Si donc l’opposition togolaise veut obtenir ces réformes tant réclamées, je conçois qu’elle exige un dialogue avec le pouvoir en place, mais je ne comprends pas qu’elle crie partout qu’elle va recourir aux prêtres, pasteurs, ayatollahs et aux ambassadeurs qui, il n’y a pas si longtemps que cela, l’avaient entraînée à des élections législatives qu’elle savait qu’elle allait perdre, et qu’elle a perdues effectivement. Qui a fourni à Gnassingbé l’argument dont il s’est servi pour répondre à Jean-Pierre Fabre, que les réformes se feront à l’Assemblée Nationale? Avec la complicité de qui?
Á cet énième dialogue aujourd’hui réclamé, elle va encore perdre, perdant du même coup définitivement la face, et toute crédibilité peut-être. Commençons donc par combattre les trois géants du mal : la paresse, celle de l’esprit qui nous pousse à recourir, par automatisme, aux mêmes recettes ( APG et tous les cadres permanents de dialogue, rénovés ou pas) qui nous ont toujours mal servis, l’oubli qui nous fait prendre le Togo pour une théocratie, les religieux pour une institution républicaine, et les chancelleries étrangères pour un supra-pouvoir au Togo; enfin l’ignorance qui nous fait croire que si des prêtres, des pasteurs et des imams se mêlent de la politique, la réussite nous est garantie.
La question qui se pose est de savoir par quoi remplacer la paresse, l’oubli et l’ignorance. Eh bien, par le travail qui consiste à œuvrer d’abord et avant tout à une véritable unité de l’opposition, qui soit sans arrière-pensée et sans calculs politiciens, une unité parfaite ( c’est là le sens à donner aux sept tours de Jéricho au bout desquels tout le peuple hébreu était d’un même cœur et d’une même âme) avant l’assaut final; par la présence à l’esprit que le but du combat est de restaurer au Togo les valeurs républicaines; enfin, la conscience qu’il ne s’agit pas de nous, en tant qu’individus, mais de la nation togolaise.
Tant que les trois géants du mal en nous ne sont pas vaincus, chassés et remplacés par ces trois valeurs, nous nous condamnons nous-mêmes à un mouvement perpétuel de va-et-vient, à des errements et à des brouhahas incessants autour de Jéricho, sans jamais parvenir à renverser ses murailles, hautaines et moqueuses.
Même les plus grands exorcistes parmi ces prêtres, pasteurs, ayatollahs, évêques (encore moins les ambassadeurs ) ne pourront chasser ces trois géants. Il nous appartient de le faire nous-mêmes.
Sénouvo Agbota ZINSOU
[1] Cité dans Byzance et le christianisme, par Olivier Clément, PUF, 1964, p. 10