2012, l’année où tout peut recommencer.

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J’aimerais, en guise d’introduction, souhaiter à vous tous, qui me faites l’honneur de lire mes billets sur mon blog, sur mes nombreux profils de réseaux sociaux, sur les sites internet d’information togolais ou dans la presse écrite locale, une bonne et heureuse année 2012. Je ne demanderai pas au Tout Puissant de vous accorder santé, succès, prospérité et longévité, mais simplement le bonheur. Pour moi, le bonheur est ce petit rien qui peut vous surprendre à tout moment, même dans l’épreuve, même dans la douleur, et qui vous procure une sensation de plénitude proche de la communion avec le Créateur. Ce sentiment est rarement durable, mais  puissions-nous être plus souvent heureux en 2012.

Pour moi, l’an 2011 a été particulièrement riche en évènements. Sur le plan personnel, les éditions l’harmattan ont été implantées au Togo, et nous avons publié nos premiers auteurs, qui désormais vont être vendus à l’international. Jaguar Security, ma société, a atteint le chiffre de 250 personnes casées dans des métiers de sécurité, en plus de la centaine que j’emploie localement. Notre showroom installé sur le boulevard circulaire commence aussi à attirer de la clientèle, faisant de ma petite personne un employeur ravi, qui galère cependant pour finir ses fins du mois. Mais c’est dans l’air du temps au Togo. Sans les marchés publics, nous les PME allons continuer encore un temps à avoir des fins de mois difficiles.

Sur le plan national, ce que jeretiens est la tenue des audiences de la CVJR. Comme je l’ai déjà dit, je n’ai jamais cru que cette commission nous réconcilierait plus que nous ne le sommes actuellement. Je doutais même de sa mise en action. Mais je me suis trompé, et tout le mérite revient à Monseigneur Barrigah qui a fait preuve de ténacité et de courage sur un dossier aussi sensible. Même si aucun présumé bourreau n’a répondu de ses crimes, les victimes ont pu soulager leur conscience. Tout le mérite des audiences se trouve là. Le résultat est maigre, mais pour les victimes, énorme.

L’an 2011 a vu aussi tomber trois mythes. Le mythe de l’inviolabilité du statut des députés avec l’exclusion des députés proches de l’ANC de l’assemblée nationale, le mythe de l’inviolabilité de la famille Gnassingbé avec le procès de Kpatcha Gnassingbé et coaccusés, et le mythe de l’inviolabilité du nord, supposé fief du parti au pouvoir, avec les émeutes dans la ville de Kara et les manifestations des élèves dans d’autres villes importantes du nord. Je ne reviendrai pas sur ces trois mythes, j’en ai abondamment parlé dans mes précédents billets.

Mais l’an 2011, c’est aussi cette tout autre triste réalité, malheureusement passée inaperçue, et qui concerne le nombre de pauvres au Togo. Selon le représentant résidant de la banque mondiale au Togo, le nombre de pauvre a augmenté de 500 000 au Togo. Ce chiffre est effarant. Il représente 8% de la population. L’équation est simple. Avec 3.7% de croissance économique, nous avons en parallèle une croissance de la pauvreté de 8%, plus du double. C’est comme si nous faisions un pas en avant, et deux en arrière. Si on cherche un argument objectif servant à démontrer que notre pays est dans l’impasse, je crois que ces chiffres sont assez significatifs.

Alors, que nous réserve l’année 2012 à mon avis ?

L’année dans laquelle nous sommes devrait être avant tout celle de la décentralisation. Il s’agit d’un processus long, complexe et périlleux, tant il peut faire renaitre les démons des conflits ethniques dans certaines localités à forte population allogène. C’est pourquoi il faut dès maintenant commencer la sensibilisation, et les préparatifs administratifs (découpage électoral, construction ou location des locaux partout où il n’y avait pas de mairie, de conseil préfectoral ou de gouvernorat).

C’est aussi l’année des réformes. Certes, le CPDC a du mal à asseoir sa crédibilité, mais nous n’avons encore rien en échange. La seule condition pour que ces réformes passent dans les meilleurs délais, c’est la volonté politique de Faure Gnassingbé. Comme je l’ai souvent répété ici, Jerry Rawlings a doté son pays d’institutions fortes alors qu’il n’avait pas une vraie opposition en face. Si le président veut, nous pouvons faire toutes les réformes en moins d’un mois, il a une assemblée nationale acquise à sa cause pour cela. Mais ne nous trompons pas, 2012 devrait être l’année des institutions fortes  (parlement, justice surtout tribunal administratif, cour des comptes, médiateur de la République, conseil économique et social…),de la transparence des scrutins (code électoral, mode de scrutin, découpage électoral…) ou du chaos. Les secousses sociales que nous avons ressenties en 2011 ne sont que les prémisses d’un tsunami qui couve, impétueux et imprévisible.

