Un africain peut-il être Charlie ? La réponse est à la fois oui et non !
La polémique ne cesse pas d’enfler autour du Slogan « je suis Charlie », apparu un peu après les attentats de ces derniers jours, notamment celui du 7 janvier, où des cinglés avaient décimé une partie de la rédaction de l’hebdomadaire satirique français, Charlie Hebdo.
Vu de la France, ce slogan se justifie amplement. Il peut être interprété comme un geste de solidarité et de compassion vis-à-vis des familles si durement éprouvées. Il peut aussi être compris comme l’attitude légitime d’un peuple révolté, qui refuse de se soumettre au diktat de quelques abrutis, mus par une volonté manifeste d’ imposer à tous, leur vision étriquée et détraquée de Dieu ou du rapport au sacré.
« Je suis Charlie » peut traduire la détermination de la France profonde, de préserver la Liberté de presse et d’opinion en général qui est une valeur universelle essentielle, un Droit fondamental de l’Homme.
Qui peut alors, sans être de mauvaise foi, blâmer la France d’assumer son histoire, de pleurer ses morts ou de se protéger quand en Afrique on banalise la mort et on accepte la fatalité ?
Là où le problème semble véritablement se poser, c’est quand des africains reprennent en chœur le « je suis Charlie » ou pire, quand des dirigeant d’Afrique prennent sur eux d’assister aux côtés de François Hollande, à la marche organisée pour dire NON au terrorisme.
Un africain peut-il être Charlie ? La réponse est à la fois oui et non !
Oui, parce qu’aucun pays au monde n’est désormais à l’abri de ce que la France vient de subir. Des « fous » comme les kouachi, Coulibaly et consorts peuvent frapper partout et à tout moment, au nom d’Allah, avec partout les mêmes conséquences : la désolation et la tristesse.
Le Cameroun par exemple ne le sait que trop bien, lui dont l’intégrité territoriale est violée au quotidien, par les incursions intempestives de barbares de Boko Haram, lui qui vient de recevoir une menace directe d’Aboubacar Chekaou, le chef de cette horde d’illuminés.
Des kouachi et des Coulibaly, sont nombreux en Afrique, aussi bien chez les chrétiens que chez les musulmans.
Les désastres sociaux causés par les inepties débitées par certains soi-disant pasteurs des Eglises de réveil, ne sont peut-être pas aussi spectaculaires que les attentats de Charlie Hebdo, mais n’en n’ont pas moins des conséquences dramatiques sur l’ensemble de la structure sociale des pays concernés.
En outre, personne, en Afrique ou en Europe, en Asie ou en Amérique, ne doit mourir pour ses opinions ou son appartenance religieuse. On peut dire si on le pense et si on le veut que Dieu n’existe pas, que Marie n’était pas si vierge que ça ou que Mahomet était un crétin.
Aucun peuple ne doit être soumis à la peur par qui que ce soit, au nom de quoi que ce soit.
La mort tragique d’un seul être humain d’où qu’il soit, devrait forcément concerner l’humanité toute entière.
Dans ce sens, oui, tous les africains peuvent se dire des Charlie, au nom du principe universel de liberté si cher à tous les peuples de la terre.
Par contre, les africains peuvent ne pas s’identifier à Charlie pour plusieurs raisons :
D’abord parce que la violence dans le monde en général est générée par les puissances occidentales qui, au gré de leurs intérêts du moment, arment et combattent des groupes appelés tantôt des alliés, tantôt des terroristes, selon les circonstances.
Le massacre des palestiniens par l’armée israélienne, la décapitation de la Libye, de l’Irak de la Syrie de l’Afghanistan par l’Amérique et ses vassaux de l’OTAN dont la France, ainsi que la répartition inégale des richesses dans le monde, suscitent forcément des frustrations chez des jeunes épris de justice et de liberté.
Les groupes djihadistes les plus dangereux au monde ont, à un moment ou à un autre de leur existence, flirté avec les service secrets des grands puissances avant de s’affranchir et de se retourner contre elles, avec à la clé les tragédies qu’on déplore aujourd’hui.
Parlant du cas spécifique de la France, la difficulté pour des personnes d’origine étrangère de véritablement s’intégrer dans le tissus socioprofessionnel du pays, crée inéluctablement des frustrations, rapidement compensées par un formatage idéologique de type intégriste.
Vu dans sous cet angle, les africains peuvent penser, tout en respectant la mémoire des morts, que la France ne mérite que ce qu’elle a semé ouvertement ou en sous-main, en Afrique et partout dans le monde.
En plus, l’identification des africains à Charlie Hebdo aurait eu beaucoup plus de sens, s’il y avait une réciprocité dans l’échange des civilité en temps de malheur, entre les populations africaines et occidentales.
Malheureusement, les raids meurtriers de Boko Haram en territoire camerounais, le viol quotidien des femmes à l’Est de la RDC, les atrocités des al-shabab en Somalie et au Kenya n’émeuvent pas outre mesure les occidentaux, pour justifier cette mobilisation des africains derrière le peuple français. Le terrorisme et l’intégrisme sont la conséquence immédiate de l’arrogance du mépris et du cynisme des plus forts envers les plus faibles.
La France est donc complice de la tragédie de Charlie Hebdo, en quoi cela peut-il concerner l’Afrique ?
En définitive, Charlie est le symbole de la Liberté massacrée mais aussi de toutes les injustices cumulées, partout dans le monde.
Joli-Beau Koube