Lynx.info : Les Forces Armées Togolaises ont de nouveau renouvelés leur confiance à Faure Gnassingbé dans ce qu’ils appellent rapport annuel des FAT. Que répondez-vous à ceux qui disent que : tu as les FAT et le pouvoir est à tes pieds ?
Pr Aimé Gogué : C’est regrettable mais tout porte à croire que c’est le cas au Togo. Dans tous les rapports annuels des FAT, nos forces armées de défense et de sécurité affirment renouveler leur confiance à Faure Gnassingbé, mais avant lui son père comme pour dire que le pouvoir incarné par le président de la république est plus l’émanation de l’armée que du peuple. Que l’armée renouvelle son attachement et sa loyauté aux institutions de la république à travers le Président est une chose normale. Par contre que l’armée adresse une motion de soutien au Président de la République nous désole. Nous comprenons par ces propos l’attitude autiste de l’institution « Président de la République » par rapport aux cris et aux gémissements des citoyens et la caution manifeste que l’armée apporte à ceux qui violent, trichent, tuent et hypothèquent les principes et les valeurs du vivre ensemble. Au Togo nous sommes dans une situation où en plus de ne pas avoir un Président élu de manière transparente, l’armée semble obéir à un individu. Le comportement de l’armée de manière non républicaine, est un atout majeur pour le régime en place de se maintenir au pouvoir quel que soient les efforts de la population.
Mais est-ce à dire que c’est une situation immuable ? Avoir l’armée de son côté est-il une condition suffisante pour avoir le pouvoir à ses pieds ? Je dirai non. L’histoire du Shah d’Iran est là pour nous le rappeler. En effet, le Shah d’Iran avait une des armées les plus puissantes du monde et des services de renseignements les plus performants. Cependant, lorsque la population en a décidé autrement, le Shah d’Iran a dû fuir le pays et abandonner le pouvoir. Le pouvoir appartient au peuple. Mais pour que cela soit ainsi, il faut que cette population soit organisée et qu’elle ne soit pas handicapée dans ses actions de résistance à la dictature par la peur et l’esprit de fatalité.
Pr Aimé Gogué, pour exiger les reformes, vos amis de l’ANC, du PSR de la CDPA ont choisi la rue pour se faire entendre. Y a-t-il une explication de l’absence de votre parti ADDI ?
Permettez-moi de faire une remarque préliminaire : je trouve regrettable que, dans le cas des réformes, beaucoup de Togolais ne portent leur appréciation que sur les marches de CAP 2015. Tout se passe comme si ces réformes demeurent la préoccupation des partis politiques et plus particulièrement de ceux de l’opposition. Or, lors de la campagne électorale, j’ai constaté que la large majorité des Togolais, qu’ils soient d’Unir, des partis politiques de l’opposition, de la société civile ou de simples citoyens, souhaitent ces réformes, notamment, la limitation des mandats présidentiels et le mode de scrutin. Nous devons donc réfléchir ensemble sur la manière d’obtenir ces réformes que le premier cercle de responsables d’UNIR ne veut pas offrir au peuple Togolais.
Venons maintenant à votre question. Chaque organisation politique a sa stratégie. Nos amis de CAP2015 ont pensé que la réalisation des marches pourrait nous aider à obtenir les réformes. A ADDI nous pensons plutôt que ces manifestations de rues actuellement seraient plutôt contreproductives. Et ceci pour deux raisons, abstraction faite des marches du FRAC et du CST dans un passé « récent ». D’abord par expérience. Nous nous rappelons des manifestations du CAP2015 avant le dépôt de la proposition de loi portant révision de la constitution, initiée par ADDI et le CAR et soutenue par l’ANC en 2014. ADDI était contre ces marches pour deux raisons et nous l’avions fait savoir à nos amis de CAP2015 : (i) même si nous étions convaincus a priori que la probabilité que UNIR rejette notre proposition était élevée, nous pensions qu’il fallait attendre la réaction du régime face à notre proposition de loi avant d’avoir recours à la pression de la rue pour inciter l’Assemblée nationale pour son adoption et ce ; (ii) il fallait également définir une stratégie de négociation avec UNIR pour l’obtention des résultats escomptés..
Pour la situation actuelle, le constat de l’apathie de la population pour la chose politique est réel. Il était donc évident qu’appeler les militants à des marches pouvait se solder par un échec et être contreproductif. En effet, lorsque nous aurons encore besoin, dans l’avenir, du soutien de la population pour des pressions pour nos revendications, cette dernière, fatiguée par les multiples échecs des marches ne réagira pas comme nous l’aurons souhaité. Il fallait donc, à la suite de la lettre pastorale, commencer par sensibiliser la population sur sa responsabilité dans la chose politique et la gestion de la cité. La population devrait savoir que la lutte pour les réformes n’est pas de la responsabilité exclusive des politiques mais de la population elle-même. Si cette condition est remplie, il est alors possible qu’en cas de nécessité, elle se mobilise elle-même pour revendiquer et obtenir les réformes (confère cas du Burkina Faso par exemple). En outre, nous pensons que nous devons nous entendre sur ce que nous mettons dans les réformes et une feuille de route en vue d’obtenir ce que nous voulons. Nous n’avons peut-être pas suffisamment développé ces idées auprès de nos amis du CAP2015. Il est nécessaire que nous nous mettions ensemble pour une véritable mobilisation de la population.
