Quand Léandre Sahiri conte le beau parcours de George Weah [Par Jean-Claude Djereke]

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Le livre, “George Weah, du ghetto à la magistrature suprême”, j’ai aimé le lire; je l’ai trouvé fort passionnant. Et ce n’est pas seulement parce que celui qui a eu la bonne idée de l’écrire a su trouver les mots et le ton justes. S’il m’a tenu en haleine jusqu’à la dernière page, c’est aussi parce que l’itinéraire de G. Weah est à la fois original et plein de leçons. La première et grande leçon que nous donne le “Ballon d’or 1995” est celle de la patience et de l’humilité. En effet, lorsque Weah fit connaître son ambition de diriger le Liberia, certaines personnes lui opposèrent l’argument selon lequel il était intellectuellement limité et manquait d’expérience politique. Au lieu d’emprunter les raccourcis antidémocratiques et meurtriers que sont les coups d’État et les rébellions, Weah retourna sur les bancs de l’école, puis se fit élire sénateur dans son fief. Il se présenta à l’élection présidentielle deux fois (en 2005 et en 2011) mais les Libériens lui préférèrent Ellen Sirleaf Johnson. Cet échec, loin de le décourager, le poussa à travailler davantage son projet de société et à mieux s’imprégner des problèmes et défis de son pays. En un mot, Weah fit le choix d’attendre son heure et cette heure arriva, le 26 décembre 2017, quand il l’emporta largement et brillamment face au vice-président Joseph Boakai.

Le second enseignement que je tire de cet ouvrage, bourré de croustillantes anecdotes, c’est qu’un enfant de pauvre n’est pas condamné à terminer sa vie dans la pauvreté. Comme le dit bien L. Sahiri, “rien n’est, d’avance, ni prédestiné ni prédéterminé, ni préétabli. Dieu, s’il est admis qu’Il existe, ne dispose pas de notre vie comme on dispose des pions sur un plateau du jeu de dame ou d’échec” (pp. 36-37).

Pour devenir riches, conquérir ou conserver le pouvoir, certaines personnes sont prêtes à tuer des enfants comme c’est le cas en ce moment en Côte d’Ivoire avec l’affaire Bouba, du nom du garçonnet de 4 ans enlevé et vidé de son sang par le Guinéen Étienne Sagno qui a avoué avoir agi avec la complicité d’une autorité politique ivoirienne. En 2015 déjà, dans le même pays, la vie fut atrocement ôtée à 25 mômes sans que la population ne se soulève pour se solidariser avec les familles meurtries et sans que les exécutants et commanditaires, c’est-à-dire les marabouts et politiques proches du régime Ouattara, ne soient arrêtés, condamnés et sanctionnés conformément à notre loi fondamentale qui stipule que la vie humaine est sacrée et doit être protégée envers et contre tout. La mort du petit Bouba est une preuve supplémentaire que ce régime installé dans le sang n’a pas d’autre ambition que de nous exterminer peu à peu et je ne pense pas que c’est en versant des larmes pour Bouba, en étant résignés et passifs ou en nous indignant simplement sur les réseaux sociaux, que nous arrêterons ces crimes et assassinats demeurés impunis jusqu’ici. Cette énième atteinte volontaire à la vie humaine devrait nous réveiller et nous pousser à agir car “un peuple qui élit des corrompus, des renégats, des imposteurs, des voleurs et des traîtres n’est pas victime ! Il est complice” (Georges Orwell).

Dans “Les mains sales”, Jean-Paul Sartre soutient que “tous les moyens sont bons quand ils sont efficaces”. G. Weah est d’un avis contraire. Pour lui, tous les moyens ne sont pas bons, ni efficaces et il a raison car, en démocratie, ce qui compte, ce qui parle, ce ne sont ni les armes ni les sacrifices humains, mais le bulletin de vote. L’ancien attaquant du Milan AC est loin d’adhérer à l’idée que tuer autrui est un moyen bon et efficace qu’on peut se permettre d’utiliser pour arriver au pouvoir.

L’auteur rappelle aussi quelques engagements pris par le nouveau président libérien le jour de son investiture: gouverner en faveur des plus pauvres, construire des écoles pour combattre l’ignorance, lutter contre la corruption. Ces promesses seront-elles tenues? Le successeur de Sirleaf ne décevra-t-il pas les immenses espoirs placés en lui par les gens des bidonvilles? Est-il membre de la Franc-maçonnerie qui n’a pas bonne presse en Afrique? Pourra-t-il coopérer avec la France sans hypothéquer la souveraineté de son pays? On espère que Léandre Sahiri écrira un second livre, un livre aussi riche et aussi puissant, un livre d’entretien avec George Weah, pour apporter une réponse à ces questions.

Jean-Claude Djereke

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