Un destin exceptionnel l’attend, car il va régner…38 ans et ne tirera sa référence que le 5 février 2005…
Le 13 janvier 1963, au petit matin, s’en est allée à jamais la jeune Première République du Togo : Mr Emmanuel Bodjollé, Mr Janvier Chango, Mr Etienne Eyadema, Mr James Assila, Mr Albert Alidou, Mr Kleber Dadjo, Mr Koffi Kongo, Mr Ayité et Mr Mensah, les neuf mousquetaires, tous militaires, en leurs rangs, grades et corps, venaient de donner un coup de pied à la jeune démocratie togolaise…Ce premier coup d’Etat, premier du genre en Afrique, coûta la vie au Premier Président démocratiquement élu du Togo, Sylvanus Olympio… Le peuple togolais et l’Afrique toue entière, se réveillent médusés et tétanisés, en cette matinée du dimanche, 13 janvier 1963…
Mais au fur et à mesure que les heures de cette terrible journée passaient, la vérité s’incrustait dans l’esprit de chaque togolais et chaque Togolaise. Sylvanus Olympio, le père de l’indépendance, est mort et la plupart de ses ministres sont sous les verrous. Ce dimanche 13 janvier, confirme la malédiction du chiffre 13, qui de tout temps, a porté malheur aux humains ! Pour ceux qui ne le savent pas, vous ne trouverez jamais un hôtel digne de ce nom dans le monde où une chambre porte le Numéro 13 ! …
Si beaucoup de togolais furent surpris par ce coup d’Etat, beaucoup d’autres l’attendaient et le souhaitaient ardemment, comme une délivrance, vu le climat délétère qui prévalait dans le pays. Le ministre de l’intérieur et de l’information, Mr Théophile Mally , avait pourtant prévenu le Président Olympio du coup d’Etat, la nuit du 10 janvier 1963 et demandé une autorisation pour mettre les forces de l’ordre en état d’alerte maximum. Mais le Président n’en fit rien, dissuadé par deux de ses ministres , qui traitèrent leur collègue de l’Intérieur de « védomèto qui dramatisait tout » ! Le « védomèto », c’est–à-dire le broussard ! Et le « védomèto » Théophile Mally est l’un des rares ministres présents à Lomé qui a pu s’enfuir sans être arrêté !…
Aussi incompréhensible qu’inexplicable, aucune manifestation dans les rues de Lomé ce jour, ni les jours suivants, contre les putschistes ! Ceux qui se disaient les fervents défenseurs et soutiens du Président, ainsi que les « ablodesodja », ces milices ignares qui terrorisaient les opposants du CUT, se sont volatilisés et ont mouillé leurs culottes. Le plus surpris des observateurs togolais et étrangers fut Jacques FOCCART, le Monsieur Afrique du Président de Gaule, l’ordonnateur du meurtre du Président togolais qui, au soir du 16 janvier 1963, confiait à des amis, autour d’une table bien garnie, à Paris : « Ces togolais sont de vrais couards ! Personne n’a bougé à Lomé, à la mort de leur Président ! Espérons qu’il en sera ainsi, quand les autres vont trinquer ! ».