Vous avez certainement tiré les leçons de votre participation aux élections présidentielles de 2015. S’il fallait refaire, quel serait l’erreur ou les erreurs que vous ne répéterez plus ?
ADDI a pris le temps pour analyser son expérience suite à sa première participation aux élections présidentielles en proposant aux électeurs un candidat. Sans état d’âme nous avons mis l’accent sur les erreurs/fautes que nous avions commises à l’interne : décision tardive quant à la forme de notre participation aux élections ; insuffisances des ressources financières en dépit de la subvention de l’état ; faible rigueur dans la sélection des ressources humaines impliquées dans la campagne ; faible implantation du parti dans plusieurs localités du pays ; choix des délégués du candidat dans les bureaux de vote ; faible engagement des délégué du candidat de ADDI dans les bureaux de vote ; etc.. Telles sont les erreurs que nous devrons essayer d’éviter pour les prochaines consultations électorales. Il y a eu ‘également des contraintes externes au parti.
Allié de l’UFC de Gilchrist Olympio hier, vous avez fait un bout de chemin avec l’ANC de Jean-Pierre Fabre pour vous retrouver seul. Les Togolais sont curieux et disent que le combat d’egos est féroce entre vous. C’est ça ?
Comme vous le soulignez si bien ADDI a travaillé en étroite collaboration avec l’UFC ensuite avec l’ANC. Vous oubliez qu’avant 2003, nous avons également travaillé avec l’UTD, la CDPA et le CAR. Au Togo, ADDI est le parti politique qui a le plus œuvré pour l’union de l’opposition. C’est ce qui explique d’ailleurs en partie notre faible implantation dans beaucoup de localités du pays : pour nous, chaque parti politique partenaire devrait intensifier sa présence dans des zones où il a un avantage comparatif.
Je ne pense pas que c’est le lieu ici de rappeler les raisons qui expliquent notre rupture avec nos partenaires : nous l’avions déjà fait à plusieurs reprises. Ce qu’il faut retenir, c’est que, au niveau de ADDI, il n’y a pas question d’ego. Est-ce question d’ego pour les autres : c’est possible. Je crois surtout que chacun de nos partenaires était convaincu être le mieux placé pour conduire l’opposition à l’alternance. C’est peut être légitime. Cependant, je crois de plus en plus que certains d’entre nous visent plutôt le leadership au sein de l’opposition plutôt que d’obtenir l’alternance tant souhaité par la majorité de la population : ceci est regrettable.
Croyez-vous que Faure Gnassingbé est encore sur la même longueur d’onde que l’opposition sur l’Accord de Politique Global (APG) ?
Pour répondre à cette question, il est important de connaître les objectifs que chacun des deux groupes recherchaient dans l’Accord politique global (APG). Pour l’opposition, il fallait surtout obtenir les réformes institutionnelles et constitutionnelles devant renforcer le processus démocratique et sortir le pays de son état d’exception ; en retour pour le régime en place, il fallait donner une légitimité au régime issu d’une élection calamiteuse.
Faure Gnassingbé a obtenu la légitimité à l’issue de la signature de l’APG. L’opposition est loin d’obtenir les réformes tant souhaitées même si les recommandations de la Commission Vérité Justice et Réconciliation (CVJR) mise en place par Faure Gnassingbé lui-même, dans les grandes lignes reprenaient les principales conclusions de l’APG.
Pour Faure Gnassingbé l’APG a atteint « ses »objectifs ; pour l’opposition, l’APG n’a rien apporté. Il est évident que le Président et l’opposition ne sont pas sur la même longueur d’onde.
Que reprochez-vous au juste à ADDI avec l’érection de nouvelles préfectures par le pouvoir en place ?
ADDI promeut les valeurs de justice et d’équité pour tous les Togolais sans une aucune distinction. Lorsque nous constatons que des lois bien qu’elles peuvent être pertinentes s’éloignent de nos aspirations et créent une certaine injustice aux regards des indicateurs objectifs qui motivent leur élaboration, nous ne les cautionnons pas.
Dans l’exposé des motifs de la loi portant création de nouvelles préfectures, le Gouvernement a insisté sur la volonté de rapprocher l’administration des administrés. D’autres objectifs de “ moindre” importance sont également mentionné : motifs démographiques, géographiques, économiques, etc. Ce qui est une bonne chose. A la lumière de ces arguments en raison de leur étendue la création des préfectures de Kpendal Ouest, de l’Oti sud et du Mo se justifie ; mais d’autres localités pourraient aussi espérer avoir une préfecture.
Notre constitution proscrit la discrimination entre les citoyens. Aussi, en tenant compte de l’exposé des motifs avancés par le Gouvernement pour la création des quatre nouvelles préfectures vous constaterez que les concitoyens des actuelles préfectures de Tchaoudjo, Haho, Zio ou une partie du Golfe par exemple sont discriminés. Nous avions proposé des amendements au projet de loi à la commission ; nos amis de l’ANC ont fait une proposition intéressante pour ce qui concerne la restructuration de la préfecture du Zio et de l’ancienne préfecture du Golfe.
