 un communiqué intitulé : « Togo : RSF demande la non-exécution du mandat d’arrêt international lancé contre deux journalistes »[16], en l’occurrence Ferdinand Ayité et Isidore Kouwonou, qui aujourd’hui sont contraints à l’exil pour pouvoir vivre en liberté, alors qu’ils n’ont fait que dire la vérité, comment moins de trois mois après, la même organisation RSF n’a pas remis en cause sa méthodologie éloignée des réalités de l’intimidation pratiquée par les régimes autocratiques et/ou dictatoriaux au Togo. Alors que peut cacher le fait de publier une étude dans laquelle RSF fait gagner 30 places au Togo, un système liberticide ?
La situation du Togo en matière de respect des libertés publiques invite pourtant à se livrer à une analyse critique de la réalité. Il y a donc lieu de s’interroger sur la pertinence de la méthodologie utilisée par RSF pour classer les pays. Alors que de nombreux journalistes sont exilés, morts, emprisonnés, ou même gagnés par la « maladie Gnassingbé » de l’autocensure, le Togo gagne 30 places. L’assertion de RSF et son classement du Togo sont totalement incompréhensibles pour les Togolaises et Togolais, subissant depuis plusieurs décennies une pensée unique maquillée par une multitude de médias et de journaux, financés ou à la solde du pouvoir Gnassingbé. Afin d’aider RSF dans sa réflexion nous lui conseillons d’approfondir les éléments contenus dans la dernière enquête Afrobaromètre disponible concernant le Togo et de revoir sa méthodologie erronée, à moins qu’il ne s’agisse de la « face cachée » d’une mission commandée[17].
La même recommandation vaut également pour le Président français Emmanuel Macron auquel il importe de rappeler les principaux résultats de la réalité du Togo en référence à aux enquêtes récentes d’Afrobaromètre (2021 et 2022) et relative à la liberté d’expression au Togo, qui cache une méthodologie qui ne prend pas en compte l’intimidation, pour l’inciter à se défaire du logiciel françafricain dans lequel son action plonge ses racines.
Afrobaromètre a pu constater en 2021 que la majorité de Togolais, soit 54 % plus les abstentions, ne se sentent pas libres d’exprimer leurs opinions et 75 % pensent qu’ils doivent faire attention à ce qu’ils disent en politique, de peur d’être éliminé ou marginalisé dans leur vie quotidienne. « Les médias sont considérés par 53% de Togolais comme n’étant « pas assez libres » ou « pas du tout libres » de diffuser et de commenter l’actualité sans censure ni ingérence du gouvernement ». 65 % du peuple togolais est en faveur d’une « presse libre de publier n’importe quelles opinions ou idées sans le contrôle du gouvernement » et « 78 % soutiennent une presse d’investigation enquêtant et publiant sur la corruption et les erreurs du gouvernement[18] ». La démocratie -la vraie- pas celle de Faure Gnassingbé, est liée aux libertés. Or, il est impossible au Togo de publier sur la corruption et les erreurs du gouvernement, ce qui est la caractéristique d’un régime autocratique, autoritaire, voire dictatorial. Or, la majorité des Togolaises et Togolais préfèrent la vérité des urnes issue d’une démocratie sans intimidation comme système de gouvernance.
Selon les résultats d’Afrobaromètre du 28 juin 2022, « les Togolais expriment un fort soutien à la démocratie mais peu de satisfaction avec la manière dont elle fonctionne dans le pays[19] ». Apparemment, Emmanuel Macron reste sourd, muet et aveugle sur ce point. 78 % du Peuple togolais rejette la dictature. 69 % préfère une alternance du pouvoir. Mais comme pour la « retraite » en France, Ni Faure Gnassingbé, Ni Emmanuel Macron ne sont sensibles au souhait de la grande majorité de leur Peuple. Faut-il rappeler aussi que les relations entre les acteurs locaux et les citoyens ne sont pas optimales. En effet, dans le cadre de la « décentralisation et contrôle citoyen de l’action publique, les Togolais sont peu participatifs[20] » car considérant que leur point de vue n’est pas pris en compte.
Aussi, il n’est pas possible, comme le proposent certains dirigeants des partis politiques, que la lutte pour la libération du Togo se concentre uniquement sur quelques « intellectuels », fussent-ils des sages. C’est tout le peuple togolais, qui doit se mettre en mouvement, un peuple conscient, engagé et indépendant de Faure Gnassingbé et son réseau, mais aussi des réseaux ésotériques militaires et françafricains qui sont à proscrire.
Si le pluralisme médiatique comme au demeurant le pluralisme des partis politiques (plus de 114 au Togo), sont des réalités sur le terrain, il faut préciser selon l’adage que ce sont « les arbres qui cachent la forêt » de l’ignorance et de l’incompétence. Souvent, dans les faits, plusieurs de ces structures sont de près ou de loin, des soutiens inconditionnels du pouvoir Gnassingbé, quand ils ne sont pas carrément des émanations, ou même des créations ex nihilo du pouvoir lui-même pour assurer la diffusion de « sa » pensée unique, par des courtisans laudateurs, les fameux légitimateurs du système familial, clanique, militaire et ésotérique de Faure Gnassingbé.
