En tout cas, ce troisième, et dernier mandat on l’espère, risque d’être le plus difficile pour Faure Gnassingbé
Il a toujours été celui de trop, que ce soit au Niger, au Sénégal, au Burkina Faso, ou au Burundi, pour ne citer que ces pays. Malheureusement, il a toujours fait recette, faisant succomber à ses charmes, des chefs d’Etat peu lucides ou perdus par les vertiges du trône. Faure Gnassingbé ne déroge pas à la règle. Foncera-t-il droit dans le mur avec les mille et une contestations qui pleuvent de son opposition? C’est ainsi qu’il vient de décrocher au forceps, grâce au concours d’une Commission électorale nationale indépendante (Céni) fortement politisée, un autre bail de cinq ans à la tête du Togo.
Certes, la loi fondamentale le lui permet, mais la situation socio-politique toujours électrique et particulièrement violente aux lendemains des élections doivent lui servir de ligne Marginot pour mettre fin à sa boulimie du pouvoir. Qui plus est, après avoir succédé à Eyadéma Gnassingbé, Feu son père, il s’est engagé dans une nouvelle ère politique plus civilisée.
Il a même suscité des réformes et autre Accord politique globale de Ouagadougou dont la mise en oeuvre aurait indubitablement servi à l’avancée du processus démocratique dans ce petit pays a ouverture maritime baptisé en son temps de « Suisse de l’Afrique », compte tenu des richesses en matière première comme le phosphate, pour ne citer que ce produit. Mais hélas!
Les génies de la division, l’appât du gain sans limite, l’exercice du pouvoir sans partage, la non obligation de rendre compte, et le culte de la personnalité qui constituent le répertoire favori des chefs de l’Etat sous les tropiques, ont fait le reste. Le gentleman Faure, au propre comme au figuré, s’est vite mué en une redoutable machine qui broie sans pitié tout ce qui pourrait constituer une entrave pour ses ambitions.
Et si ceux d’en face n’ont plus aucune alternative d’expression ou aucun moyen de participer aux affaires, notamment grâce à la tribune du parlement où ils sont mis en minorité et souvent en quarantaine, il ne leur reste plus que la rue, la violence. Sur 7 millions de Togolais pour plus de 3, 500 millions d’électeurs potentiels, Faure n’a été élu, selon les résultats provisoires de la Commission électorale nationale indépendante, (Céni), que par un peu plus d’un million de votants.
C’est dire combien la désaffection des populations est grande pour la chose politique, et singulièrement pour les élections dont on connaît toujours à l’avance, le gagnant. Au risque de faire regretter Gnassingbé père qui était tout de même un rassembleur, du reste, comme tous les anciens « guides éclairés » africains.
Mais, Faure est-il réellement le seul fautif dans cette affaire où les anciens caciques du régime Gnassingbè ne l’ont pas vraiment guidé sur le meilleur chemin, se contentant de faire fructifier leurs richesses immenses acquises à la sueur du front du peuple togolais? Faure, a-t-il eu en face de lui des opposants sincères soucieux d’apporter un changement vrai dans un Togo où l’ethnicisme et le tribalisme servent de base à la politique?
Pire, Faure n’a rencontré que des adversaires politiques farouches dans la rue et dont la seule prétention, depuis le règne de son père, n’est que de devenir Calife à la place du Calife. Quel est l’opposant, Jean Pierre Fabre s’appelle-t-il, au lieu de faire ses preuves de meneur d’hommes et surtout de développeur à la base, ne s’est-il pas contenté de ramer pour lui seul? Tout le monde veut devenir, et tout de suite président. Et c’est ainsi que les politiciens véreux embarquent des populations dans des combats, souvent fratricides, violents et sanglants qui, in fine, ne mettent en vedette que des individus assoiffés de pouvoir.
Comment dans cette logique le déficit de confiance entre citoyens togolais et politiques ne cessera-t-il de croître, au point d’amener certains Togolais, pour parler trivialement comme notre conducteur attitré de taxi-moto, à préférer « l’ancien voleur au nouveau voleur »?
En tout cas, ce troisième, et dernier mandat on l’espère, risque d’être le plus difficile pour Faure Gnassingbé qui doit faire face à plusieurs frondes dont celle de nouveaux syndicats plus déterminés dans la lutte pour la défense de leurs intérêts qui comptent bientôt accueillir le nouveau président par une grève rarement vue de vivant de Togolais.
De la même façon qu’il a mis le Togo en chantier sur le plan des infrastructures et des routes, Faure Essozimna Gnassingbé doit engager des réformes socio-politiques fortes, quitte à préparer sa retraite et permettre au Togo de tourner la page d’une génération de politiques où le chef de l’Etat veut s’enkyster au pouvoir alors que son rival ne veut point partager son titre de farouche opposant avec qui que ce soit.
Ceux qui ont la bouche fendue au mauvais endroit pensent même que Jean Pierre Fabre use de tous les moyens pour empêcher l’émergence d’opposants plus ouverts, et plus à même d’incarner les réelles aspirations du peuple. Du reste, la véritable opposition de l’Unir, le parti au pouvoir, sortira des entrailles de…l’Unir. Et à ce titre, Faure pourrait bien tirer leçon de l’amère expérience vécue par son mentor, le Burkinabè Blaise Compaoré dont les malheurs sont venus de ces militant gros calibres qui ont abandonné le navire CDP (Congrès pour la démocratie et le progrès, ancien parti au pouvoir).
Des signaux forts à l’endroit de la jeunesse en proie à un chômage ravageur. Des marques d’ouverture vers des politiques, de l’opposition ou du pouvoir, à même de contribuer au développement du pays. Une confiance juste et louable pour l’expertise togolaise souvent écartée au profit de « coopérants » aux compétences douteuses. Des initiatives pour donner toute sa place à la femme togolaise considérée comme une véritable battante, pour ne pas dire le chef de famille, depuis la nuit des temps.
Une réorganisation heureuse de l’armée qui a besoin de recoller les morceaux depuis les arrestations et autres mises à l’écart d’éléments, qui l’ont fortement divisée. Et même une réconciliation sincère d’une famille Gnassingbé en proie aux démons de la division…Ce sont autant de chantiers que doit ouvrir, en toute urgence, Gnassingbé fils, pour que le Togo se sente…Faure.
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