Nous sommes convaincus que l’adoption de la loi portant création de ces nouvelles préfectures va à l’encontre de l’article 142 de la constitution togolaise qui fait obligation de maintenir l’équilibre inter régional dans le développement des collectivités.
Nous regrettons également la méthodologie suivie par le Gouvernement pour conduire cette politique de décentralisation. Dans le cadre de la préparation de la décentralisation, le Gouvernement avait mis en place un Comité technique chargé d’élaborer une feuille de route de la décentralisation et des élections locales et avait invité les partis politiques à participer à la réflexion à travers des concertations et consultations. Malheureusement les partis politiques, parties prenantes à ce processus n’ont pas eu jusqu’à ce jour les résultats du travail de ce Comité technique.
La décentralisation concerne toute la population. Pour nous il aurait été intéressant que ce rapport soit distribué aux différentes parties prenantes pour recueillir leur contribution avant la formulation du projet de loi à soumettre à l’Assemblée nationale. Nous ne comprenons pas cette pratique non transparente dans la conduite du processus de décentralisation au Togo.
De plus le projet de loi envoyé à l’Assemblée ne comporte que le nombre de communes par préfecture sans donner leur ressort territorial ni leur potentiel démographique. Toutes ces lacunes démontrent une fois encore un manque de volonté politique de Faure Gnassingbé doublé d’une velléité de passage en force.
Vous saluez la sortie de l’Eglise catholique suite à leur lettre ouverte. Faure Gnassingbé semble faire fi. Comment l’expliquez-vous ?
Nous avons trouvé que la lettre pastorale des évêques de l’Eglise catholique marque un tournant dans la vie politique du pays.
La Conférence des évêques a fait le constat de manière explicite de l’apathie de la population envers la chose politique dans le pays. Ce qui est une réalité. Mais le problème c’est que les Togolais pensent que seuls les politiciens doivent rechercher des solutions aux problèmes (politiques) qui se posent à la société togolaise. Plus spécifiquement, la population rejette souvent cette responsabilité sur les hommes politiques de l’opposition ! Ce qui est intéressant, c’est que les évêques affirment clairement que la politique est une affaire de nous tous, de toute la population et interpelle chaque acteur (organisations de la société civile, partis politiques, gouvernement, catholiques, etc.) à jouer son rôle.
Que le Président de la République en fasse fi, il n’y a rien d’étonnant à cela. Le Président de la République et son système politique ne poursuivent pas les mêmes objectifs que le clergé. Il appartient à chacun de nous de juger de la pertinence ou non de la lettre des évêques et d’envisager sous quel angle entrevoir l’action pertinente qui contribuera à un lendemain meilleur pour les Togolais.
En Allemagne, quand on a 4% lors d’une élection, on ne parle plus au nom du peuple. Finalement, le drame du Togo n’est pas aussi ces partis qui n’ont aucun député et qui disent battre le RPT hier et UNIR avec Faure Gnassingbé aux élections présidentielles ?
Vous avez raison. Il y a plus d’une centaine de partis politiques au Togo : c’est énorme. Je ne crois pas que nous proposons aux Togolais cent projets de société différents ! Mais les dispositions de la charte des partis politiques actuellement en vigueur permettent cette situation. Il faut cependant savoir qu’un parti politique/un candidat peut gagner les élections présidentielles sans avoir eu au préalable des députés élus : nous avons le cas de Patrice Talon au Bénin et Yayi Boni avant lui ; même si Rock Christian Kaboré provenait du CPD, parti qui avait la majorité à l’Assemblée nationale avant la chute de Blaise Compaoré, il faut reconnaître que son parti n’avait pas de députés.
Tout en reconnaissant cette situation, au niveau de ADDI, nous réfléchissons sur des changements. Pour l’instant le nombre de partis est la résultante d’une atmosphère généralisée de méfiance entre les leaders et une politique savamment orchestrée pour brouiller le paysage politique. Tant que la loi le permet, il est naturel que la création de partis continue de plus belle bien que les idéaux ne diffèrent pas de ceux des partis déjà existant. Toutefois dans le souci de mieux organiser le paysage politique au togolais, il faudra, lors d’une large concertation, redéfinir le cadre d’exercice des libertés politiques.
Pr Aimé Gogué, je veux parler avec vous de l’Union de l’opposition togolaise. Comment expliquez-vous que, ce qui réussit aux opposants dans les pays voisins devient la mer à boire entre chefs de partis politiques au Togo ?
Je crois qu’au Togo nous faisons une confusion entre union de l’opposition et unicité de candidat de l’opposition à l’élection présidentielle. Ce qui est important, c’est l’union de l’opposition, la définition de stratégies communes de l’opposition pour l’élection. Un exemple serait de considérer que c’est le candidat du régime en place qui est notre adversaire commun : au cours de la campagne, les attaques des différents candidats de l’opposition devraient se concentrer surtout sur le candidat du régime en place ; en outre, les candidats de l’opposition peuvent se compléter quant à la désignation des membres de bureaux de votes et des délégués des candidats dans les différents bureaux de vote ; les candidats de l’opposition peuvent se « partager » les zones d’intervention ; etc.
