Togo. C’est bien parti, si…

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Tout le monde s’accorde pour dire que quelque chose bouge au Togo. En tout cas, le mouvement est en marche.

Oui, c’est parti, à condition que nous nous rappelions constamment la situation d’où nous partons, tout en ayant, bien sûr, les yeux ouverts sur le but à atteindre.

Nous sommes partis d’une situation où l’on nous avait fait croire qu’il suffisait de disposer d’un appareil militaro-policier suffisamment redoutable et prêt à terroriser la population, à réprimer toute contestation pour conquérir et conserver le pouvoir. Évidemment, dans un tel contexte, la démocratie, le dialogue etc. ne sont, au mieux que de mauvaises blagues, au pire que des paravents à un pouvoir foncièrement dictatorial et répressif.

Nous sommes partis d’une situation où l’on voulait nous inculquer qu’il suffisait d’être le fils de…ou de… pour conquérir le pouvoir et le conserver. Et là aussi, aucun autre mérite n’est exigé de ceux qui prétendent incarner la nation togolaise pour parvenir au plus haut sommet de l’Etat togolais. Les fils de… et de…, tout naturellement se croyaient dispensés de passer par des élections démocratiques et transparentes, puisque pour eux,  l’accession au pouvoir se fait par voie héréditaire. Parfois deux fils de…, opposés l’un à l’autre, sont prêts à en découdre, au mépris de la vie de leurs partisans respectifs, pour conquérir le pouvoir.  Ces fils de… ou de… n’ont aucune vision eux-mêmes de la nation, ne sont porteurs d’aucune promesse pour l’avenir. Leurs seules références sont leurs pères, c’est-à-dire le passé. Certains ont même pensé que pour exercer le pouvoir, il faut être de telle ou telle famille, de telle ou telle ethnie. Et, ne nous est-il pas arrivé de nous sentir offusqués quand, observant la liste des dirigeants d’un parti, d’un mouvement de l’opposition, nous n’y trouvons pas de noms qui ressemblent aux « nôtres », ceux de notre ethnie, de notre région etc.? Point n’est besoin de dire que le tribalisme est l’une des sources de nos divisions, de nos maux. Que notre régime est plus clanique que républicain.

Nous sommes partis d’une situation où une simple déclaration d’un chef d’Etat étranger vaut une élection au Togo, yeux fermés et oreilles bouchées sur les fraudes patentes, les cris de révolte des populations, le sang versé, les cadavres des victimes, immolées pour maintenir le pouvoir en place; une situation où une simple lettre de félicitations d’une puissance étrangère qui a intérêt à ce qu’un tel pouvoir militaro-policier, clanique, héréditaire et sanguinaire au besoin, reste toujours en place, suffit pour proclamer le vainqueur d’une élection manifestement frauduleuse. Pour être juste,  même parmi les hommes politiques de cette puissance étrangère, ceux qui sont honnêtes, comme le fut Philippe Seguin  ( paix à son âme) en 1993, reconnaissent que ce type d’élection n’a aucun sens. Rien, évidemment n’a changé au Togo, depuis cette déclaration de Philippe Seguin, malgré la mort d’Eyadema qui s’était alors auto-proclamé vainqueur de ce type d’élection.

Nous sommes partis d’une situation où l’argent pouvant servir à tout acheter, le pouvoir en place, qui dispose des caisses de l’Etat comme on dispose de biens personnels, ne se prive pas d’en user pour acheter les voix, les consciences, pour commanditer des attentats meurtriers contre les opposants qui peuvent le gêner, comme Tavio Amorin, Atsutsé Agbobli…Et ne parlons plus de massacres des opposants anonymes, des citoyens innocents, par centaines.

Nous sommes partis d’une situation où le pouvoir, quand il se sent acculé, joue  la carte du dialogue sournois dont il connaît d’avance l’issue : sa propre conservation au détriment de toute avancée démocratique réelle.

