“Magellan”, sobriquet qu’il affectionne maintenant, plus universel que Dramane, puisqu’il se l’est même approprié lors de son dernier séjour dans l’Est du pays « Je suis Magellan, c’est vrai. Mais je suis heureux d’avoir la force physique de faire ces voyages pour ramener de l’argent à la Côte d’Ivoire », a-t-t-il révélé sans rire à « son peuple » du Zanzan, qui ne connaît que la voie terrestre, celle des pistes et des routes mal entretenues…
Samedi 1er décembre, il était encore à Abidjan : il y rencontrait les ministres français Pierre Moscovici et Pascal Canfin pour signer des accords, un Contrat de Désendettement et de Développement, -C2D dans le jargon des Généreux Donateurs-, nouveau fil à la patte pour une durée de 20 ans, dans les faits CAD, Contrat d’Asservissement Durable…
Le nouveau premier ministre Kablan Dunkan, en l’absence de la Grande Chancelière, a même eu l’insigne privilège de décorer ces éminents représentants des grands bienfaiteurs français de la Côte d’Ivoire, en épinglant une décoration sur le veston de Pascal Canfin, ministre délégué chargé du Développement de la France, et en passant autour du cou de Pierre Moscovici, ministre de l’Economie et des Finances, un nouveau collier d’apparat, pacotille symbolisant le grade le plus élevé dans cette côte d’Ivoire qui médaille le tout venant, cadeau de bienvenue pour ce bon toutou de Moscovici, brave chien de garde de la Françafrique; à n’en pas douter, quelques bons os à moelle et autres joujoux accompagneront le voyage de retour en France, soigneusement rangés dans une malette à l’attention du dresseur de service son Excellence le président François Hollande…
Oui, tout ce beau monde s’est retrouvé samedi 1er décembre à Abidjan. Le « Le C2D, dont la première tranche a été ratifiée ce jour pour un montant de 413,25 milliards de FCFA, consacrera de façon globale, une remise de dette sèche à la Côte d’Ivoire, d’un montant de 600 milliards de FCFA et offrira un don de 1.900 milliards de FCFA pour le financement des projets de développement, pour un total de 2.500 milliards de FCFA » explique Mr Duncan. M. Pierre Moscovici note que le C2D est un effort financier sans précédent de la France envers la Côte d’Ivoire. Car, il représente plus de la moitié des créances du Club de Paris et 99,4% du stock total des créances bilatérales.
Oui, chers amis ivoiriens, la France, cet Ami très cher, consent « un effort financier sans précédent »pour son ami ivoirien et prend beaucoup de risques ! Ouattara n’a semble-t-il toujours pas réglé l’achat de son dernier avion à la France de Nicolas Sarkozy, mais Moscovici a confiance, il encourage les investisseurs à investir encore davantage en Côte d’Ivoire car il est certain que « ce risque est gagnant, parce qu’il y a tellement de richesses en Afrique. « Propos dont le cynisme en dit hélas trop long sur la continuité post-coloniale de l’UMPPS …
Et voilà qu’après ces échanges fructueux à Abidjan et le retour en France des pâles françafricains de la métropole, tout ce beau monde se donne rendez-vous là-bas, dans le froid et la neige. Et dès le lendemain, Ouattara débarque dans l’Hexagone et se fait accueillir à l’aéroport de Paris-Le Bourget par… son Premier Ministre, accompagné d’une dizaine de membres de son gouvernement. Le Nouveau Réveil nous en dresse la liste : le Premier ministre et ministre de l’Économie et des finances : Daniel Kablan Duncan; des ministres d’État : ministre des Affaires étrangères, Charles Diby Koffi; ministre du Plan et du développement, Mabri Toikeusse; de l’Emploi, des affaires sociales et de la formation professionnelle, Dosso Moussa; les ministres des Infrastructures économiques, Patrick Achi, de l’Environnement et du développement durable, Remi Allah-Kouadio, de l’Agriculture, Coulibaly Sangafowa, de la Santé et de la lutte contre le sida, Raymonde Goudou Coffie, du Commerce, de l’artisanat et des Pme, Jean-Louis Billon, de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique, Cissé Bacongo, de l’Industrie, Jean-Claude Brou, des Mines, du pétrole et de l’énergie, Adama Toungara … Or, tout ce gratin au garde-à-vous sur le tarmac de l’aéroport parisien, quand et comment a-t-il voyagé ? De toute évidence, dans un autre avion plus rapide (?), afin d’avoir le temps de mettre en place la haie d’honneur gentiment offerte en cadeau de bienvenue au merveilleux Boss et à son inénarrable épouse, lesquels ont voyagé de leur côté dans l’aéronef qu’ils n’ont pas encore payé.