Désigner un candidat unique, c’est une autre histoire. Nous ne connaissons nulle part dans le monde où il y a eu unicité de candidat unique : et ce quel que soit le pays et ce même dans le cas d’un mode de scrutin à un tour !
Après analyse, au niveau de ADDI, nous avons abouti à la conclusion que la candidature unique n’est ni une condition nécessaire ni une condition suffisante pour une alternance et même dans une situation d’un mode de scrutin à un tour. Parfois je me demande si cette histoire de candidature unique n’est pas une invention RPT/UNIR pour faire diversion. Nous constatons que les divisions de l’opposition interviennent le plus souvent lorsqu’il arrive le moment de choisir un candidat unique.
Par ailleurs l’union des partis de l’opposition dans les pays voisins intervient au second tour de l’élection. L’union de l’opposition au Togo doit se focaliser sur la revendication et l’obtention des réformes, de fait le scrutin à deux tours permettent de dégager le candidat le mieux placé au second tour.
Député de votre état, vous n’étiez pas en mesure de dire aux Togolais, le salaire mensuel de Faure Gnassingbé et de ses ministres. Comment expliquez-vous cette incapacité des représentants du peuple à donner ne serait-ce que le minimum ?
Vous savez ce n’est pas la faute des députés. La Transition de 1991-1993 avait proposé un salaire au Président Gnassingbé Eyadema. Ceci n’avait pas été adopté. C’est un véritable problème de transparence. Nous espérons que l’adoption de la proposition de loi portant déclaration du patrimoine des responsables politiques et administratifs que ADDI a initiée et envoyé à toute la classe politique et à la société civile pour des contributions, va concourir à renforcer la transparence dans la gestion des finances publiques.
Selon Gilchrist Olympio la lutte frontale n’a rien donné. L’opposition actuelle semble être dépassée par les évènements avec les marches qui montrent des limites. Vous avez un message d’espoir aux Togolais ?
Il est vrai que dans une dynamique sociale les luttes frontales ne donnent pas souvent des résultats probants. Les marches n’ont pas permis d’obtenir les réformes. Mais c’est aussi un constat que la stratégie adoptée par Gilchrist Olympio n’a pas aussi donné les résultats attendus, puisque l’accord RPT-UFC de 2010 prévoyait les réformes dans un délai de 6 mois.
C’est une évidence que les stratégies de l’opposition ont montré des limites comme vous le dites. La question que je me pose c’est de savoir si la réalisation des réformes et l’obtention de l’alternance au Togo est une affaire de l’opposition. La constitution définit les dispositions devant régir les rapports entre les citoyens d’un pays. En voyant le problème sous cet angle, sans vouloir disculper les leaders de l’opposition, nous voyons que dans l’échec de la lutte pour les réformes constitutionnelles et institutionnelles, la société civile et donc la population ont aussi une part de responsabilité. .
Aussi longtemps qu’il y a beaucoup de « passagers clandestins », c’est-à-dire beaucoup de gens qui sont convaincus de la pertinence des réformes et qui pensent que ce sont d’autres personnes, notamment, les homme politiques et surtout ceux de l’opposition qui doivent lutter pour ces réformes, alors, je crois que nous attendrons longtemps en raison de la position de rente dont bénéficient de la constitution actuelle, les tenants du pouvoir actuel. Si dans un bus allant à Sokodé il y a beaucoup de passagers qui ne paient pas leur ticket (passagers clandestins), il est évident que la contribution des passagers réguliers (militants de l’opposition), ne sera pas suffisante pour acheter le carburant nécessaire pour arriver à bon port !
C’est là que nous voyons l’importance de la lettre pastorale des évêques qui vient à point nommé. Il y a lieu de travailler à l’appropriation du contenu de cette lettre pastorale par les citoyens à travers une vaste campagne de sensibilisation et de mobilisation des populations sur toute l’étendue du territoire national afin de susciter une adhésion populaire à la lutte pour les réformes.
ADDI a également fait le constat que l’échec de la lutte pour le changement qualitatif de régime avait pour cause une stratégie erronée qui consistait à concentrer tous les efforts vers l’alternance au sommet en négligeant la démocratie à la base qui nécessite une large implication de la population. C’est pourquoi, au cours de sa rentrée politique du 28 mai 2016, ADDI a solennellement demandé à toute la classe politique de l’opposition de changer le paradigme de la lutte pour mettre plus d’emphase sur la décentralisation afin de remettre la population au cœur de ’action politique.
Les Togolais ne sont pas des extraterrestres. L’alternance et les changements politiques qui ont lieu dans les pays voisins sont possibles sur la Terre de nos aïeux. Mais pour que cela advienne, nous devons y croire ensemble ; nous devons y travailler ensemble et ce pour un meilleur vivre ensemble de nous tous.
