Les solutions africaines pour les problèmes africains, par émotion l’Afrique s’est laissé embarquer dans l’hypocrisie de la géopolitique occidentale.
Depuis la fin de la colonisation, l’Afrique a fait l’objet de beaucoup de convoitises de la part de l’occident sous le couvert de »la coopération bilatérale », qui cache mal la violente volonté de contrôler les richesses minières et toutes sortes de matières premières par l’occident à travers un système mise en place par le néocolonialisme. En effet, toutes les conventions ACP-CEE devenues plus tard ACP-UE n’ont été que le prolongement du néocolonialisme qui n’est autre qu’une exploitation capitaliste des pays du Sud par les pays du Nord, sans négliger la manipulation exercée par les puissances coloniales, qui ont réussi à désorienter plusieurs chefs d’État africains dans leur vision et volonté politique.
Ainsi, en acceptant cette association avec la Communauté Économique Européenne(CEE) devenue Union Européenne(UE), les dirigeants africains sans poser des conditions pour l’intérêt de leur peuple, se sont rendus complices d’une entreprise funeste faisant de l’Afrique la chasse gardée des États européens.
Ainsi, la France, malgré la réticence de certains de ses partenaires européens, avait fait de l’association de ses anciennes colonies avec la CEE, une condition de la réalisation du marché commun européen comme le souligne d’ailleurs le préambule du traité de Rome. Il s’agit de « confirmer la solidarité qui lie l’Europe et les pays d’outre-mer», autrement, pour certains, c’est la preuve de la volonté manifeste de maintenir la situation coloniale contre la promesse d’assurer «le développement et la prospérité» pour les états africains à partir des conventions de Yaoundé, de Lomé et de Cotonou. La question est de savoir, s’il s’agit d’une union librement consentie, et si cette association va dans le sens des intérêts de l’unité africaine. Il n’y a pas de doute qu’elle est l’expression d’une division internationale du travail en faveur de l’Europe surtout la France pour qui, il s’agit de s’assurer de la domination sur les Etats africains, avec des comportements de subordination de plus en plus marqués et confirmés aujourd’hui, par son attitude en ce qui concerne le contrôle qu’elle exerce vis-à-vis de la mutation du Franc CFA, son implication directe dans la guerre en Côte d’Ivoire, en Libye et les deux Congo, et la situation actuelle en RCA, au Mali et au Burkina Faso. Par conséquent, contrairement à ce qui se dit officiellement, schématiquement, on a plutôt assisté après les deux premières décennies d’indépendance à un «développement du sous-développement des pays africains.
Déjà, dès 1970, après la première décennie des indépendances des pays africains, le constat de la stagnation et de la vulnérabilité de l’économie des États du continent était fait. Il était nécessaire de « prendre des mesures en vue d’une restauration des fondamentaux économiques et d’adopter une approche régionale de grande portée basée essentiellement sur l’autosuffisance collective» selon Marie -Angélique Sevané.
De ce constat, l’on se rend compte de l’état de la médiocrité de l’économie des pays africains avec une forte inflation, des déficits budgétaires et commerciaux récurrents, et une faible croissance de l’économie africaine en général. Comme l’histoire se répète avec les conséquences de la guerre en Ukraine, les mêmes causes produisent aujourd’hui les mêmes effets.
Pour endiguer la déconfiture économique dans laquelle les pays africains s’embourbaient , un programme intitulé : «Plan d’Action de Lagos (PAL)» a été proposée et adopté en avril 1980 par les pays africains réunis à Lagos, avec pour objectif de ne pas compter sur la charité des pays du Nord pour construire un modèle productif purement africains, mais sur la mobilisation des populations et non sur la bureaucratie. Telle était l’ambition pour la quête de l’autosuffisance collective, pour le développement autocentré dans le prolongement de la lutte pour l’indépendance, en misant sur l’instauration d’une démocratie économique selon Achille M’Bembé. Pour lui, il s’agit d’une stratégie propre fondée sur l’idée dont le principe se résume à compter sur ses propres forces, et initier des actions qui visent l’autosuffisance national et collective dans le domaine économique et social, en vu de l’instauration d’un Nouvelle Ordre Économique International (NOEI) à travers un vaste programme de développement pour la période 1980-2000.
Ainsi le PLA a fait le choix d’une stratégie basée sur le renforcement des économies locales, la souveraineté sur les ressources naturelles, l’autosuffisance alimentaire, l’essor de l’industrialisation, la mise en œuvre d’une stratégie continentale en matière de transports et de la communication et l’intensification des échanges commerciaux et financiers interafricains, de même que le développement des Nouvelles Technologies de l’Information (NTI) sur fond de la coopération régionale.
Le NOEI qui a été envisagé comme approche de solutions pour endiguer la crise économique mondiale à l’époque, malgré ces grandes proclamations n’aura jamais lieu à cause du protectionnisme des pays du Nord. La crise de la dette des pays du Sud et le retour de l’idéologie néolibérale (avec l’avènement de Ronald Reagan aux USA, Margaret Thatcher en Grande Bretagne et Helmut Kohl en Allemagne), qui va rapidement le décrédibiliser au niveau intellectuel. Ainsi, face au Plan d’Action de Lagos, ce programme de développement à l’échelle continentale africain, les Occidentaux opposent un autre plan dénommé Programme d’Ajustement Structurel (PAS), une proposition d’Elliot Berg à travers un document intitulé «le développement accéléré de l’Afrique au Sud du Sahara».
