Cette scène pathétique rappelle celle de la semaine précédente survenue à Sokodé, au marché de la ville. Des femmes et des jeunes enfants rackettés, embarqués de force dans des camions à bétail, provoquant la colère des femmes et la foule des badauds scandalisés ! Ici ce sont les pèlerins venus se ressourcer au Sanctuaire ancestral des clans guins d’Agbodrafo qui sont violemment agressés, sans motifs apparents. Même des passants furent pris à partie et embarqués violemment dans d’épaisses fumées de gaz lacrymogènes ! Tout ce tumulte a provoqué panique et colère des populations.
Qui ne voit pas dans les deux cas, loin d’être des cas isolés ou fortuits, *des actes de provocation délibérés à fins de provoquer des révoltes populaires* ?
Voilà là où peut conduire l’irresponsabilité politique, la pratique inique de la manipulation et l’instrumentation de l’armée dans une nation livrée à *des forces de violence affranchies de la loi et de l’autorité de l’Etat.*
Du reste, l’absence de l’Etat crée des situations similaires à celles que crée *l’excès de l’Etat*! Un paradoxe qui s’explique.
C’est justement ce qui s’était passé durant la crise de 90. Les populations longtemps étouffées, frustrées, ruminant les rancœurs, voire la haine vont trouver soudainement l’occasion de * »se libérer »*! Les pulsions violentes longtemps contenues sous le plomb de chape d’un espace sociopolitique fermé, vont se déverser telles des laves brûlantes d’un volcan en irruption. Le pays entier est brutalement plongé dans d’épaisses et sombres nuages sous l’ombre desquels chacun s’activa à vidanger ses frustrations, à régler ses comptes, à satisfaire à ses convoitises, à ses… à ses….!!!
L’aubaine tourna au cauchemar, l’espérance au Chao et au désespoir.
Qu’est-ce qui a cloché ?
Avec le recul, tout témoin avisé et honnête, simple spectateur ou acteur, ne peut manquer de voir *le facteur contre-productif principal dans l’impréparation de la révolte,* (à ne pas confondre avec la révolution), aussi bien du côté des auteurs des événements, (les insurgés et le pouvoir contesté), que de celui des populations propulsées dans un vide politique qui permettait enfin tout, à chacun individuellement et à tous collectivement. Le pouvoir tenu responsable de tous les maux disparaît soudainement des conscience. À sa place apparut le voisin, l’autre ! Individus et groupes, le souffre douleur !
Figurez-vous la furie des populations lancées haches à la main contre les arbres protégés, la ruée des chasseurs professionnels ou amateurs contre les animaux protégés…! En milieu urbain, ce sont les pilleurs, les casseurs et les saccageurs qui s’acharnent à qui mieux sur les biens insolents de la minorité pilleuse. La revanche des pauvres, des damnés ! Les biens publics n’échappent à la furie destructrice. Tous les freins psychologiques, sociopolitiques, éthiques et… politiques furent rompus, projetant l’homme hors de ses illusions, à visage découvert, dans la lumière crue de la réalité de la nature humaine ! La ligne rouge de la liberté sans guide, sans barrière, et finalement sans but, est franchie ! Comme ce serait beau si l’on était SEUL !
Il eut pire. Figurez-vous la ruée encore plus débridée des politiciens surgis de nulle part, aux motivations et aux ambitions douteuses, plus que contradictoires, en tout cas aux antipodes de l’espérance légitime du pays. Un véritable tohu bohu, de la base au sommet.
Dans l’ensemble l’émotion l’emporta sur la raison, les peurs rivalisèrent avec les bravades et le triomphalisme infantiles !
Tout ça avait commencé par *un fait divers de trop* qui fit sauter brutalement, soudainement le couvercle surchauffé de la *boîte de pandore* qu’était devenu * »le Togo, havre de la paix »*, à l’insu de ses gouvernants aveuglés par l’opulence, l’arrogance et l’égoïsme, trop occupés à jouir de * »de leur bien-être dans la paix et la sécurité »*!
N’eut été l’incompréhensible secours de Dieu, nul aujourd’hui ne peut dire ce que ce pays serait devenu.
Le Che a parlé du *romantisme révolutionnaire* non seulement en lien avec la trahison, mais aussi et surtout, en lien avec la pseudo révolution, un *crime contre l’Esperance des peuples*! Elle consiste à abuser de la confiance naïve d’un peuple désespéré qui attend dans la résignation *un Messie libérateur,* comme les enfants attendent *la visitation du bon Papa Noël*! Sauf que *la lutte de libération* n’est ni une fête, ni *la fête de Noël*! C’est bien d’une guerre qu’il est question, quand bien même *on la voudrait pacifique*!
Les dirigeants de la *lutte de libération anti-imperialiste* dans un contexte de domination coloniale ou néocoloniale qui manquent *d’idéologie de base comme socle d’éducation populaire à la citoyenneté,* ne peuvent éviter la défaite, pour eux-mêmes et pour les populations entraînées dans l’aventure, motivées par le seul espoir d’un jour nouveau qui chante ! *Le prix de la victoire est occulté.* Aussi, face à la réalité, l’enthousiasme fait place à la déception et le courage s’évanouit. Le goût amère de l’expérience désastreuse va se transmettre aux générations futures. *C’est ainsi que l’on trahi l’Esperance.* C’est la révolution des opportunistes.