Lynx.info : Je vous remercie
Interview réalisée par Camus Ali
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Lynx.info : Les Forces Armées Togolaises ont de nouveau renouvelés leur confiance à Faure Gnassingbé dans ce qu’ils appellent rapport annuel des FAT. Que répondez-vous à ceux qui disent que : tu as les FAT et le pouvoir est à tes pieds ?
C’est regrettable mais tout porte à croire que c’est le cas au Togo. Dans tous les rapports annuels des FAT, nos forces armées de défense et de sécurité affirment renouveler leur confiance à Faure Gnassingbé, mais avant lui son père comme pour dire que le pouvoir incarné par le président de la république est plus l’émanation de l’armée que du peuple. Que l’armée renouvelle son attachement et sa loyauté aux institutions de la république à travers le Président est une chose normale. Par contre que l’armée adresse une motion de soutien au Président de la République nous désole. Nous comprenons par ces propos l’attitude autiste de l’institution « Président de la République » par rapport aux cris et aux gémissements des citoyens et la caution manifeste que l’armée apporte à ceux qui violent, trichent, tuent et hypothèquent les principes et les valeurs du vivre ensemble. Au Togo nous sommes dans une situation où en plus de ne pas avoir un Président élu de manière transparente, l’armée semble obéir à un individu. Le comportement de l’armée de manière non républicaine, est un atout majeur pour le régime en place de se maintenir au pouvoir quel que soient les efforts de la population.
Mais est-ce à dire que c’est une situation immuable ? Avoir l’armée de son côté est-il une condition suffisante pour avoir le pouvoir à ses pieds ? Je dirai non. L’histoire du Shah d’Iran est là pour nous le rappeler. En effet, le Shah d’Iran avait une des armées les plus puissantes du monde et des services de renseignements les plus performants. Cependant, lorsque la population en a décidé autrement, le Shah d’Iran a dû fuir le pays et abandonner le pouvoir. Le pouvoir appartient au peuple. Mais pour que cela soit ainsi, il faut que cette population soit organisée et qu’elle ne soit pas handicapée dans ses actions de résistance à la dictature par la peur et l’esprit de fatalité.
Pr Aimé Gogué, pour exiger les reformes, vos amis de l’ANC, du PSR de la CDPA ont choisi la rue pour se faire entendre. Y a-t-il une explication de l’absence de votre parti ADDI ?
Permettez-moi de faire une remarque préliminaire : je trouve regrettable que, dans le cas des réformes, beaucoup de Togolais ne portent leur appréciation que sur les marches de CAP 2015. Tout se passe comme si ces réformes demeurent la préoccupation des partis politiques et plus particulièrement de ceux de l’opposition. Or, lors de la campagne électorale, j’ai constaté que la large majorité des Togolais, qu’ils soient d’Unir, des partis politiques de l’opposition, de la société civile ou de simples citoyens, souhaitent ces réformes, notamment, la limitation des mandats présidentiels et le mode de scrutin. Nous devons donc réfléchir ensemble sur la manière d’obtenir ces réformes que le premier cercle de responsables d’UNIR ne veut pas offrir au peuple Togolais.
Venons maintenant à votre question. Chaque organisation politique a sa stratégie. Nos amis de CAP2015 ont pensé que la réalisation des marches pourrait nous aider à obtenir les réformes. A ADDI nous pensons plutôt que ces manifestations de rues actuellement seraient plutôt contreproductives. Et ceci pour deux raisons, abstraction faite des marches du FRAC et du CST dans un passé « récent ». D’abord par expérience. Nous nous rappelons des manifestations du CAP2015 avant le dépôt de la proposition de loi portant révision de la constitution, initiée par ADDI et le CAR et soutenue par l’ANC en 2014. ADDI était contre ces marches pour deux raisons et nous l’avions fait savoir à nos amis de CAP2015 : (i) même si nous étions convaincus a priori que la probabilité que UNIR rejette notre proposition était élevée, nous pensions qu’il fallait attendre la réaction du régime face à notre proposition de loi avant d’avoir recours à la pression de la rue pour inciter l’Assemblée nationale pour son adoption et ce ; (ii) il fallait également définir une stratégie de négociation avec UNIR pour l’obtention des résultats escomptés..
Pour la situation actuelle, le constat de l’apathie de la population pour la chose politique est réel. Il était donc évident qu’appeler les militants à des marches pouvait se solder par un échec et être contreproductif. En effet, lorsque nous aurons encore besoin, dans l’avenir, du soutien de la population pour des pressions pour nos revendications, cette dernière, fatiguée par les multiples échecs des marches ne réagira pas comme nous l’aurons souhaité. Il fallait donc, à la suite de la lettre pastorale, commencer par sensibiliser la population sur sa responsabilité dans la chose politique et la gestion de la cité. La population devrait savoir que la lutte pour les réformes n’est pas de la responsabilité exclusive des politiques mais de la population elle-même. Si cette condition est remplie, il est alors possible qu’en cas de nécessité, elle se mobilise elle-même pour revendiquer et obtenir les réformes (confère cas du Burkina Faso par exemple). En outre, nous pensons que nous devons nous entendre sur ce que nous mettons dans les réformes et une feuille de route en vue d’obtenir ce que nous voulons. Nous n’avons peut-être pas suffisamment développé ces idées auprès de nos amis du CAP2015. Il est nécessaire que nous nous mettions ensemble pour une véritable mobilisation de la population.