Et le général de Gaule lui-même, devait confier à ses collaborateurs, quelques jours plus tard, cette sombre prémonition : « Ils vont tous y passer ! »…
Ils, ce sont les chefs d’Etat africains que Foccart s’est évertuer à liquider pendant une décennie au moins!…
Le 16 janvier 1963, Le Comité Insurrectionnel fit appel à Mr Nicolas Grunitzky, l’ancien Premier Ministre du Togo Autonome (12 septembre 1956-16 mai 1958), l’ancien patron du Parti Togolais du Progrès (P.T.P.), l’ancien député à l’Assemblée Nationale française, pour diriger le pays, sous la surveillance stricte des militaires…
Nicolas Grunitzky est né le 5 avril 1913, d’un père allemand, commerçant, Harry Grunitzky, qui a eu au total, onze enfants au Togo et Nicolas Grunitzky est le fils de sa sixième femme africaine, maman SOSSIMÈ, originaire d’Atakpamé…
Le 5 mai 1963, Grunitzky organise un référendum national avec élection présidentielle et des législatives qui envoient au Parlement 56 députés. Il prête serment le 10 mai 1963 comme deuxième Président de la République du Togo, et le 14 mai, il forme un gouvernement composé comme suit :
Nicolas Grunitzky, Président de la République, ministre de la Défense et de l’Intérieur
Antoine Meatchi, vice-président, ministre des Finances, de l’Economie et du Plan
Georges Apédoh-Amah, ministre des Affaires Etrangères
André Kuevidjen, ministre de la Justice
Samuel Aquereburu , ministre des Travaux Publics, Transport Postes et Télécommunications
Ombri Pana, ministre de la Fonction Publique, du Travail et des Affaires sociales
Pierre Adossama, ministre de l’Education nationale
Firmin Abalo, ministre de l’Economie rurale, Agriculture, Elevage, Eaux et Forêts
Dr Valentin VOVOR, ministre de la Santé
Jean Agbemegnan, ministre du Commerce et de l’Industrie
Salomon ATAYI, ministre de l’Information
Ministre délégué à la Présidence : Fousseni Mama
Mais ce gouvernement est boudé par la Communauté africaine et au sommet de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA), cette année-là, le Togo n’est pas accepté !
On se rappelle de la répartie célèbre de notre ministre des Affaires Etrangères, Mr Georges Apedoh-Amah : « Si on ne veut pas de nous, nous nous en irons, c’est aussi simple que possible ! »… ET la délégation togolaise reprit l’avion, bredouille, pour Lomé…
Mais Grunitzky et son équipe ne resteront au pouvoir que 3 ans, 11 mois et 28 jours…
En effet, le 13 janvier 1967, le Chef d’Etat-major de l’armée togolaise, le lieutenant- colonel Etienne EYADEMA, prit le pouvoir « afin de mettre fin à la confusion politique », qui, selon lui, a créé « une psychose d’une guerre civile imminente »…
En effet, Nicolas Grunitzky et son vice-président, Antoine Méatchi , se sont mis à se haïr et à se combattre à mort, eux qui étaient alliés depuis de longues années dans la coalition P.T.P.-U.C.P.N., qui avait engrangé 14 députés de l’opposition, face aux 32 députés de la coalition CUT-Juvento de Sylvanus Olympio et Me SANTOS, le 27 avril 1958! Le clash définitif entre les deux hommes survint quand le vice-président Meatchi limoge le ministre Mama Fousseni, devenu ministre de l’Intérieur, en l’absence du Président Grunitzky, en déplacement à Paris !
Le 21 novembre 1966, 5000 loméens envahissent les rues de la capitale, à l’appel du CUT, dirigé alors par Noé Kutuklui, pour réclamer la démission de Grunitzky et du gouvernement. L’armée hésite à suivre le mouvement, et dès que certains étourdis ont commencé à crier aux femmes kabyè, dans les marchés et les maisons, « de rentrer chez elles au Nord », Eyadema vit rouge et mata l’insurrection, rétablit Grunitzky dans tous ses pouvoirs… Noé Kutuklui s’enfuit à l’étranger, mais sera liquidé plus tard sans autre forme de procès !…
Mais ce n’est que partie remise, car, le 13 janvier 1967, l’Armée reprend le pouvoir, avec un colonel Kleber Dadjo, l’officier le plus ancien dans le grade le plus élevé, comme Président de la République, …pour la galerie…
Le 15 avril 1967, Etienne Eyadema devient Président de la République et constitue un gouvernement de 4 militaires et 8 civils… Un destin exceptionnel l’attend, car il va régner…38 ans et ne tirera sa référence que le 5 février 2005…
A suivre…
Dr David IHOU, Consultant en Géopolitique et stratégie sécuritaire