Togo. Autour de Jericho !

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Nous faisons, nous voulons aujourd’hui faire une utilisation du biblique, du religieux, voire du spirituel, le tout parfois mélangé, sciemment ou inconsciemment, qui ne nous sert pas vraiment, qui ne va pas nous servir et nous permettre de sortir de la crise. Nous décidons de notre propre chef de faire les tours de Jéricho que nous réduisons à trois au lieu de les accomplir de manière parfaite, c’est-à-dire bien sept fois, par paresse ou oubli ou ignorance (les trois géants du mal, d’après Marc l’Ermite )[1]. Or, ces trois géants du mal nous poursuivent, nous rattrapent, nous écrasent. Sur le plan politique, bien entendu. La paresse a été de croire qu’il suffisait de faire les trois tours pour que le régime que nous combattons tombe. Il n’est pas tombé. Au contraire. L’oubli est que le Togo est (devrait être)   une République laïque, dotée d’institutions démocratiques et que, même si nous sommes croyants et devons continuellement, chaque jour, chaque nuit, prier Dieu pour qu’Il le protège, le bénisse, Il ne descendra pas du ciel pour faire à notre place ce que notre intelligence et nos mains pourraient faire. C’est bien ce que nos ancêtres ont compris en inventant le proverbe : « Soulève ta charge jusqu’aux genoux avant de demander à Dieu de te la porter sur la tête ». Et ce ne sont pas les hommes qui ont pour profession de nous dispenser les vérités religieuses qui iraient démentir ce que Dieu nous a ordonné à nous tous, les lois de Dieu sous tous les cieux. Surtout, lorsque ces serviteurs de Dieu eux-mêmes trouvent nécessaire de s’allier à des laïques, ambassadeurs, entre autres, pour résoudre des problèmes qu’il aurait suffi aux envoyés de Dieu de brandir « le bâton » de Moise pour régler par miracle ( je n’ironise pas ). Enfin, l’ignorance, (si toutefois cela relève réellement de  l’ignorance, s’agissant de gens très instruits et très intelligents), est que l’adversaire (politique, je veux dire et non le diable ou  le pharaon d’Égypte) lui-même recourt plus facilement que nous aux mêmes pères spirituels, religieux, prêtres, évêques, pasteurs, ayatollahs etc. pour obtenir ce qu’il désire. Nous le savons depuis la mise en place de la Commission Vérité-Justice-Réconciliation qui a donné les résultats que nous connaissons : combien parmi les victimes sont satisfaits de ses travaux? Combien ont obtenu réparation?

Si donc l’opposition togolaise veut obtenir ces réformes tant réclamées, je conçois qu’elle exige un dialogue avec le pouvoir en place, mais je ne comprends pas qu’elle crie partout qu’elle va recourir aux prêtres, pasteurs, ayatollahs et aux  ambassadeurs qui, il n’y a pas si longtemps que cela, l’avaient entraînée à des élections législatives qu’elle savait qu’elle allait perdre, et qu’elle a perdues effectivement. Qui a fourni à Gnassingbé l’argument dont il s’est servi pour répondre à Jean-Pierre Fabre, que les réformes se feront à l’Assemblée Nationale? Avec la complicité de qui?

Á  cet énième dialogue aujourd’hui réclamé, elle va encore perdre, perdant du même coup définitivement la face, et toute crédibilité peut-être. Commençons donc par combattre les trois géants du mal : la paresse, celle de l’esprit qui nous pousse à recourir, par automatisme, aux mêmes recettes ( APG et tous les cadres permanents de dialogue,  rénovés  ou pas) qui nous ont toujours mal servis, l’oubli qui nous fait prendre le Togo pour une théocratie, les religieux pour une institution républicaine, et les chancelleries étrangères pour  un supra-pouvoir au Togo; enfin l’ignorance qui nous fait croire que si des prêtres, des pasteurs et des imams se mêlent de la politique, la réussite nous est garantie.

La  question qui se pose est de savoir par quoi remplacer la paresse, l’oubli et l’ignorance. Eh bien, par le travail qui consiste à œuvrer d’abord et avant tout à une véritable unité de l’opposition, qui soit sans arrière-pensée et sans calculs politiciens, une unité parfaite ( c’est là le sens à donner aux sept tours de Jéricho au bout desquels tout le peuple hébreu était d’un même cœur et d’une même âme) avant l’assaut final; par la présence à l’esprit que le but du combat est de restaurer au Togo les valeurs républicaines; enfin, la conscience qu’il ne s’agit pas de nous, en tant qu’individus, mais de la nation togolaise.

Tant que les trois géants  du mal en nous ne sont pas vaincus, chassés et remplacés par ces trois valeurs, nous nous condamnons nous-mêmes à un mouvement perpétuel de va-et-vient, à  des errements et à des brouhahas incessants autour de Jéricho, sans jamais parvenir à renverser ses murailles, hautaines et moqueuses.

Même les plus grands exorcistes parmi ces  prêtres, pasteurs, ayatollahs, évêques (encore moins les ambassadeurs ) ne pourront chasser ces trois géants. Il nous appartient de le faire nous-mêmes.

Sénouvo Agbota ZINSOU

[1] Cité dans Byzance et le christianisme, par Olivier Clément, PUF, 1964, p. 10

 

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