« Shame on you » honte à tous en commençant par le prince du royaume des Gnassingbé. Suivent François Galley ministre de l’Enseignement Supérieur, Ampah Johnson l’inamovible Chancelier des universités du Togo, Ahadzi-Nonou Koffi président de l’université de Lomé et Tchakpélé Paalamwé Komi son collègue de l’université de Kara. Toutes ces personnalités portent la responsabilité de la dégradation des conditions sur les campus togolais. Si ça couve à l’heure actuelle à l’université, c’est par leur faute. Ils se contentent simplement de sauvegarder leurs intérêts laissant le destin des pauvres étudiants s’étioler. Sinon, dans un pays normal où le président se veut responsable, il ne permettrait jamais que l’on construise des palaces en son nom au moment où les universités manquent de tout. Des milliards volés au peuple togolais gaspillés dans l’érection de châteaux pour les escapades de Faure alors que les temples du savoir que sont les universités du Togo cherchent les infrastructures en vain pour apporter leur contribution au développement du pays. Un chef d’Etat sérieux aurait ordonné d’arrêter cette comédie de mauvais goût.
Adou Sébou, le responsable du Mouvement pour l’Epanouissement de l’Etudiant Togolais (MEET) et quatre de ses camarades, sont à l’heure où nous écrivons ces lignes, en garde à vue à la gendarmerie. Leur seul tort est d’avoir manifesté pour réclamer de meilleures conditions d’études dans les deux universités du Togo, Lomé et Kara. Et pourtant, les étudiants ont raison sur toute la ligne. Appelons chat, chat. Au lieu de se hâter pour le système LMD, pourquoi ne pas y aller progressivement ?
Les conditions actuelles d’études sur les campus universitaires togolais sont très loin de répondre aux normes d’un système comme le LMD. Mais comme le Togo est un pays anormal où le faux devient vrai et la vérité, le mensonge, les autorités gouvernementales et les responsables en charge de la gestion des universités se sont empressés d’adopter ce système sans au préalable se demander si les conditions minimales étaient réunies. Ils se sont entêtés d’instaurer le système LMD au Togo, à eux donc de payer les pots cassés. Ce n’est pas parce que les autres universités de la sous région ou de l’espace francophone sont dans le système LMD que forcément les deux universités du Togo doivent les suivre maintenant et tout de suite.
En effet, les universités togolaises ne sont pas encore prêtes pour le système Licence Master Doctorat. Cette vérité, tous les enseignants de bonne foi du supérieur au Togo vous la répéteront même les yeux fermés. Le Togo est comparable à un pays post-conflit. Les analystes et stratèges vous le diront, le Togo a connu une longue période de léthargie caractérisée par un démembrement de tout son tissu social. Avec une économie complètement à genoux dont les effets restent visibles partout dans le pays, des infrastructures obsolètes dignes de celles d’un territoire en ruine, l’on ne se presse pas de singer les autres dont tout baigne. Le fameux système LMD que le professeur Ahadzi Nonou Koffi et ses collègues tiennent à imposer tout de suite aux étudiants, parlons-en. Jusqu’ici, ces beaux messieurs nous ne convainquent pas. Leur seul argument est le suivant : Les universités Cheick Anta Diop du Sénégal, Ouagadougou au Burkina-Faso et autres sont déjà au LMD, il ne reste que nous. Des responsables vivant dans le pays qui tiennent de tels propos sont de mauvaise foi. Les infrastructures des deux universités du Togo n’atteignent pas celles de la seule université Cheick Anta Diop de Dakar. Environ 450 enseignants tous grades confondus pour 62000 étudiants et vous me parlez de quoi. Avec 4000 étudiants en première année de la Faculté des Sciences Economiques et de Gestion (FASEG) à l’université de Lomé, entassés dans les amphis comme il n’est pas permis, on veut aller vite au LMD. Dans les deux universités, les laboratoires de recherche sont aussi rares que les larmes d’un chien mais, Ahadzi, Tchakpélé, Tchamiè et autres tiennent au LMD comme à une prescription divine. Ils ne demandent pas du tout un moratoire, le temps de réunir le minimum de conditions avant de sauter le pas, oh non, ils veulent leur système LMD. Nous savons que d’aucuns parmi eux rêvent déjà de devenir ministres dans un prochain gouvernement mais de grâce qu’ils nous épargnent leurs arguties de débiles mentaux et pensent aussi aux étudiants. Même si c’est un secret de polichinelle que leurs enfants sont au frais dans les universités européennes, au Canada, ils feraient mieux de penser aux laissés pour compte qui n’ont même pas de quoi s’acheter un billet d’avion pour aller étudier outre atlantique. Nous tombons des nus lorsqu’en privé, certains enseignants reconnaissent, quoiqu’on dise, que le Togo n’est pas encore prêt pour le LMD. Si le pays n’est pas prêt pour le LMD, pourquoi François Galley, Ahadzi et autres y tiennent comme si leur vie en dépend ?