C’est le jeu que je vois jouer ceux qui croient utiliser à leurs fins les forces de l’ordre et de défense pour conclure la lutte patriotique. Le cas du Mali et d’ailleurs, semble les encourager dans cette voie précipitée. Sauf qu’ils n’ont vu que les militaires sur la scène, ERREUR grossière. Les révoltes organisées par les sociétés civiles ont précédé les militaires auxquels ils ont préparé le terrain. Pensez-vous que les dirigeants néocoloniaux endogènes de la CEDEAO et leurs maîtres exogènes, la macronie en tête, n’ont pas compris les enjeux ni anticipé la suite des événements, quand ils pressent la junte malienne à *coopter dans la confusion les civiles de la classe politique et de la société civile pour conduire la transition à durée réduite pour maximiser les chances d’échec* comme ce fut au Togo ? Pensez-vous qu’ils n’ont pas en tête les personnalités civiles de leur préférence ? Pensez-vous que la junte est dupe ?
Les leaders de la société civile malienne n’ont pas appelé les militaires au secours du peuple. Ils savent que seule l’intervention de l’armée conclura la crise. Et *l’armée interviendra seulement quand les rapports de force et d’influence auront désigné clairement le camp des vainqueurs à terme.*
Malgré ça, l’imam Dicko et ses alliés au sein du M5 crient déjà à la trahison. Mais peut-on parler de trahison là où il n’y a pas eu de deal préalable ?
Si les militaires maliens pourraient se montrer indifférents à l’idée de garder le pouvoir, les militaires togolais ne le pourront pas. La raison est tout simple : *il n’y a pas au Togo, aujourd’hui comme hier, de formations politiques, ni de société organisée préparées à l’exercice du pouvoir d’Etat qui s’imposent.*
Dans un contexte national fragmenté, aux multiples clivages et conflits politiques, économiques, sociaux et culturels, comme celui du Togo, l’armée n’intervient jamais à titre d’arbitre. À cette regrettable réalité déjà suffisante, s’ajoute *la lutte des fractions au sein du pouvoir, lutte à laquelle sont impliquées en première ligne les forces armées* elles-mêmes. Elles n’auront pas *la neutralité suffisante pour privilégier l’intérêt général, pour résister à la tentation de s’accaparer du pouvoir de prédation tant convoité*. C’est *la précieuse leçon* que les coups d’Etat qui se s’étaient succédés de 1963 à 1967, ont laissée à la postérité. Les militaires avaient réussi leurs coups parce que les politiques civiles avaient failli à leur responsabilité. La jeune élite indépendantiste et anti-indepentiste, (les partisans de l’indépendance immédiate et ceux qui étaient favorables à une indépendance dans l’union française, précurseur de la FrançAfrique), était pressée de remplacer le colon français à la fois dans ses responsabilités politiques et dans ses privilèges socio-économiques. Perspectives que la politique d’austérité du président Olympio hypothéquait à leurs yeux.
Que personne ne s’abuse à croire que *la néocolonie de prédation oligarchique date du système RPT ou de la gouvernance RPT/UNIR !*
Comme vous pouvez le voir, jeunes gens, les sujets ne manquent pour meubler vos thèmes de débats instructifs. Pourquoi cette élite qui avaient joué un rôle décisif dans la mobilisation populaire contre le colon a brillé par son absence face à une poignée de militaires ? L’armée telle qu’on la voit aujourd’hui n’existait pas. La France, instigatrice de ces *coups d’Etat méthodiquement programmés*, venait d’être défaite en Indochine, elle était à deux doigts de la défaite en Algérie, l’aventure togolaise était très risquée vu le contexte géopolitique international. Et pourtant elle s’était plutôt bien passée ! L’esprit patriotique avait fait défaut. Fermons la parenthèse.
Figurez-vous *un IBK, scotché à son fauteuil et une France qui y trouve son intérêt* ! Rien que ça ! Est-ce une coïncidence, la fuite des révélations de la DGSE française sur des rapines financières d’ADO, (Côte d’Ivoire), pendant qu’il jouait à l’antiputschiste radical au sein de la CEDEAO ? Fake ou vérité, l’événement a son intérêt de cas d’école.
Au moment où nous rédigeons ces lignes, nous apprenons que la junte malienne a trouvé un président civil intérimaire au Mali, avec un vice-président militaire, pour conduire la transition. À suivre !
Concluons
C’est une grosse ERREUR de déléguer aux forces de l’ordre et de défense la tâche de renverser le régime ou plutôt de *renverser le chef de l’Etat pour réaliser l’étrange alternance au sommet*! Pire encore, de lui déléguer la tâche primaire de déstabiliser l’ordre social pour ensuite s’en servir pour justifier leur intervention sur l’arène politique, comme si elles n’y étaient pas déjà, comme si sa présence dans la politique n’avait pas influencé *la gouvernance oligarchique de prédation* contestée !
Si cette lecture de la situation est juste, qui s’étonnera d’assister au *triomphe de la faction conservatrice du système RPT/UNIR dans laquelle pèse le poids des gradés* ?
On ne joue jamais impunément *à l’apprenti sorcier* en politique avec l’armée en général et encore moins avec une *armée de prédation néocoloniale embourgeoisée* sans culture patriotique chevaleresque. À suivre !
Que Dieu continue à nous accorder sa bonne grâce et à nous protéger pour le service de la patrie, notre maison commune.
*Le Vieux*