Le pire des crimes n’est pas celui qu’on commet, mais celui qu’on laisse commettre
Les derniers événements en provenance du Togo sont marqués par l’urgence de la réponse que toute une nation doit apporter à l’agression des terroristes au nord du pays. Les enjeux sont cruciaux et la menace réelle. Comment résoudre la quadrature du cercle de l’entrée en guerre d’un chef sans légitimité et sans troupe, face aux puissances du mal dont la déferlante risque d’emporter les fondements même de la nation.
Cette préoccupation essentielle, est polluée depuis un certain temps par un psychodrame au sein de l’Alliance Nationale pour le Changement (ANC), présidée par un ectoplasme politique appelé Jean-Pierre Fabre.
De quoi s’agit-il au juste ? Ce parti, qui n’est plus que l’ombre de lui-même depuis ses 4 % récoltés lors de la dernière consultation présidentielle, continue bruyamment sa longue agonie et sa descente aux enfers par la suspension et l’expulsion de certains de ses cadres. C’est ainsi que l’honorable Ouro Akpo est suspendu des instances décisionnelles du parti. Quant aux sept membres de la fédération de l’Europe, déjà en délicatesse avec les caciques du parti, ils sont purement et simplement renvoyés. Comme des malpropres.
Le tort des bannis est de réclamer des réformes pour une meilleure lisibilité des lignes directrices du parti, une clarification des soupçons de collusion avec le pouvoir et un renouvellement des instances dirigeantes de l’organisation. Pour le chef de ce parti c’est un suprême affront qui confine au crime de lèse-majesté. L’audace a déclenché les foudres du parti contre les importuns, attachés à la démocratie, qu’ils ont cru pouvoir exercer en interne. Erreur.
L’événement fait l’objet d’un remous médiatique digne d’un Thriller, au point de détourner l’attention du togolais de l’essentiel. Une surprise, car en vérité que vaut encore l’ANC dans le Landerneau politique togolais, au point que l’on s’attarde sur les décisions d’exclusion de ses membres ? Plus grand-chose.
L’ANC n’est pas un parti politique. Elle ne l’a jamais été. Il s’agit d’une usurpation de titre et de qualité. Son acte de naissance l’atteste. C’est une nébuleuse schismatique issue de l’Union des Forces du Changement (RFC), à la suite de l’accord UFC-RPT de 2010, négocié par les mêmes frondeurs en rupture de ban pour des questions bassement matérielles. Ils vont sauter le pas et créer un nouvel avatar de leur maison mère qui est l’UFC. Désormais, la nouvelle chapelle va s’illustrer dans l’application de l’accord de 2010 sans jamais l’admettre, laissant à l’UFC le poids de la réprobation et de l’opprobre de toute une nation. L’ANC va de ce fait recycler un discours nationaliste et souverainiste frelaté, servant de paravent idéologique à la réalité de leur action : l’accompagnement actif de la dictature. Il ne s’est jamais agi pour ce parti de prendre le pouvoir et de l’exercer. Il préfère, en véritable traître, adopter la posture oppositionnelle, à grands coups de mentons faussement virils, tout en travaillant à renforcer les liens avec les satrapes de la nation togolaise. Il n’est point question de renverser la table, en révolutionnaire, mais de se servir dans la gamelle, en réactionnaire. L’ANC n’a de changement que de nom. Elle s’accommode du statu-quo comme seul horizon politique, en attendant que le pouvoir Françafricain, las de la dynastie des Gnassingbé, fasse appel à elle pour perpétuer le pillage et l’avilissement de la nation.
Fille de la duplicité, cette organisation a vécu dans le dualisme et meurt en pleine contrition imparfaite. Tout au plus est-elle un centre de profit maquillé en théâtre d’ombres, animé par des illusionnistes qui voient progressivement les fils de leur manipulation se briser les uns après les autres, laissant des marionnettes désarticulées, éberluées par leur liberté retrouvée.