Dès le début du mois de mai, le campus universitaire de Lomé est devenu le théâtre de violents affrontements entre les étudiants réclamant de meilleures conditions d’études et les forces de l’ordre. Certains parmi les étudiants demandent la suppression pure et simple du nouveau système Licence Master Doctorat en attendant de réunir les préalables. Nous en étions là quand les responsables d’associations et mouvements estudiantins ont été convoqués autour d’une table de discussions avec les autorités. Comme si ces autorités ne connaissaient pas les dures réalités du campus. Un marché de dupes auquel le Mouvement pour l’Epanouissement de l’Etudiant Togolais (MEET) dirigé par Adou Sébou refuse de s’associer malgré les pressions. Des quatre représentants des étudiants ayant pris part aux soi-disant négociations avec le gouvernement, seul Abou Séibou du MEET a fini par s’imposer comme le seul interlocuteur crédible aux yeux des étudiants qui ne font pas confiance aux responsables des autres mouvements et associations notamment, l’UETO, le HACAME et le délégué général des étudiants de l’université de Lomé. Ces derniers, surtout les représentants de l’UETO et du HACAME sont connus comme étant de connivence avec les autorités qui les soudoient de temps à temps avec des billets de banque. Sur ce plan, ce n’est pas le ministre Pascal Bodjona lui-même pur produit du HACAME et parrain des responsables de ce mouvement qui nous démentirait. Pour la petite histoire, c’est grâce à lui qu’une cinquantaine d’étudiants du HACAME, cousins et copines compris avaient été recrutés dans la Fonction Publique en 2006. Il était directeur de cabinet du président à l’époque des faits. Et puis, la masse des étudiants doit se méfier de leurs camarades du HACAME, CAME et UETO. Ces derniers ne roulent que pour eux-mêmes. Les difficultés des autres étudiants, ce n’est pas leur affaire. Ils font semblant d’être avec leurs camarades mais leur cœur bat pour les billets de banque du pouvoir et surtout pour la fin à leur sortie d’université où ils seront embauchés sans problème. La preuve, tous les responsables des ces mouvements roulent à moto alors qu’ils sont issus de familles modestes. Allez-y savoir où ils ont trouvé les moyens.
Les universités du Togo, de hauts lieux d’acquisition du savoir-faire et du savoir être, sont devenues de véritables ghettos où les plus rusés et les habiles s’en sortent sans coup férir. Le reste du contingent étant appelé à végéter et se chercher sans se retrouver. Faute de moyens conséquents, ils sont nombreux dans les universités du Togo à se démener comme de beaux diables pour acquérir la moindre parcelle de savoir que leur jettent çà et là les enseignants.
Dans un autre registre, les enseignants sont aussi le véritable problème des universités au Togo. La plupart d’entre eux enseignent pour enseigner. Mais nous n’épargnons pas pour autant les étudiants qui doivent aussi faire des efforts pour s’en sortir malgré les nombreuses difficultés que ces lignes ici ne suffiront à énumérer. Un dicton en pays Bassar dit ceci : « Si ta mère te donne vie, débrouille-toi à ton tour pour te mettre à nouveau au monde ». Sur les 450 du corps enseignant, à peine 10% savent de quoi ils parlent souvent aux étudiants et maîtrisent la pédagogie, l’art d’enseigner et de bien transmettre la connaissance. Avec ces 10%, les étudiants n’ont aucun problème. Les enseignements se passent de commentaire et ce, avec des explications claires comme de l’eau de source. Mais avec les 90% restants, c’est de la mer à boire. Des acrobates qui embrouillent plus l’étudiant qu’ils ne lui enseignent pour la vie. Ce n’est pas parce que l’on est titulaire d’un doctorat qu’il est forcément un bon enseignant. Nous avons encore en mémoire comme si c’était hier, les gymnastiques de certains enseignants pour transmettre les résultats de leurs connaissances aux étudiants que nous étions. Il faut les voir à l’œuvre, l’on dirait qu’on les force à enseigner. Dans ces conditions, si l’étudiant lui-même ne fait pas d’effort pour aller aux autres sources de connaissance, il est foutu. Au campus, un étudiant qui aspire à être bien formé doit se former lui-même. Il doit être habile, curieux à l’extrême et savoir surtout fouiner dans les coins et recoins des bibliothèques. C’est à ce seul prix que l’étudiant peut s’en sortir. Sinon, au vu de l’état actuel des universités du Togo, il finira avec un bagage largement en deçà des attentes de la société. Et ainsi, quelles compétences de tels étudiants peuvent disposer pour apporter leur concours au développement du pays?
Baba Tunde Lynx.info