Comme on peut le constater, l’association de l’Afrique avec l’Europe a été, dans bien de cas, une manifestation de néocolonialisme européen pour assurer une influence privilégiée à l’Europe sur la base de la de domination multiforme et globale vis-à-vis de l’Afrique, un vraie prolongement de la colonisation. Dès lors, il faut envisager une vraie rupture.
En effet, le PAL qui était envisagé comme une solution pour le développement des relations Sud-Sud a été un espoir très vite déçu avec la crise de la dette des pays africains. Ainsi les coups d’État se sont multipliés et l’espoir d’une vraie unité africaine avec une économie et un renouveau africains après les indépendances s’effondre et chaque fois, le développement économique dans beaucoup de pays était entravé par des causes internes dues aux changements brutaux des différents régimes, alimenter surtout par des causes externes, essentiellement par le néocolonialisme pratiqué par certains pays occidentaux et leur multinationales dont les conséquences ont entraîné, l’instabilité des prix des matières premières aggravée par les comportements irresponsables de certains chefs d’État qui ont pratiqué le développement à l’envers. C’est ainsi qu’avec les flux des pétrodollars à la suite du deuxième choc pétroliers, en vue de recyclage de ses pétrodollars, les banques occidentales ont cherché à développer des prêts sans se soucier des capacités des pays africains, sans aucune contrainte quant à leur remboursement.
Ainsi, l’argent emprunté a été utilisé pour financer les dépenses courantes et des projets de prestige non productif, parfois détourné par les dirigeants pour leur compte personnel. Seule une partie minime de l’argent emprunté dans la plupart des cas, a été utilisée pour des projets rentables pouvant permettre d’équilibrer leur balance commerciale. Pour le cas du Togo, se référer au rapport de la commission de l’économie et des finances de la Conférence Nationale Souveraine. L’échec de la deuxième génération des dirigeants africains après les indépendances est observé. D’où la nécessité d’une intégration économique à l’échelle continentale dans le cadre de l’Union africaine (UA) face à l’évolution du monde à une vitesse vertigineuse pour être efficace. Ainsi pour assurer la survie de l’Afrique menacée par les conséquences de la mondialisation, les dirigeants africains ont trouvé, en remplacement du PAL, un nouveau programme de développement dénommé : le Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique (NEPAD).
Le Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique (NEPAD) est un cadre juridique dont l’objectif était de permettre aux pays africains membres de l’UA, d’assurer individuellement et collectivement le développement économique global du continent. Ce plan d’action a reçu l’appui d’organisations internationales continentales et régionales, et, a pour ultime objectif de combler le retard qui sépare l’Afrique des pays développés. Le fossé à remplir est le cœur même du NEPAD et il ne s’agit pas seulement de financer des projets tous azimuts. L’Afrique considère qu’elle est dans la globalisation mais presque marginalisée au point qu’elle ne représente qu’à peine 2 % du commerce international. En termes de croissance et de développement, l’Afrique apparaît comme le dernier des continents et le plus pauvre.
Défini comme une promesse des dirigeants africains fondée sur la vision économique et politique commune, ainsi qu’une conviction ferme et partagée, le NEPAD est sensé combler le gap qui sépare l’Afrique et les pays développés dans des secteurs essentiels de l’économie. À partir du principe de la croissance endogène, le programme préconise le développement de l’intégration économique à partir de la mobilisation du capital physique, financier et humain, qui présente un triple avantage.
- L’élargissement des marchés pour la réalisation des économies d’échelles
- L’élimination des contraintes pour la libre circulation des biens et des personnes,
- La rentabilisation des infrastructures et une répartition optimale des ressources.
De ce fait, le NEPAD, à terme devrait résoudre deux préoccupations majeures :
- L’élaboration d’une nouvelle stratégie de développement
- L’insertion de l’Afrique dans le contexte de la mondialisation.
Malheureusement, les divisions nées des différentes options prises par les dirigeants africains ont exclu la possibilité de se présenter en un front uni sur le plan mondial, sauf sur certaines questions souvent de moindre importance.
Il faut noter que, c’est dans les perspectives de l’Union Africains(UA) que le NEPAD a été initié pour mieux aborder le IIIème millénaire en raison de l’essoufflement de l’OUA, dont l’objectif principal au départ était porté sur la décolonisation du continent et la fin de l’apartheid en Afrique du Sud.
Malheureusement, de même que le PAL, le NEPAD a été confronté à la non adhésion et la faible mobilisation d’une partie de l’élite intellectuelle africaine et une bonne partie de la classe politique qui se sont senti marginalisées, de même que la majorité de la population pour manque de transparence qu’exige la démocratie, la reddition des comptes, un des principes qui permet dans chaque pays la société civile d’apprécier la capacité des acteurs et de contribuer à l’appropriation de l’initiative par la population.