L’année 2012 devrait aussi être celle d’un nouveau type d’engagement : celui de la jeunesse aux instances de décision. En 1990, ceux qui ont mené à bras le corps la lutte pour la démocratie dans notre pays avaient notre âge. Ils avaient la fougue et l’insouciance que confère la jeunesse, et l’espérance qu’impose le combat contre une dictature. Vingt ans plus tard, il faut leur rendre hommage, et faire un travail de mémoire pour qu’on ne les oublie pas, surtout ceux qui ne sont plus. Mais vingt ans plus tard aussi, la donne a sensiblement changé. En 1990, nos ainés criaient liberté. En 2012, le mot de ralliement ne saurait plus être le même, car sur ce registre nous avons réalisé des avancées importantes, quoique incomplètes. L’ennemi du Togolais aujourd’hui s’appelle précarité (emploi, santé, sureté, formation, loisirs…). Pour combattre la précarité, la solution passe forcément par une meilleure gestion des ressources existantes, et une capacité à générer la richesse par la création d’emplois et la promotion du secteur privé. Pour ce faire, on retourne au point de départ, il faut des institutions fortes, une bonne gouvernance, et une communauté d’intérêts à l’échelle de l’action politique. L’expérience de ces vingt dernières années a montré que nos ainés des deux bords, sont restés figés dans une attitude qui sans doute était logique en 1990, mais impossible à défendre en 2012 : la prédation du pouvoir. En effet, depuis les débuts d’implantation de la démocratie dans notre pays, le RPT et ce qu’il en reste s’est cantonné dans la logique de conservation du pouvoir, pour sa valeur de trophée, et n’a orienté toutes ses actions qu’à renforcer son emprise sur celui-ci, quitte à aller contre l’intérêt supérieur de la nation. L’opposition quant à elle s’est employée exclusivement à ravir le sésame au RPT, souvent au détriment des maux récurrents que vivent les Togolais. Le résultat est là, palpable : depuis une vingtaine d’années, notre pays donne l’impression de s’être immobilisé. C’est dorénavant aux jeunes Togolais de montrer la voie. Parce qu’ils sont les plus nombreux, (60% de la population) ils sont mieux placés pour exprimer et comprendre leurs besoins. Parce que depuis longtemps, on les a utilisés comme du bétail électoral, il faut qu’ils donnent de la voix, car ils sont faiseurs de rois.

L’engagement de la jeunesse ne peut se faire que par une voie : une participation en tant qu’acteur incontournables aux futures élections à venir dans notre pays (locales et législatives). Il ne s’agit pas d’un vœu, mais d’un impératif. Dans les futurs conseils municipaux, conseils généraux ou régionaux, dans la future assemblée nationale, il faudra qu’y siègent de nouvelles personnes, issues d’appareils politiques inédits, ou de lobbies récents. Pour imprimer la rupture, et ramener le discours politique vers le citoyen. Mais ne nous y trompons pas. En 2012, ces jeunes ne feront pas des miracles. Ils ne domineront aucune instance, ils ne seront majoritaires dans aucun conseil, mais il faudrait qu’ils y soient, s’ils veulent insuffler à notre pays un nouveau départ dans dix ou quinze ans. S’ils ne le font pas cette année, plus ils attendront, et plus les années qu’ils mettront pour changer les choses dans ce pays le jour où il se décideront, s’allongeront. Mais ils sont seuls à pouvoir gagner ce pari. Ce sera nous aujourd’hui, ou nos cadets demain, mais ce sera les jeunes, car les ainés, certes avec de bonnes intentions, se sont trompés d’adversaires. Ils ont passé leur temps à se battre pour le pouvoir, alors qu’il fallait combattre pour le peuple. Le pouvoir, c’est le peuple.

Tous les jours, je scrute les médias, je sonde mes interlocuteurs, et je me désespère à trouver chez les jeunes, chez nous, cette prise de conscience conduisant immédiatement à l’action.  C’est bien dommage, car avec le délitement des anciens partis monolithiques (UFC, RPT), la période s’apprête bien à ce que d’autres fauves sortent des bois.
Pas de doute possible, cette année, tout peut recommencer, car nos plus belles victoires sont nos combats.

Hello world. Aux Togolais, soyez heureux. Normal, vous êtes Togolais.

Gerry Taama

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