Ce qui apparaissait comme une rumeur est devenu peu à peu une réalité: fini la transition issue du soulèvement populaire qui chassa Blaise Compaoré du pouvoir, fin octobre 2014. Mais, fort heureusement, les Burkinabè promettent de ne pas se laisser faire. Ils soutiennent que Diendéré et les autres voyous du RSP (une structure que Michel Kafando et Isaac Zida auraient dû demanteler dès leur prise de fonction) ne reprendront pas aussi facilement le pouvoir pour lequel ils risquèrent leurs vies. Ils se disent déterminés à occuper encore la rue et à affronter la soldatesque du sanguinaire Compaoré qui, quoique réfugié à Abidjan, n’a jamais arrêté de suivre ce qui se passe à Ouagadougou. « S’ils veulent nous tuer tous, nous sommes prêts », ajoutent-ils. Les Ivoiriens (leaders de la CNC et des partis de l’opposition qui sont restés chez eux au moment où les jeunes manifestaient, la semaine dernière) devraient vaincre leur peur et faire preuve de la même détermination, c’est-à-dire descendre dans la rue massivement et le plus tôt possible, prendre d’assaut la présidence de la République, l’Assemblée nationale, la Radio et la TélévisionI, tous les ministères, bref bloquer le pays jusqu’au départ de l’imposteur Dramane Ouattara au lieu de se résigner et de dire idiotement: « On a trop souffert en 2010-2011 pour prendre des risques, de nouveau. Laissons le Burkinabè avoir son second mandat ou encore c’est Dieu seul qui peut régler le problème de la Côte d’Ivoire ». Non, Dieu ne fera rien pour nous si nous restons passifs. Il nous veut responsables de notre pays. Il désire que nous prenions nos responsabilités comme Moïse prit les siennes face à l’oppression que subissaient les Juifs dans l’Égypte de Pharaon. Le prier ou invoquer sa grâce n’est donc pas suffisant. Il faut aussi agir et est venu, pour nous tous, le temps de l’engagement, le temps de l’action. Où que nous soyons, nous devons agir, faire quelque chose, pour sortir notre pays de cette dramatique situation.
Compaoré et Dramane Ouattara sont indiscutablement derrière la tentative de coup d’État au Burkina. Burkinabè et Ivoiriens, nous devons affronter et mettre hors d’état de nuire davantage ces deux bandits qui ont déjà fait trop de mal au Burkina et à la Côte d’Ivoire (l’un depuis 1987, l’autre depuis 1991). “N’an laara, an saara (si nous nous couchons, nous sommes morts)”, disait opportunément l’historien burkinabè Joseph Ki-Zerbo dans “À quand l’Afrique?”. Si nous ne voulons pas d’une mort collective, s’il nous reste un peu de dignité et d’honneur, nous ne devrions pas laisser ces deux criminels continuer à jouer avec nos vies, marcher sur nous et nous appauvrir. S’ils font la politique pour les Ivoiriens, si c’est vraiment le bien du pays qui les intéresse et non les avantages du pouvoir, s’ils ne veulent pas simplement accompagner et légitimer un tricheur et un dictateur, les leaders de la CNC, candidats à la présidentielle du 25 octobre 2015, devraient retirer leur candidature illico presto et se joindre au peuple pour chasser celui qui n’aurait jamais dû être à la tête de notre pays.
À quoi reconnaît-on le vrai leader? Par exemple, à sa capacité à participer aux marches de protestation organisées par tel ou tel syndicat pour plus de justice ou de liberté. Quand la Ligue ivoirienne des droits de l’homme (LIDHO) et d’autres mouvements décidèrent de marcher pour dénoncer le refus d’Houphouët de sanctionner les militaires ayant bastonné et violé en mai 1991 des étudiants à la cité universitaire de Yopougon, Laurent Gbagbo n’était pas resté chez lui pour jouer au ludo ou pour regarder un bon film à la télévision. Au contraire, il faisait partie de ceux qui marchèrent le 18 février 1992 dans le quartier des affaires. Une marche au cours de laquelle, sa femme, lui-même et d’autres personnes furent arrêtés avant d’être jetés en prison. En d’autres circonstances, on le vit même avec d’autres dirigeants du Front populaire ivoirien (FPI) prendre la tête de la marche. Pareil, en France, pour Jean-Luc Mélenchon qui marche tantôt avec les syndicats, tantôt avec ses camarades du Parti de Gauche pour s’opposer à l’austérité prônée par Bruxelles alors que plusieurs pays européens font face à une sévère récession économique. Je citerai enfin le cas du Burkina Faso où en 2014 les Zéphyrin Diabré, Ablassé Ouédraogo, Benwendé Stanislas Sankara, Guy-Hervé Kam et autres n’étaient pas peureusement terrés chez eux mais avec les jeunes et les femmes manifestant chaque jour contre la modification de l’article 37 de la Constitution burkinabè. Pourquoi rejoignirent-ils le peuple? Parce qu’ils avaient compris qu’on ne peut se dire leader et refuser de mouiller le maillot. Autrement dit, le tout n’est pas de porter le titre de leader. Encore faut-il accepter de prendre le devant de la lutte. Chez nous, malheureusement, on a l’impression que les leaders de la CNC attendent que les jeunes mènent la lutte à leurs risques et périls. Une lutte dont ils viendront ensuite récolter les fruits. Je dois affirmer que cette façon de voir les choses a peu de chances de prospérer aujourd’hui car les jeunes de notre pays commencent à “voir clair”; ils ne veulent plus faire le travail pour X ou Y; ils n’ont plus vocation à tuer seuls l’éléphant et à être oubliés lors du partage de l’animal. Bref, ils sont de plus en plus enclins à penser que “qui ne risque rien n’a rien”.
Que nous soyons jeunes ou non, que nous vivions au pays ou à l’extérieur compte peu. Ce qui est important, c’est l’engagement, le refus de se résigner car l’inaction ne fera que plonger davantage notre pays dans la dictature, la pauvreté et l’insécurité. Je ne dis pas que le combat sera facile car rien n’est jamais facile pour les peuples aspirant à la liberté et à la justice. Mais, si nous voulons être comptés demain parmi les peuples dignes, alors nous n’avons pas d’autre choix que de faire nôtre le mot de Maximilien de Robespierre:“Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est pour le peuple le plus sacré et le plus indispensable des devoirs.”
Jean-Claude DJEREKE
Cerclecad, Ottawa (Canada)
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