Nous sommes partis d’une situation où les soutiens extérieurs du régime sont prêts, sous le prétexte fallacieux de servir de facilitateurs du dialogue inter-togolais, à s’immiscer dans nos affaires. Le résultat, nous le connaissons : ce n’est pas l’intérêt du peuple togolais qui prévaut dans cette forme d’immixtion, mais la défense, en fin de compte, du pouvoir et par conséquent les intérêts des facilitateurs. Qui dira encore aujourd’hui qu’un Blaise Compaoré a intérêt à ce qu’une véritable démocratie s’instaure au Togo, aux portes du Burkina Faso où lui-même règne en dictateur invétéré, expert en élections gagnées d’avance? Qu’on ne nous fasse plus le coup de Ouaga II, ni même celui de l’APG.

Nous sommes partis d’une situation où les détenteurs du pouvoir connaissant le faible de certains Togolais pour les postes, les portefeuilles ministériels et sachant que cela ne leur coûterait pas grand chose d’en gratifier quelques membres parmi les opposants, les leur offrent volontiers pour les acheter. Les détenteurs du régime savent que cela peut être une arme pour diviser l’opposition et ils n’hésitent pas à en user.

Nous sommes partis d’une situation confuse au sein de l’opposition où certains rêveurs, se prenant chacun pour le nouveau messie, croient que la solution consiste à créer une nouvelle association, un nouveau parti sous leur propre houlette, ne parlant d’unité que du bout des lèvres ou ne concevant cette unité que dirigée par eux-mêmes. Comme s’il nous fallait cent, mille, dix mille messies!

Situation, au total, inacceptable, révoltante, non seulement pour les citoyens togolais, mais aussi pour des hommes simplement honnêtes.

J’ai écrit une fois que ce pouvoir tue , de différentes manières. Je le répète ici. J’ai été heureux d’entendre, de la bouche de Zeus Ajavon, un des initiateurs du Collectif Sauvons le Togo, que ce pouvoir n’a aucune légitimité pour appeler les Togolais à un quelconque dialogue. Il y a plusieurs années déjà que beaucoup de citoyens togolais disent cela. On les entend enfin!

Je ne prétends  pas être exhaustif dans ces rappels.

Tout ce qu’il faut dire, c’est que nous devons, nous citoyens, être suffisamment vigilants, que nos responsables de l’opposition doivent anticiper, dans leur stratégie, pour savoir quelle carte de son cru le régime serait prêt à jouer à différents moments : répression brutale, assassinats ciblés, perfides, tribalisme, argent, postes, facilitateurs, prétendue communauté internationale ( il ne s’agit, bien sûr, pas de crier au complot à chaque instant mais de faire preuve de discernement ).

Mettre fin à ce régime abject qui prend des millions de Togolais en otages, les traite en nigauds, et construire une nouvelle société, n’est-ce pas à cela que nous aspirons?

Oui, c’est bien parti si nous ne regardons que le but à atteindre : la fin de cette situation qui ne correspond ni à celle d’une démocratie véritable, ni aux aspirations du peuple togolais. Quand toutes les cartes dont dispose le régime auront échoué contre le mouvement actuel, alors il écoutera l’opposition, alors nous atteindrons notre but. La communauté internationale aussi reconnaîtra le bien-fondé de notre lutte et notre détermination.

C’est bien parti si nous-mêmes, nous ne faisons rien pour faciliter la tâche au régime, pour lui prêter flanc.

Renverser cette situation calamiteuse dont nous sommes partis est une véritable révolution, une exaltante révolution. Je vois encore plus grand : les Togolais, par les tourments, les échecs qu’ils ont connus,  par les nombreux sacrifices consentis, le courage acquis dans l’épreuve, sont bien armés pour réussir et servir d’exemple à d’autres peuples africains. Je suis de ceux qui pensent que quelque  chose de grand, d’historique peut se passer en Afrique, en partant du Togo.

 Sénouvo Agbota ZINSOU

 

 

 

 

   

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