C’est une vieille femme de mon quartier qui m’a appris à me méfier d’elle. Cette vieillarde, considérée comme folle, qui m’avait impressionné au point que je l’aie mise dans une de mes pièces des années 80, Akakpovi reviendra, répétait chaque jour : « Agbeto xõõvi ! Xõvi ! Xõvi ! tete le mō modji mayi !», ce que l’on peut traduire par : « Bêtise humaine, ôte-toi de mon chemin ! ».
Or, le «xõvinisme » (une fois n’est pas coutume : j’ose fabriquer cet eweisme, ou ce néologisme exprès à l’adresse de nos compatriotes) règne dans notre société, tout haut et même « en haut de en haut », et peut s’engouffrer, s’infiltrer jusqu’à « en bas de en bas » comme on dirait dans le français de Moussa, français des rues d’Abidjan. Ou de Lomé. La Bêtise humaine ne veut pas s’ôter de notre chemin. Elle ne le fera pas d’elle-même, justement, parce qu’elle est…la Bêtise humaine. Au contraire, elle se nourrit, s’engraisse, se renforce, s’étale, s’accroche, s’installe là où elle n’était pas encore, occupe de l’espace, veut remplir le temps. Combien de temps ? Quarante ans ? Cinquante ans ? Cent ans ?
C’est que la Bêtise humaine croit que tout lui appartient, même le temps, puisqu’elle a la prétention d’être éternelle. Ou presque, enfin. Parce que, comme un roi, elle a toute une armée de partisans, de complices, de courtisans, tous domestiques qui le servent, lui servent de relais, de prolongement. En réalité, elle ne devrait mériter que notre mépris, mais le problème est que, comme elle est puissante, par son pouvoir de destruction, par ses capacités tentaculaires d’intrigue, elle est étouffante comme ce sombre génie oppresseur et affreux nommé ziãme- ziãme qui vous tombe dessus pendant votre sommeil au milieu de la nuit, elle est dangereuse.
Avez-vous déjà été maltraités, griffés, assommés dans votre sommeil par le cauchemar de ziãme-ziãme ? Certains disent que la Bêtise humaine est arrogante, mais en fait, son arrogance n’est-elle pas simplement celle de ces êtres qui, dans leur for intérieur, savent qu’ils sont vulnérables et qu’il suffit d’un peu de vigilance aux hommes, aux êtres raisonnables, pour que ceux-ci ne soient pas les victimes de leur puissance maléfique ?
Enfin, j’ai oublié de vous dire le nom de la vieille femme hantée par la Bêtise humaine qu’elle abhorrait, cette femme qui la chassait partout : elle s’appelait Kukueli ( il n’y a que la mort qui existe ). Qu’est-ce à dire ? Qu’elle était prête à combattre la Bêtise humaine jusqu’à sa mort ? Que, de choses l’une : ou bien la Bêtise humaine nous tue, ou bien nous l’éliminons de notre chemin, et qu’il n’y a pas de compromission à faire avec elle ?
J’ai trouvé en ce sens une déclaration sur le site iciLome que je vous invite à lire : « Claude Améganvi : Pas de compromission, ni de compris avec… » la Bêtise humaine. En langage de Kukueli, Ameganvi aurait ajouté : « Ôte-toi de notre chemin ! ».
Heureusement qu’il reste encore beaucoup de Togolais, beaucoup d’hommes qui pensent, parlent et agissent comme Ameganvi, pardon, comme Kukueli : « « Agbeto xõõvi ! Xõvi ! Xõvi ! tete le mō modji mayi ! ».
Sénouvo Agbota ZINSOU