Quelle formation politique ou civique ce parti propose et dispense à ses membres ? Aucune. ? C’est bien là pourtant une fonction fondamentale d’un parti politique. Que dit l’ANC des signes des temps ? Quelle est sa position sur la Françafrique ? Il est remarquable que ce parti produise un discours anti-colonial tout en renforçant la soumission à la colonialité. Il faut trouver les portes d’entrée auprès des responsables français, faire le pied de grue au quai d’Orsay et se réjouir d’être enfin reçu par un obscur secrétaire, au énième sous-sol de la diplomatie française.
L’ANC participe au funeste projet d’exploitation effrénée de notre pays. Que pense ce parti du franc CFA qui saigne 14 pays de la zone franc depuis 75 ans ? Que dit ce parti des tendances réelles à la recolonisation de nos États par les puissances impérialistes ? L’ANC s’est-elle prononcée sur l’agression sauvage des mercenaires et des terroristes contre nos États avec la cohorte de morts et de populations déplacées au sein de nos paisibles campagnes ? ? Que dit l’ANC des pressions exercées sur nos États pour accepter des bases militaires de la France et de l’occident global pour les assujettir et renforcer la mainmise sur les richesses du Golfe de Guinée ? La dé-dollarisation et la multi-polarisation du monde ont-elles trouvé droit de cité auprès des instances dirigeantes de l’ANC ? Quid du changement de régime au Togo ? Un vide sidéral de la pensée politique.
Sur ces enjeux cruciaux, ce parti qui revendique une grandeur de façade, construite avec le soutien actif de la dictature, est complètement inaudible. Or, c’est précisément sur ces thèmes structurants que l’on attend un véritable parti politique, attaché à la défense de la souveraineté de la nation.
L’ANC porte les stigmates du regroupement de circonstance poursuivant des buts inavouables, que les plus lucides comme M. Comi Toulabor, ont tôt fait de discerner. La vaniteuse vacuité du verbe d’un leadership médiocre traduit à suffisance cette supercherie. Écoutez attentivement parler ses représentants les plus en vue, et vous entendrez le hoquet du mensonge, le désert d’une parole inhabitée, désincarnée et donc inaudible. Leur langue est distordue par la duplicité et les compromissions dont M. Bawara a témoignées lors des obsèques du secrétaire général du parti.
Les plus candides ou les plus passionnés, conduits par le discours anesthésiant des Pangloss, commencent eux aussi à s’éloigner de cette engeance de fossoyeurs. L’exclusion ou la suspension est sans nul doute ce qui peut leur arriver de mieux.
Les chefs de l’ANC ont les yeux rivés sur les prochaines élections factices, avec l’espoir de négocier des sinécures et des strapontins, généreusement octroyés par Lomé 2. Ils justifient leur nature de politicards, ventriloques de la vulgate de la dictature. Les vrais hommes d’État ont le regard fixé sur la génération suivante. C’est tout l’honneur du politique.
Le peuple togolais ne s’y trompe plus. Il rejette à présent massivement cette béquille de la dictature qui neutralise tout changement de régime. Le torpillage de la révolution de 2017 portée par M. Tikpi Atchadam l’illustre. La même action a été reconduite lors de la révolution électorale du 22 février 2020 qui a vu la victoire éclatante du Dr Kodjo Agbéyomé. Le rôle nocif de ce parti de cadres cupides et véreux, a encore aidé à la circonscrire.
À présent, il faut se rendre à l’évidence. L’ANC est en état de catalepsie politique avancée. Elle garde néanmoins le suc vénéneux de la traîtrise et de la compromission qu’il faudra extirper. Le fruit du palmier ne se cueille qu’en sacrifiant les palmes protectrices. L’ANC est allée jusqu’au bout de ses fautes. Il est temps qu’elle sache pourquoi il ne fallait pas les commettre. À bon entendeur… ?
Par Jean-Baptiste K.