Décidément la comédie politique ivoirienne, version grosse farce macabre a encore de beaux jours devant elle!
La première dame blonde, au sourire intemporel a ouvert la bouche hier pour taper sur la table et demander aux parents de bien veiller sur leurs enfants, la cible d’assassins. Tout le monde est en émoi parce que en l’espace de deux mois, plus de 20 enfants ont disparu ; leurs corps mutilés et martyrisés retrouvé pour la plupart. Alors que tous les parents sont en alerte, voilà qu’en deux jours seulement, la super-police a réussi à mettre la main sur des assassins, des brouteurs, diplômés es machettes. Ô miracle, en 24h chrono, ce ne sont pas moins de 5 tueurs et voleurs d’enfants que l’on arrête, alors que les massacreurs identifiés de Duékoué, Nahibly et autres sites martyrs n’ont pas été retrouvés. Merci donc à la police de cet état de droit qu’est la Côte d’Ivoire du beau vivre ensemble d’avant les élections apaisées, transparentes et sans violences!
Mais revenons au discours de dame Ouattara qui semble être ce « cri jailli du cœur », comme l’écrivent les médias dominants. Ce texte rendu public par la Présidence, signé par l’épouse de Ouattara, -qu’il soit une composition personnelle ou la prose d’un quelconque scribe de son SerCom-, n’est pas l’œuvre d’un artiste de la plume, mais un « jaillissement » spontané de sa révolte, de son indignation, immédiatement repris en cœur par les commentaires d’abonnés de son fan club FaceBook qui rajoutent des strophes au refrain de la patronne, alors qu’ils ne s’expriment jamais pour donner leur avis sur d’autres causes, accoutumés probablement à la piécette sonnante et trébuchante qui tombe lorsqu’ils encensent la première dame, dans ses moindres faits et gestes, allant même jusqu’à la complimenter dans toutes ses toilettes et toutes ses fréquentations.
Oui cette lettre aurait pu jaillir spontanément de son cœur de mère et de grand-mère, comme elle l’écrit, si elle avait poussé son cri bien plus tôt, il y a plusieurs jours, voire plusieurs semaines déjà ; lorsque la maman du petit Bénitier, -disparu puis retrouvé mort et mutilé- s’était exprimée à la télévision le 13 janvier dernier dans l’émission « C’est midi » de la RTI1. Ce jour là, elle racontait son calvaire et s’indignait de l’indifférence générale en haut lieu face à ce drame, face au drame d’autres parents dans la même situation. Merci là encore aux journalistes d’avoir déjà à cette date relayé la douleur et l’inquiétude des familles, alors que les politiques étaient toujours encore muets.
Ces jours derniers, madame Ouattara était certainement trop occupée dans ses nombreux déplacements à l’étranger à côtoyer le beau monde de la diplomatie internationale et du business pour lancer son cri du cœur. Elle qui n’offre sa présence à Abidjan qu’entre deux avions, choisit de nous interpeller pendant une escale un peu plus longue, et en appelle à la réactivité et au pragmatisme du gouvernement via ses grands amis Hamed Bakayoko, l’homme au sensuel baisemain, et Anne Ouletto toujours présente à ses distributions de cadeaux et bon points aux populations défavorisées.
Mais face à tous ces meurtres non résolus et cette insécurité chronique depuis l’installation en grande pompe du certifié gagnant des élections de 2010, on aimerait toucher du doigt une véritable recherche de la vérité, palper un embryon de justice qui enfin prendrait forme.
Que nenni! Il suffit d’entendre les échos des procès en cours des « pro Gbagbo » qui filtrent dans la presse, pour comprendre que le faux témoignage est une valeur très cultivée sous les nouveaux tropiques ivoiriens, que la vérité est une denrée rare, que « cher frère, chère sœur » dans la bouche Dominique Ouattara s’adresse avant tout à une population bien ciblée, laissant de côté les nombreux autres sœurs et frères et leurs enfants en exil, en prison, trois pieds sous terre, et j’en passe.