Ainsi Emmanuel Macron doit s’interroger sur le constat établi par Afrobaromètre dans sa dépêche AD498, qui a pu rappeler « l’image dégradante de la France la situe loin derrière d’autres puissances mondiales comme modèle de développement au Togo ». En conséquence, plus de la majorité, soit « 59% des Togolais estiment que la France – contrairement autres puissances internationales – a une influence négative sur leur pays[21] ». Selon Afrobaromètre de juin 2022, « 69 % des Togolais sont persuadés de l’importance de la présence des partis politiques de l’opposition mais ont peu confiance en eux[22] ». La perte de confiance envers les partis politiques traditionnels provient justement de leur capacité à ne jamais terminer la lutte pour la libération du Peuple togolais au point de devenir des légitimateurs du système Gnassingbé, et pour certains d’entre eux, d’en vivre au point de ne pas vouloir de « changement ».
Emmanuel Macron ne peut systématiquement faire celui qui n’a rien entendu, rien vu et ne dit rien ! Un silence coupable pour camoufler les véritables intentions envers Faure Gnassingbé en cas de disfonctionnement ou de velléités d’autonomie vis-à-vis de Paris[23] ?
7. RECOMMANDATIONS DE RCDTI ET DE CVU-TOGO-DIASPORA : RECONSTRUIRE UN CONTRE-POUVOIR DE TOUS LES INDÉPENDANTS
Le rôle d’intermédiaire entre d’une part, la France et ses relais africains et, d’autre part, les pays contestant les ingérences françaises comme le Mali apparaît comme une nouvelle fonction dans la diplomatie togolaise. Si le Colonel Assimi Goïta, Président de la transition, Chef de l’Etat malien a élevé au rang de « Commandeur de l’ordre national du Mali », non pas Faure Gnassingbé, mais son ministre des Affaires étrangères, Robert Dussey, il faut croire qu’il existe une « meilleure » distinction pour celui qui officie comme le Président illégal et anticonstitutionnel du Togo. Est-ce que le Président Emmanuel Macron a trouvé son nouveau « garçon de course » pour rétablir les liens entre le Mali et la France ? Rien n’est moins sûr pour une contribution « exceptionnelle » à la résolution de la crise entre le Mali et la Côte d’ivoire ! Le Chanteur Youssou Ndour, le spécialiste du Mbalax, la musique populaire sénégalaise dérivé d’une combinaison de tambours traditionnels wolofs et de musique populaire cubaine, a reçu la même distinction sous le feu Président Ibrahim Boubacar Keïta dit IBK. Il faut espérer qu’aucun autre responsable togolais indépendant ne sera mis à l’honneur et élevé au rang de « Commandeur de l’ordre national du Mali » après un représentant de Faure Gnassingbé. Faire libérer des militaires condamnés par la justice malienne par le biais d’une grâce présidentielle alors qu’au Togo, Faure Gnassingbé met des non-militaires en prison parce qu’elles ou ils défendent la vérité des urnes apparaît anachronique et déplacée pour la grande majorité des citoyennes et citoyens togolais. Le Peuple malien n’est pas différent du Peuple togolais qui a le droit de vivre sans hégémonie française, et sans une autocratie contraire à la vérité des urnes.
Face à un Faure Gnassingbé, usurpateur du pouvoir que le Peuple togolais souverain privé d’une véritable liberté de choix par la vérité des urnes ne lui a jamais attribué, mais pourtant adoubé par Emmanuel Macron, le Peuple togolais n’a d’autres options que de se refonder à partir de la reconstruction d’un contre-pouvoir avec tous les citoyens et des groupes d’organisations citoyennes indépendants. Cela doit se faire indépendamment des partis politiques et surtout de leurs dirigeants qui ne peuvent faire vivre leur parti politique sans les subventions, souvent très larges et invisibles » de l’Etat Gnassingbé.
RCDTI et CVU-TOGO-DIASPORA rappelle que pour avoir une approche inclusive de toutes les bonnes volontés, il faut au préalable préparer ce qui va constituer la base de l’unité d’action et fonder l’identité d’une nouvelle alternative togolaise qui doit se construire aussi en tenant compte des enjeux de puissance.
Cela ne pourra pas se faire sans la confrontation d’un projet de transition politique et d’un projet de société commun et donc un projet politique crédible pour l’avenir du Togo. Il s’agit bien d’un projet de rupture et donc une alternative au système politique en vigueur, dont la préparation pourra se faire dans le cadre de conférences inclusives, digitalisées ou pas.
Le 16 mai 2023.