Vous avez certainement tiré les leçons de votre participation aux élections présidentielles de 2015. S’il fallait refaire, quel serait l’erreur ou les erreurs que vous ne répéterez plus ?
ADDI a pris le temps pour analyser son expérience suite à sa première participation aux élections présidentielles en proposant aux électeurs un candidat. Sans état d’âme nous avons mis l’accent sur les erreurs/fautes que nous avions commises à l’interne : décision tardive quant à la forme de notre participation aux élections ; insuffisances des ressources financières en dépit de la subvention de l’état ; faible rigueur dans la sélection des ressources humaines impliquées dans la campagne ; faible implantation du parti dans plusieurs localités du pays ; choix des délégués du candidat dans les bureaux de vote ; faible engagement des délégué du candidat de ADDI dans les bureaux de vote ; etc.. Telles sont les erreurs que nous devrons essayer d’éviter pour les prochaines consultations électorales. Il y a eu ‘également des contraintes externes au parti.
Allié de l’UFC de Gilchrist Olympio hier, vous avez fait un bout de chemin avec l’ANC de Jean-Pierre Fabre pour vous retrouver seul. Les Togolais sont curieux et disent que le combat d’egos est féroce entre vous. C’est ça ?
Comme vous le soulignez si bien ADDI a travaillé en étroite collaboration avec l’UFC ensuite avec l’ANC. Vous oubliez qu’avant 2003, nous avons également travaillé avec l’UTD, la CDPA et le CAR. Au Togo, ADDI est le parti politique qui a le plus œuvré pour l’union de l’opposition. C’est ce qui explique d’ailleurs en partie notre faible implantation dans beaucoup de localités du pays : pour nous, chaque parti politique partenaire devrait intensifier sa présence dans des zones où il a un avantage comparatif.
Je ne pense pas que c’est le lieu ici de rappeler les raisons qui expliquent notre rupture avec nos partenaires : nous l’avions déjà fait à plusieurs reprises. Ce qu’il faut retenir, c’est que, au niveau de ADDI, il n’y a pas question d’ego. Est-ce question d’ego pour les autres : c’est possible. Je crois surtout que chacun de nos partenaires était convaincu être le mieux placé pour conduire l’opposition à l’alternance. C’est peut être légitime. Cependant, je crois de plus en plus que certains d’entre nous visent plutôt le leadership au sein de l’opposition plutôt que d’obtenir l’alternance tant souhaité par la majorité de la population : ceci est regrettable.
Croyez-vous que Faure Gnassingbé est encore sur la même longueur d’onde que l’opposition sur l’Accord de Politique Global (APG) ?
Pour répondre à cette question, il est important de connaître les objectifs que chacun des deux groupes recherchaient dans l’Accord politique global (APG). Pour l’opposition, il fallait surtout obtenir les réformes institutionnelles et constitutionnelles devant renforcer le processus démocratique et sortir le pays de son état d’exception ; en retour pour le régime en place, il fallait donner une légitimité au régime issu d’une élection calamiteuse.
Faure Gnassingbé a obtenu la légitimité à l’issue de la signature de l’APG. L’opposition est loin d’obtenir les réformes tant souhaitées même si les recommandations de la Commission Vérité Justice et Réconciliation (CVJR) mise en place par Faure Gnassingbé lui-même, dans les grandes lignes reprenaient les principales conclusions de l’APG.
Pour Faure Gnassingbé l’APG a atteint « ses »objectifs ; pour l’opposition, l’APG n’a rien apporté. Il est évident que le Président et l’opposition ne sont pas sur la même longueur d’onde.
Que reprochez-vous au juste à ADDI avec l’érection de nouvelles préfectures par le pouvoir en place ?
ADDI promeut les valeurs de justice et d’équité pour tous les Togolais sans une aucune distinction. Lorsque nous constatons que des lois bien qu’elles peuvent être pertinentes s’éloignent de nos aspirations et créent une certaine injustice aux regards des indicateurs objectifs qui motivent leur élaboration, nous ne les cautionnons pas.
Dans l’exposé des motifs de la loi portant création de nouvelles préfectures, le Gouvernement a insisté sur la volonté de rapprocher l’administration des administrés. D’autres objectifs de “ moindre” importance sont également mentionné : motifs démographiques, géographiques, économiques, etc. Ce qui est une bonne chose. A la lumière de ces arguments en raison de leur étendue la création des préfectures de Kpendal Ouest, de l’Oti sud et du Mo se justifie ; mais d’autres localités pourraient aussi espérer avoir une préfecture.
Notre constitution proscrit la discrimination entre les citoyens. Aussi, en tenant compte de l’exposé des motifs avancés par le Gouvernement pour la création des quatre nouvelles préfectures vous constaterez que les concitoyens des actuelles préfectures de Tchaoudjo, Haho, Zio ou une partie du Golfe par exemple sont discriminés. Nous avions proposé des amendements au projet de loi à la commission ; nos amis de l’ANC ont fait une proposition intéressante pour ce qui concerne la restructuration de la préfecture du Zio et de l’ancienne préfecture du Golfe.