Coût du déplacement ? Quelles Économies réalisées ? Tout ce monde s’est vu la veille, et il faut qu’ils soient encore là pour cirer les pompes du grand homme, le célèbre économiste qui débarque pour recueillir des fonds, c’est-à-dire un crédit qui resserre encore plus fort les griffes de la françafrique autour du cou de la Côte d’Ivoire. Seul nouveau «venu», l’ambassadeur Charles Gomis, beau Père du nouveau ministre du commerce Jean-Louis Billon ; lui au moins est censé habiter Paris, et pourra héberger son gendre. Deux chambres d’hôtel économisées sur la facture, à moins que la résidence de l’ambassadeur de Côte d’Ivoire n’ait plus de chambre d’amis après le passage mémorable d’Ally Coulibally qui a laissé une ardoise plutôt salée à régler après son départ !
L’accueil chaleureux à la descente d’avion terminé, conférence de presse devant son gouvernement et l’ambassadeur Gomis dans les salons de l’aéroport ; on ne nous signale la présence d’aucun officiel français, et les photos en témoignent, mais c’est normal, puisque ceux-ci étaient à Abidjan moins de 24 h plus tôt.
Les salons de l’aéroport ne sont pas un hall de gare, une salle des pas perdus, mais des pièces conviviales à la disposition des « clients » ; donc il y aura sans aucun doute une note de frais pour une prestation qui aurait pu être « gratuite » dans les locaux de l’ambassade de Côte d‘Ivoire à Paris, ou dans l’un des hôtels particuliers de monsieur ou madame Ouattara, qui n’ont jamais, au grand jamais détourné un centime… Rappelons au passage que vingt mois après le coup d’Etat, le peuple ivoirien attend toujours la publication, exigée par la Constitution, des biens des époux susdits.
Pourquoi un président africain, très endetté – pas lui, bien sûr, mais «son» pays – débarque-t-il avec au moins dix personnes de son gouvernement ? Tous ne sont pas économistes, pour participer à une conférence dont lui seul sera l’un des intervenants !c’est qu’ils sont là dans le cadre des travaux du groupe consultatif sur le financement du PND, Plan National de Développement, prévu les 4 et 5 décembre! Ils sont donc éminemment importants… Sont-ils tous là pour faire aussi du lobbying et rencontrer d’éventuels investisseurs ? Quel rôle le ministre de la santé et de la lutte contre le sida peut-il avoir dans ce genre de rencontres ? Est-ce que des industriels français seront assez naïfs pour ne pas voir la gabegie de ce gouvernement et son manque de sérieux, quand tout son maigre budget est entièrement englouti dans de l’événementiel, des effets de manche, des déclarations, des communications ?
Et si Ouattara et sa conjointe sont à Paris déjà début décembre, avant la saint-Nicolas, peut-on imaginer qu’il n’y aura pas encore de second voyage en France pour les fêtes de fin d’année ? Ne nous a-t-il pas habitué à le voir hors du pays, affairé à festoyer dignement avec ses frères blancs-maçons où champagne, caviard et petits fours sont au menu, tandis que «son» «cher»peuple de Côte d’Ivoire se serre la ceinture, n’ayant à consommer que des guirlandes électriques et, pour cette année, les trois feux d’artifices programmés pour Abidjan, Yamoussoukro et Ferké, sous le regard et aux bons soins de ses milices FRCI ? Ces dernières seront encore plus présentes dans les embuscades et autres «check-points» improvisés pour quémander leurs étrennes de Noel ; car n’oublions pas que dans la nouvelle république démocratique de Côte d’Ivoire, bon nombre d’entre eux ne sont toujours pas enregistrés et ne perçoivent en fait de salaire que le fruit de leur racket, objectivement légalisé par cette longue période d’impunité!
Quant à la Gendarmerie, autre signe du Royaume qui vient, le messie Ouattara l’a totalement démilitarisée : ces «gens d’armes» n’en ont plus, – ni sur eux, ni dans leurs casernes -, faisant de cette magnifique Eburnie, non pas un pays émergeant d’ici quelques années seulement, mais le royaume des cieux descendu sur terre, ici et maintenant, un royaume féérique scintillant de mille feux : la paix revenue, la réconciliation achevée, les investisseurs certes à l’étranger, mais assidument courtisés par notre infatigable glaneur de miettes dans leurs champs.
Oui, le pays est en marche comme un seul homme derrière son maître pélerin , juste parti se ressourcer quelques temps au Pays de Cocagne du très regretté feu «triple A», enterré par deux fois déjà par les agences de notation…
Shlomit Abel, 3 décembre 2012