On se rendra compte par après que le NEPAD n’a été que d’une manière subtile, un instrument pour les institutions de Breton Woods de responsabiliser les dirigeants africains sur des questions précises qui les concernent en premier chef. Le soutien très actif de la communauté internationale de cette initiative a posé dès le départ le problème de maîtrise des dossiers. Ainsi, le G8 en consacrant une session spéciale à ce projet, s’est surtout focalisé sur des objectifs tels que : la gestion des conflits confiée à la Grande Bretagne, l’éducation et la santé pour les USA, la bonne gouvernance par l’Europe et l’Allemagne pour ce qui concerne le commerce et l’environnement. Dès lors, non seulement le G8 réduit le projet à quelques sujets clefs, mais lui ôte surtout toute sa cohérence. Comme l’a dit Nelson Mandela, «tout ce qui se fait pour vous, sans vous, est contre vous». Selon Achille M’Bembe dans son livre, Les frontières mouvantes de l’Afrique : « Les forces du mal ont pendant longtemps fait croire que les Africains sont des personnes indignes, incapables, intellectuellement faibles et corruptibles, avec une culture de résignation qui a abouti après plus de 60 ans d’indépendance à cette situation catastrophique à tous les niveaux, avec une gouvernance construite dans le sang, la douleur les larmes et l’opprobre».
Pourtant, l’Afrique aujourd’hui est une puissance démographique, avec plus d’un tiers des ressources minière au monde et 70% des terres cultivables. Malgré tous ces atouts, tous les projets de développement préconisés par l’Afrique pour l’Afrique ont tous échoué à savoir le PAL et le NEPAD à cause du manque de transparence, l’adhésion du peuple toujours marginalisé et surtout la manipulation de la communauté internationale ; tout ceci à cause d’un manque de leadership de la renaissance africaine profondément ancré dans les valeurs démocratiques.
Pour rectifier le tir, il faut, en guise d’une solution durable, une rupture total avec les méthodes anciennes et mettre fin à ce que Abdoulaye Wade appelle la «compétition ruineuse entre les pays». Tout porte à croire que, l’Afrique n’a pas encore trouvé sa voie. Comment peut-on expliquer que le continent dont les pays sont les plus riches en sous-sol ont les populations les plus pauvres, tout simplement parce que ces pays n’ont pas trouvé le chemin de leur développement.
On peut le constater, comme le disait Alpha Blondy : «Le problème de l’Afrique, ce sont les africains» surtout les deux dernières générations de chefs d’Etat qui ont succédé les nationalistes et patriotes africains et pères des indépendances en. Ces chefs d’Etat imbus du pouvoir, réfractaires à l’épanouissement de leurs peuples, hostiles au respect des principes démocratiques et à toute forme d’alternance, englués dans la culture de la violence institutionnelle pour museler toutes les libertés individuelles et collectives, et surtout incapables d’amorcer le développement du continent. Alors que la deuxième génération des chefs d’Etat africains s’est évertuée à imposer une succession dynastique de leur pouvoir qu’ils considèrent comme un capital familiale, la génération actuelle est plutôt beaucoup plus préoccupé à imposer leur «troisième, quatrième et cinquième mandats bête » selon un activiste de la diaspora togolaise. Un véritable gâchis. Il n’y aura pas de miracle, l’Afrique doit s’unir ou être recolonisé, ainsi avait avertir Kwame N’KRUMA. Pour sa part le doyen Godwin Tété in : La question nègre parlons-en encore à la page 195 affirme : « Je rêve des États-Unis d’Afrique, capables de dialoguer sur le même pied d’égalité avec les États-Unis d’Amérique, avec l’Union Européenne, avec le Japon, avec l’Inde, que sais-je encore ?! Je rêve en fin d’une Afrique où l’homme négro-africain ne sera plus étranger sur son propre sol, où il ferra enfin bon vivre pour lui». Car pour lui, ce rêve s’avère assurément être la matrice de toute avancée humaine valable. Francis Laloupo, rapporté par le même Godwin Tété nous convie à une « rupture consciente avec la recherche permanente de boucs émissaires, la cause, les raisons de notre propre faute, de nos propres manquements, de nos propres incurie. L’Afrique se doit de faire avant toute chose, de faire d’abord ce qu’elle doit faire par elle-même et pour elle-même, afin de mériter le respect et sa place dans le concret des nations». Ainsi nous croyons, et pour ce faire, il faut un nouveau leadership de la renaissance africains avec de nouveaux dirigeants capables de se réapproprier le schéma de développement préconisés par le Plan d’Action de Lagos et le NEPAD comme l’a préconisé Franz Fanon : « Toute génération doit dans une relative opacité découvrir sa mission et la remplir». L’Afrique est un continent d’avenir d’où il faut de grands bâtisseurs, des hommes de l’avenir pour relever tous les défis et bâtir à partir d’aujourd’hui une meilleure Afrique demain.
OURO-AKPO Tchagnaou
Ancien député
Janvier 2023