Lors de sa deuxième et dernière rencontre avec les Généraux de l’armée visant à le persuader de démissionner, Robert Mugabe n’a pu s’empêcher d’éclater en sanglots en fixant longuement la photo de sa première épouse Sally Mugabe.
Il pleurait en disant ceci : « Si seulement je pouvais parler à Sally et à mon fils Michael Nhamodzenyika », rapporta un aide de son camp aux médias.
« À travers ses pleurs, l’on pouvait déceler une grande amertume et un profond regret », rajouta son aide de camp. Il nous avait aussi affirmé que Sally sa première épouse était l’amour de sa vie.
QUI ÉTAIT SALLY MUGABE?
Sarah Francesca Hayfron plus connue sous le nom de Sally Mugabe naît un jour du 06 juin 1931 au Ghana au sein de la famille de John Hayfron et marvis Hayfron.
Avec sa sœur jumelle Esther Sophia Hayfron, elles grandirent dans une famille qui soutenait la politique nationaliste grandissante de la Gold Coast (Ghana).
Les Hayfrons avaient des liens étroits avec le Premier ministre ghanéen de l’époque, Mr Kwame Nkrumah. Ils ne se battaient pas pour de l’argent dans le cadre du mouvement nationaliste au Ghana colonial.
Sally fréquentera plus tard l’école secondaire d’Achimota à Accra la capitale et rentrera ensuite à l’Université pour en sortir avec un diplôme d’enseignante.
En 1958, elle rencontra à Takoradi Teacher Training College toujours au Ghana, un certain Robert Gabriel Mugabe qui était également enseignant comme elle.La famille de Mugabe était pauvre et son père l’avait abandonné sa mère et lui en 1934 pour chercher du travail à Bulawayo, la deuxième plus grande ville de la Rhodésie du sud.
Au collège, Mugabe était connu comme un solitaire et un rat de bibliothèque tandis que sa future épouse était exubérante et belle. Leurs personnalités étaient différentes, mais leurs opinions politiques étaient en accord.Ils quittèrent tous les deux le Ghana et se rendirent dans la Rhodésie du Sud (Zimbabwe) plus précisément à Salisbury (Hararé) où ils convolèrent en noces en Avril 1961.
Ils rêvaient tous deux d’un Zimbabwe libre et s’unirent pour conduire le mouvement d’indépendance de la Rhodésie. Mais, cela aurait un prix.L’activisme politique de Mugabe l’a porté à l’attention du gouvernement d’état et en 1964 il a été condamné à 10 ans derrière les barreaux.
Deux ans après leur mariage, Sally donna naissance à un fils, Michael Nhamodzenyika Mugabe. Malheureusement, la bougie du jeune Nhamo n’a pas brûlée longtemps avant d’être rapidement et cruellement étouffée. Il a contracté le paludisme cérébral et est décédé en décembre 1966 au Ghana. Il n’avait que 3 ans. C’était une terrible tragédie pour le jeune couple, Robert et Sally.
Ce qui était déjà une tragédie insupportable a été aggravé par le refus du régime de Smith d’accorder à Mugabe la permission d’aller rejoindre sa femme pour enterrer leur fils. Ce coup était plus brutal que la main de la mort elle-même. Cela a évidemment blessé Mugabe, et bien qu’il semblât plus pardonner au régime blanc dans les premières années de l’indépendance, ses actions suggèrent plus tard que l’amertume n’avait jamais quitté son cœur.
Après l’emprisonnement de son mari et la mort de leur fils Michael Nhamodzenyika, le climat politique au Zimbabwe devenait trop agressif pour Sally. Alors, elle alla en exil au Royaume-Uni en 1967.
Son séjour en Grande-Bretagne était financé, en partie par la British Ariel Fondation, une association caritative fondée en 1960. Elle avait des liens étroits avec le gouvernement britannique qui considérait l’enseignement supérieur en Grande-Bretagne comme un moyen d’influencer la prochaine génération de dirigeants africains. Elle passa les huit années suivantes à s’agiter et à faire campagne pour la libération des détenus politiques en Rhodésie, y compris celle de son mari. Elle travailla pour l’Africa Center jusqu’à l’expiration de son visa en 1970.
Le Home Office britannique avait l’intention de l’expulser, mais plusieurs lettres de Mugabe et une pétition signée par au moins 400 députés ont finalement convaincu les autorités de lui permettre de rester.
En 1975, Mugabe libre, retrouva sa femme au Mozambique où il commença une guerre de guérilla pour l’indépendance de son pays.
En 1980, avec des antécédents de politique extrême comme base, Robert Mugabe devint le Premier ministre noir du Zimbabwe avec Sally en tant que Première Dame à ses côtés.
Elle lança alors la Zimbabwe Women’s Cooperative au Royaume-Uni et était toujours en contact avec les organisations féminines africaines de Londres.Sa compassion l’a vue surnommée : « Amai », qui signifie mère au Zimbabwe.
La soif du pouvoir de Mugabe s’agrandissait mais Sally avait la réputation de garder les pieds sur terre et de le pousser à prendre des bonnes décisions politiques.On disait qu’elle pouvait éclairer son humeur simplement en entrant dans une pièce, plus de 20 ans après que le couple ait convolé en noces.
Sally semblait avoir prévu que l’étoile brillerait très fort pour son homme. Mais elle-même n’était pas novice en politique. Elle venait d’une famille politiquement consciente. Elle avait été une activiste pendant le combat dirigé par Nkrumah pour l’indépendance du Ghana.
