Le Franc cfa «Moins qu’une monnaie, un instrument de politique budgétaire française», affirme Mamadou Koulibaly

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Ses recettes pour sortir de 71 ans de servitude

A l’initiative du mouvement « Urgence panafricaniste », le professeur Mamadou Koulibaly a animé samedi à la Chambre de commerce au Plateau, une conférence de presse sur la sortie du franc CFA, nouveau combat de plusieurs mouvements panafricains. « Sortir du franc CFA et créer une nouvelle monnaie : principes et conditions » tel est le thème qu’il a disséqué pendant plus de trois heures dans une salle acquise. Son principal invité Kako Nabukpo, économiste et ancien ministre de Faure Gnassingbé du Togo est intervenu sur certains aspects du sujet.

Le conférencier a fait l’historique des zones monétaires sterling (anglaise) et CFA (française), sur ce qu’elles ont de particulier ainsi que leurs différences. Si la zone sterling a existé et s’était montrée plus flexible et moins contraignante, ce ne fut pas le cas de la zone franc qui continue d’ailleurs d’exister, a expliqué le professeur.

On relève de son exposé que le franc CFA dans son fonctionnement est loin d’être une monnaie au sens économique du terme. Le franc CFA a-t-il expliqué, est un instrument de politique budgétaire du Trésor public français. Et c’est la France qui décide de la masse monétaire qui doit circuler dans les deux zones d’influence Cemac et Uemoa.

Historiquement, fait-il savoir, le principe d’instauration de la zone CFA sous-entend entre autres, la défense des intérêts de la France par ce qu’il appelle l’autarcie zonale par laquelle les quantités de marchandises achetées hors zone sont soumises à un contrôle. L’autre principe, la solidarité jacobine sous-entend que l’Etat français doit tout régenter et la production dans la zone est à sa charge avec contrôle de l’émission monétaire. Pour le conférencier, ces contraintes sont telles que les pays qui ont en commun l’usage du FCFA n’ont d’autres choix que la solidarité défensive selon laquelle leurs chefs d’Etat ferment les yeux sur les nombreuses insatisfactions.

Pourtant, révèle Mamadou Koulibaly, les africains peuvent se défaire de l’étau du franc CFA comme l’ont déjà fait, cite-t-il, le Maroc, la Mauritanie, la Tunisie, le Laos, le Vietnam.

« La sortie de la zone franc n’est pas une option mais une nécessité vitale, logique et historique », martèle-t-il, soulignant au passage que les pays qui en sont sortis se portent économiquement bien. L’exemple du Maroc qui est aujourd’hui le premier investisseur de l’espace Uemoa, indique-t-il. Pour démontrer que cette zone franc n’est pas économiquement viable comme le font penser les défenseurs du CFA, le président de Lider fait appel aux chiffres. Selon lui, si 40 % de l’investissement direct étranger (IDE) de la zone provient de la zone euro surtout de la France, celui-ci est en baisse au profit de la Chine, de la Suisse, du Canada et de l’Afrique du sud. En outre, indique-t-il encore, l’Angola n’est pas un pays de la zone CFA mais capte à elle seule, 8,6 milliards de dollars de l’IDE, tout comme le Mozambique (3,7 milliards), le Ghana (3,1) et le Nigeria (3,1).

Enumérant les conditions de sortie, Mamadou Koulibaly fait savoir que le pacte colonial du 24 avril 1961 et le traité de l’Uemoa prévoient la sortie du FCFA. Il cite l’article 2 du pacte qui dispose que « Si vous n’appliquez pas ce que vous avez signé, vous pouvez être exclu ». Cela signifie, selon lui, qu’on peut donc en sortir mais il reconnait que cette sortie est du seul ressort de nos chefs d’Etat qui sont les signataires desdits accords. « Il faut placer pour cela, à la tête de nos Etats des présidents qui sont pour la sortie », souligne-t-il. Cependant, il propose qu’à défaut, les sociétés civiles africaines doivent faire pression sur leurs gouvernements. Il faut donc les informer largement en distinguant les mythes des réalités pour qu’elles comprennent les enjeux économique, financier, politique et moral, suggère-t-il.

Dans la pratique, Mamadou Koulibaly donne son plan de sortie en quelques étapes. Tout en évitant les injures et les accusations gratuites, il propose qu’il faut en premier lieu s’offrir les services d’avocats nationaux et internationaux qui iront défendre le dossier à la cour internationale de justice – recruter ensuite des cabinets d’audit comptable et financier pour se pencher sur la gestion du franc CFA depuis les origines – proposer aux chefs d’Etat les termes de référence des missions d’audit ainsi définies – préparer la création de la nouvelle monnaie (son appellation, son design, les lois) – trouver les locaux pour la nouvelle banque centrale – lancer la nouvelle monnaie.

Il reconnaît toutefois que cela n’est pas sans risque mais qu’avec un peu de volonté et d’audace, il est possible d’y arriver.

Pour Kako Nabukpo du Togo, il y a dans le FCFA un problème de servitude volontaire car, selon lui, c’est nous-mêmes qui acceptons de nous maintenir dans les liens coloniaux. « Le franc CFA est une source d’instabilité, c’est une prime d’assurance que paient nos chefs d’Etat à la France pour rester au pouvoir », ajoute-t-il avant que, en guise de conclusion, Mamadou Koulibaly ne lance cet appel aux africains : « N’ayez pas peur ».

SD à Abidjan

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