Nous sommes convaincus que l’adoption de la loi portant création de ces nouvelles préfectures va à l’encontre de l’article 142 de la constitution togolaise qui fait obligation de maintenir l’équilibre inter régional dans le développement des collectivités.
Nous regrettons également la méthodologie suivie par le Gouvernement pour conduire cette politique de décentralisation. Dans le cadre de la préparation de la décentralisation, le Gouvernement avait mis en place un Comité technique chargé d’élaborer une feuille de route de la décentralisation et des élections locales et avait invité les partis politiques à participer à la réflexion à travers des concertations et consultations. Malheureusement les partis politiques, parties prenantes à ce processus n’ont pas eu jusqu’à ce jour les résultats du travail de ce Comité technique.
La décentralisation concerne toute la population. Pour nous il aurait été intéressant que ce rapport soit distribué aux différentes parties prenantes pour recueillir leur contribution avant la formulation du projet de loi à soumettre à l’Assemblée nationale. Nous ne comprenons pas cette pratique non transparente dans la conduite du processus de décentralisation au Togo.
De plus le projet de loi envoyé à l’Assemblée ne comporte que le nombre de communes par préfecture sans donner leur ressort territorial ni leur potentiel démographique. Toutes ces lacunes démontrent une fois encore un manque de volonté politique de Faure Gnassingbé doublé d’une velléité de passage en force.
Vous saluez la sortie de l’Eglise catholique suite à leur lettre ouverte. Faure Gnassingbé semble faire fi. Comment l’expliquez-vous ?
Nous avons trouvé que la lettre pastorale des évêques de l’Eglise catholique marque un tournant dans la vie politique du pays.
La Conférence des évêques a fait le constat de manière explicite de l’apathie de la population envers la chose politique dans le pays. Ce qui est une réalité. Mais le problème c’est que les Togolais pensent que seuls les politiciens doivent rechercher des solutions aux problèmes (politiques) qui se posent à la société togolaise. Plus spécifiquement, la population rejette souvent cette responsabilité sur les hommes politiques de l’opposition ! Ce qui est intéressant, c’est que les évêques affirment clairement que la politique est une affaire de nous tous, de toute la population et interpelle chaque acteur (organisations de la société civile, partis politiques, gouvernement, catholiques, etc.) à jouer son rôle.
Que le Président de la République en fasse fi, il n’y a rien d’étonnant à cela. Le Président de la République et son système politique ne poursuivent pas les mêmes objectifs que le clergé. Il appartient à chacun de nous de juger de la pertinence ou non de la lettre des évêques et d’envisager sous quel angle entrevoir l’action pertinente qui contribuera à un lendemain meilleur pour les Togolais.
En Allemagne, quand on a 4% lors d’une élection, on ne parle plus au nom du peuple. Finalement, le drame du Togo n’est pas aussi ces partis qui n’ont aucun député et qui disent battre le RPT hier et UNIR avec Faure Gnassingbé aux élections présidentielles ?
Vous avez raison. Il y a plus d’une centaine de partis politiques au Togo : c’est énorme. Je ne crois pas que nous proposons aux Togolais cent projets de société différents ! Mais les dispositions de la charte des partis politiques actuellement en vigueur permettent cette situation. Il faut cependant savoir qu’un parti politique/un candidat peut gagner les élections présidentielles sans avoir eu au préalable des députés élus : nous avons le cas de Patrice Talon au Bénin et Yayi Boni avant lui ; même si Rock Christian Kaboré provenait du CPD, parti qui avait la majorité à l’Assemblée nationale avant la chute de Blaise Compaoré, il faut reconnaître que son parti n’avait pas de députés.
Tout en reconnaissant cette situation, au niveau de ADDI, nous réfléchissons sur des changements. Pour l’instant le nombre de partis est la résultante d’une atmosphère généralisée de méfiance entre les leaders et une politique savamment orchestrée pour brouiller le paysage politique. Tant que la loi le permet, il est naturel que la création de partis continue de plus belle bien que les idéaux ne diffèrent pas de ceux des partis déjà existant. Toutefois dans le souci de mieux organiser le paysage politique au togolais, il faudra, lors d’une large concertation, redéfinir le cadre d’exercice des libertés politiques.
Pr Aimé Gogué, je veux parler avec vous de l’Union de l’opposition togolaise. Comment expliquez-vous que, ce qui réussit aux opposants dans les pays voisins devient la mer à boire entre chefs de partis politiques au Togo ?
Je crois qu’au Togo nous faisons une confusion entre union de l’opposition et unicité de candidat de l’opposition à l’élection présidentielle. Ce qui est important, c’est l’union de l’opposition, la définition de stratégies communes de l’opposition pour l’élection. Un exemple serait de considérer que c’est le candidat du régime en place qui est notre adversaire commun : au cours de la campagne, les attaques des différents candidats de l’opposition devraient se concentrer surtout sur le candidat du régime en place ; en outre, les candidats de l’opposition peuvent se compléter quant à la désignation des membres de bureaux de votes et des délégués des candidats dans les différents bureaux de vote ; les candidats de l’opposition peuvent se « partager » les zones d’intervention ; etc.