Mais voilà, la responsable locale de l’Unicef, madame Adèle Khudr a sorti son communiqué avant notre première Dame, la veille déjà, exhortant le gouvernement non pas à se secouer, mais comme d’habitude à faire dans la Com “L’institution invite également le gouvernement à prendre des mesures pour sensibiliser les populations sur ce phénomène qui prend de l’ampleur pour réduire les risques d’enlèvements d’enfants et à renforcer le dispositif national d’alerte et de recherche en cas de disparition”.
Donc notre première dame, à la tête d’une fondation très sérieuse, sponsorisée par les laboratoires et les grands de ce monde, œuvrant nuit et jour pour le bien être des enfants, -il y a des photos, des reportages (Paris-Match pour ne citer que lui) et même livre dithyrambique pour en témoigner, se devait-elle aussi de sortir rapidement de sa léthargie de Blonde au Bois Dormant, ne serait-ce que pour ajouter une deuxième voix aux couplets de sa collègue de l’Unicef.
Bien sûr, comme d’habitude, la voix sera douce, suave, ensorcelante, notre mère Teresa bis ne dérangera pas le ronron de la classe politique ivoirienne qui s’est mobilisée comme un seul homme pour protester contre la boucherie de Charlie Hebdo et de la supérette casher à plus de 6000km de là, mais qui est demeurée muette devant la boucherie quotidienne en Côte d’Ivoire, qui n’émeut pas, n’émeut plus…
Comment vibrer aux belles phrases de dame Dominique, entrecoupées peut-être de sanglots, alors que cette dame ne peut qu’être complètement solidaire d’un gouvernement sourd et muet, qui a osé refuser aux parents martyrs l’autorisation de se mobiliser, de manifester pour dénoncer ces abominables crimes d’enfants, exiger des enquêtes sur leurs auteurs et leurs commanditaires. Comment peut-elle crier une douleur en harmonie avec les familles endeuillées et toutes les autres qui craignent pour la vie de leurs enfants, en cautionnant la sécheresse et l’indifférence de ceux-là même qu’elle appelle à la réactivité et au pragmatisme, après ce N ième refus d’une marche pour attirer l’attention de tous les Ivoiriens, grands et petits confondus et de dénoncer une côte d’Ivoire de l’injustice, de la pauvreté, de la violence, du chômage et de l’absence de prise en charge médicale ? Certaines voix affirment même que ce serait sa grande amie Anne Ouletto qui serait à l’origine de ces interdictions de manifester !
Décidément la comédie politique ivoirienne, version grosse farce macabre a encore de beaux jours devant elle! La blonde actrice, à l’allure de Walkyrie, dans son message larmoyant, saura-t-elle faire diversion aujourd’hui et demain, en serrant sur sa poitrine non plus des enfants, -ils sont morts-, mais des parents inconsolables et traumatisés et en leur remettant non pas un chèque de micro crédit au macro remboursement, mais la promesse d’une indemnisation financière qui couvrira ou peut-être pas les obsèques. Et cette promesse reste toujours hypothétique, car si on prend la liste des Ivoiriens « pro-Gbagbo », promis au dégel de leurs avoirs, il semble bien que ce dégel, non amorcé soit en passe de se solidifier encore, le journaliste Paul Dokoui n’a-t-il pas affirmé hier qu’il n’avait encore rien remarqué du dégel de ses avoirs, une semaine après le déblocage des comptes ?
C’est normal, me direz-vous puisque les regards de nos décideurs sont encore et toujours braqués sur une France hivernale, qui subit la neige, le froid et le verglas. Mais attention, même à des milliers de kilomètres de la métropole, tous les dérapages ivoiriens ne seront peut-être pas contrôlés. Il faudrait bien que le gouvernement cesse de prendre les ivoiriens dans la peine et la douleur pour d’eternels moutons du sacrifice. Trop c’est trop !
Shlomit Abel, 28 janvier 2014