Alors même qu’ils se courtisaient au Ghana, la politique était au centre de leurs vies, avec un Mugabe exprimant l’angoisse de la condition de son peuple en Rhodésie du Sud où il y avait la domination raciale et la discrimination.
En tant qu’épouse politique par excellence, Sally devient la pierre angulaire de la carrière de Mugabe, avant et après l’indépendance. Comme un canard trouvant du réconfort dans l’eau, Sally a plongé dans les eaux troubles de la politique sud-rhodésienne et avait vite fait sa marque. Née et élevée en Afrique de l’Ouest, elle était aujourd’hui rhodésienne.
Le clichet voulant que : « derrière chaque homme qui réussit il y a une femme », est plus approprié pour décrire la relation entre Robert et Sally Mugabe. Elle était là quand il entra dans la mêlée; elle était aussi là lorsqu’il languissait dans les prisons de Smith et elle était juste à côté de lui quand il monta sur le trône en tant que Premier ministre du Zimbabwe nouvellement indépendant en 1980.
Le roman qui avait commencé sous les températures brûlantes de Sekondi-Takoradi a fleuri pendant que Robert et Sally devenaient le couple en puissance du Zimbabwe nouvellement indépendant.
Sally a assumé un rôle actif et visible pendant la guerre de libération dans les années 1970, en soutenant son mari, qui était désormais le leader de la ZANU.
Ceux qui l’ont connue disent de Sally, qu’elle était une femme travailleuse qui a utilisé son rôle de soutien mobile pour les combattants de la liberté et les réfugiés dans les camps au Mozambique, en Tanzanie et en Zambie.
Ils la décrivirent comme : « Une personne très pratique ». Sally a soutenu la lutte de libération de manière simple et pratique.
Dans son livre intitulé: « La Suède et la libération nationale en Afrique australe », Terry Selstrom souligne également que Sally Mugabe avait joué un rôle clé en mobilisant la solidarité et le soutien suédois pour la lutte de libération nationale. Selon Sellstrom, Hallencreutz, qui était membre du conseil d’administration de l’ASDI, a déclaré que : « l’une des personnes plus que tout autre qui a réussi à faire connaître la cause de la ZANU et du Zimbabwe au public suédois était feue Sally Mugabe.
Lorsque Mugabe était en prison, Sally a joué un rôle important en l’aidant avec des livres et du matériel alors qu’il étudiait pour ses nombreux diplômes. Dans son livre intitulé : « Dinner with Mugabe », Heidi Holland cite une interview approfondie de Patricia Bekele, nièce de Sally, qui explique comment Sally rassemblait et envoyait des livres et du matériel pour ses études. Mugabe a passé ses années en prison à étudier pour ses diplômes et à enseigner à d’autres détenus. Son adjoint actuel, Emmerson Mnangagwa, était l’un de ses étudiants.
Mais, lorsqu’ils ont découvert qu’elle ne pouvait plus avoir d’enfants, des fissures ont commencé à apparaître dans le mariage.
Mugabe a commencé à avoir des relations extra-maritales et la santé de Sally commença à se détériorer.
La perte de son fils, la séparation forcée de son mari par les autorités coloniales, les problèmes d’immigration en Grande-Bretagne et sa maladie subséquente peuvent l’avoir beaucoup blessée, mais c’est sans doute la trahison de son mari à une époque où elle était fragile dans la douleur et en phase terminale qui devait avoir tué son esprit bien avant son dernier souffle.
En effet, à la fin des années 1980, son mari à qui elle avait été si dévouée et loyale pendant tant d’années a commencé une liaison avec une jeune secrétaire qui travaillait dans son bureau. Celle-ci était Grace Marufu, mariée à un officier militaire, Stanley Goreraza avec qui elle avait déjà eu un fils.
Selon divers témoignages, Sally était depuis longtemps au courant de la relation extraconjugale de son mari et cela la blessait gravement. La romance entre Robert et Grace avait déjà produit un enfant illégitime, leur fille Bona né en 1990, deux ans avant la mort de Sally. La jeune fille porte le nom de la mère de Mugabe, la matriarche de la famille.
Son amertume était si grande que durant ses dernières années, se sentant isolée, ostracisée, trahie et voyant les machinations contre elle alors que Mugabe prenait une nouvelle femme, Sally envisagea de retourner au Ghana, son pays d’origine. Elle ne restait que par loyauté envers son mari, malgré la situation pénible dans laquelle elle se trouvait, remplacée par une seconde femme plus jeune, plus belle et plus féconde, qui avait déjà produit un enfant pour Mugabe.
Sally s’éteint le 27 janvier 1992 à l’âge de 60 ans à Hararé au Zimbabwe des suites d’une insuffisance rénale.
« Après le départ de Sally, il fallait que je cherche quelqu’un et, même si Sally traversait ses derniers jours, même si cela pouvait sembler cruel à certains, je me suis dit que ce n’était pas seulement moi qui avais besoin d’enfants. Ma mère avait tout le temps dit, qu’elle risquait de ne pas voir ses petits-enfants. J’ai donc décidé de sortir avec Grace. Elle se trouvait être l’une des plus proches et elle était divorcée. Nous avions eu notre premier enfant lorsque ma mère était encore en vie », renchérit Mugabe.
Nous ne saurons jamais comment les choses auraient pu se passer si Sally avait vécu plus longtemps. Il est difficile, voire impossible, de prédire l’histoire, car les variables sont toujours dynamiques.
Dalvarice Ngoudjou
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