Désigner un candidat unique, c’est une autre histoire. Nous ne connaissons nulle part dans le monde où il y a eu unicité de candidat unique : et ce quel que soit le pays et ce même dans le cas d’un mode de scrutin à un tour !
Après analyse, au niveau de ADDI, nous avons abouti à la conclusion que la candidature unique n’est ni une condition nécessaire ni une condition suffisante pour une alternance et même dans une situation d’un mode de scrutin à un tour. Parfois je me demande si cette histoire de candidature unique n’est pas une invention RPT/UNIR pour faire diversion. Nous constatons que les divisions de l’opposition interviennent le plus souvent lorsqu’il arrive le moment de choisir un candidat unique.
Par ailleurs l’union des partis de l’opposition dans les pays voisins intervient au second tour de l’élection. L’union de l’opposition au Togo doit se focaliser sur la revendication et l’obtention des réformes, de fait le scrutin à deux tours permettent de dégager le candidat le mieux placé au second tour.
Député de votre état, vous n’étiez pas en mesure de dire aux Togolais, le salaire mensuel de Faure Gnassingbé et de ses ministres. Comment expliquez-vous cette incapacité des représentants du peuple à donner ne serait-ce que le minimum ?
Vous savez ce n’est pas la faute des députés. La Transition de 1991-1993 avait proposé un salaire au Président Gnassingbé Eyadema. Ceci n’avait pas été adopté. C’est un véritable problème de transparence. Nous espérons que l’adoption de la proposition de loi portant déclaration du patrimoine des responsables politiques et administratifs que ADDI a initiée et envoyé à toute la classe politique et à la société civile pour des contributions, va concourir à renforcer la transparence dans la gestion des finances publiques.
Selon Gilchrist Olympio la lutte frontale n’a rien donné. L’opposition actuelle semble être dépassée par les évènements avec les marches qui montrent des limites. Vous avez un message d’espoir aux Togolais ?
Il est vrai que dans une dynamique sociale les luttes frontales ne donnent pas souvent des résultats probants. Les marches n’ont pas permis d’obtenir les réformes. Mais c’est aussi un constat que la stratégie adoptée par Gilchrist Olympio n’a pas aussi donné les résultats attendus, puisque l’accord RPT-UFC de 2010 prévoyait les réformes dans un délai de 6 mois.
C’est une évidence que les stratégies de l’opposition ont montré des limites comme vous le dites. La question que je me pose c’est de savoir si la réalisation des réformes et l’obtention de l’alternance au Togo est une affaire de l’opposition. La constitution définit les dispositions devant régir les rapports entre les citoyens d’un pays. En voyant le problème sous cet angle, sans vouloir disculper les leaders de l’opposition, nous voyons que dans l’échec de la lutte pour les réformes constitutionnelles et institutionnelles, la société civile et donc la population ont aussi une part de responsabilité. .
Aussi longtemps qu’il y a beaucoup de « passagers clandestins », c’est-à-dire beaucoup de gens qui sont convaincus de la pertinence des réformes et qui pensent que ce sont d’autres personnes, notamment, les homme politiques et surtout ceux de l’opposition qui doivent lutter pour ces réformes, alors, je crois que nous attendrons longtemps en raison de la position de rente dont bénéficient de la constitution actuelle, les tenants du pouvoir actuel. Si dans un bus allant à Sokodé il y a beaucoup de passagers qui ne paient pas leur ticket (passagers clandestins), il est évident que la contribution des passagers réguliers (militants de l’opposition), ne sera pas suffisante pour acheter le carburant nécessaire pour arriver à bon port !
C’est là que nous voyons l’importance de la lettre pastorale des évêques qui vient à point nommé. Il y a lieu de travailler à l’appropriation du contenu de cette lettre pastorale par les citoyens à travers une vaste campagne de sensibilisation et de mobilisation des populations sur toute l’étendue du territoire national afin de susciter une adhésion populaire à la lutte pour les réformes.
ADDI a également fait le constat que l’échec de la lutte pour le changement qualitatif de régime avait pour cause une stratégie erronée qui consistait à concentrer tous les efforts vers l’alternance au sommet en négligeant la démocratie à la base qui nécessite une large implication de la population. C’est pourquoi, au cours de sa rentrée politique du 28 mai 2016, ADDI a solennellement demandé à toute la classe politique de l’opposition de changer le paradigme de la lutte pour mettre plus d’emphase sur la décentralisation afin de remettre la population au cœur de ’action politique.
Les Togolais ne sont pas des extraterrestres. L’alternance et les changements politiques qui ont lieu dans les pays voisins sont possibles sur la Terre de nos aïeux. Mais pour que cela advienne, nous devons y croire ensemble ; nous devons y travailler ensemble et ce pour un meilleur vivre ensemble de nous tous.
Lynx.info : Je vous remercie
Interview réalisée par Camus Ali