Révolution Togolaise / Le Tour de Garde : Où sont passe donc les parents d’élèves en grève ?

0

« Le plus haut symbole du peuple c’est le pavé. On marche  dessus jusqu’à ce qu’il vous tombe sur la tête »  Victor Hugo

« Il y a du gaz lacrymogène. Il faut les enfumer ». Des paroles qui rappellent les criminels appels au meurtre de la radio des mille-collines. Ce sont pourtant ceux d’un ministre en activité au Togo. De quel animal nuisible le ministre de la sécurité veut préserver ses administrés ? Ne vous y méprenons pas, M. Yark Damehane parle avec sa morgue meurtrière habituelle de nos enfants. Il vitupère contre le soulèvement des élèves qui réclament leurs éducateurs et refusent le sort injuste fait à 137 enseignants, sanctionnés pour le simple « crime » d’être des grévistes de l’éducation nationale. Ce ministre, convaincu d’impunité, promet un destin de rats et d’écureuils aux pupilles de la nation. Chosifier, animaliser, c’est retirer l’humanité à celui qu’on se prépare à massacrer avec l’illusoire satisfaction de servir la société et même de rendre un culte à dieu. Oui, vous l’avez compris, c’est bien à nos enfants  que le régime sanguinaire de Lomé 2 promet une fois encore la désolation et la mort. M. Yark nous annonce sans sourciller les prochains infanticides au Togo. Il en connaît la recette. Nous avons en mémoire le martyre de Douti Sinandaré et de ses amis. L’image du jeune Moufidou continue de nous hanter. Le petit Jojo et tant d’autres vies à peine écloses, sauvagement fauchées, tourmenteront longtemps notre conscience collective. Le ministre planifie d’ajouter au traumatisme de tout un peuple forcé d’assister aux massacres périodiques de ses plus jeunes fils. La force d’une nation se mesure au soin porté à ses enfants les plus faibles et les plus nécessiteux. Au Togo, ils sont massacrés sans aucun ménagement. Nous formons collectivement un grand corps malade. En prenons-nous conscience ? Permettrons-nous encore aux bourreaux de la nation, les seuls que la mort violente d’enfants innocents n’émeut guère, de continuer leur œuvre de mort ?

Ils nous affament, nous subissons ; ils nous tuent, nous courbons l’échine, nous rampons ; ils nous humilient, nous prions et nous bénissons. La vassalité, la reptation, l’esclavage et l’humiliation sont-ils les seuls horizons que nous sommes désormais capables d’offrir à nos générations futures ? Les élèves qui sont dans la rue, nos enfants, pointent sur nous un doigt accusateur. Ces frêles âmes candides nous disent notre lâcheté collective de parents et d’éducateurs démissionnaires, coupables du délitement des valeurs qui fondent la nation et balisent l’avenir du peuple. Ils ne veulent pas se résigner à l’horizon de conducteurs de moto-taxis ou de prostitués que nous leur promettons. Ils nous invitent, par l’offrande de leurs jeunes poitrines à la déferlante de la violence d’État qui nous épouvante tant, à remplir enfin notre rôle de gardiens d’âme et à les défendre contre l’ogre impitoyable qui usurpe pour le pire la noble fonction de les protéger comme la prunelle de la nation. Nos enfants nous regardent. Ils savent. Ces jeunes que nous ne savons plus voir, à qui nous ne savons plus transmettre que l’émolliente volonté de parents résignés à vivre sous la férule d’une dictature féroce, perçoivent clairement l’humiliation que subissent leurs parents et se préparent sourdement à la refuser. Violemment projetés dans les affres d’une gouvernance assassine, ils veulent désormais prendre sur leurs frêles épaules la dignité et l’honneur bafoués des parents et des enseignants, ceux-là même dont ils attendent la charpente éducative de leur vie future. Le jeune garçon qui a décidé de se pendre, désespéré d’assister, impuissant, à la misère de sa famille, ne nous crie pas autre chose. Il a été décroché à temps de sa potence. Combien y sont-ils restés pendus ? Nous sommes tous interpellés. Laisserions-nous perdurer l’ensevelissement et la mise en coupe réglée de notre maison commune par quelques oligarques ? Où sont donc les parents pendant que sept de leurs enfants sont embastillés à Tandjouaré ? Il est urgent de les rejoindre sur les miradors de la libération du peuple. Il n’y a point d’élèves sans parents et sans professeurs. La grève des enseignants nous concerne tous. Toute segmentation artificielle et politique d’une revendication légitime serait une tragique trahison.

 Jean-Baptiste K.

Partager

Laisser une réponse